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Benoît Sokal : du point de vue de l’aigle

Par Didier Pasamonik (L’Agence BD) le 23 septembre 2010                      Lien  
Issu de l’atelier R qui a révélé Schuiten, Andréas ou Bézian, le créateur de Canardo n’a jamais abdiqué de ses ambitions. Profitant d’une accalmie sur le front des jeux vidéo, il s’est remis à la bande dessinée retrouvant par la même occasion les thèmes et les techniques qui étaient ceux de ses débuts.
Benoît Sokal : du point de vue de l'aigle
Kraa par Benoit Sokal - Editions Casterman

En 1978, l’enthousiaste Claude Renard, barbe fleurie et écharpe au vent, professeur de la seule classe de bande dessinée existant alors dans l’espace francophone, l’Atelier R à l’institut Saint-Luc de Bruxelles, avait trouvé l’idée pour fédérer sa classe : celui de publier un album collectif où se retrouveraient tous les travaux des ses élèves, somptueuse carte de visite opportunément imprimée juste avant le Festival alors naissant d’Angoulême : Le 9ème Rêve.

Pour ce faire, il convainc l’éditeur Louis Musin, un personnage fantasque et flamboyant promenant faconde et caniche dans la société bruxelloise, bien connu pour ses belles rééditions de l’œuvre de Michel de Ghelderode. L’album est luxueux, très bien fabriqué, et comporte un bon nombre de pages brillantes : outre ceux de François Schuiten, on y découvre les premiers travaux de Séraphine, Philippe Berthet, Chantal de Spiegeleer… La plupart des éditeurs de l’époque viendront y faire leur marché…

Parmi les auteurs qui sortent du lot, il y a Sokal. Son histoire à lui frappe par sa technique –une gouache parfaitement maîtrisée- et par son sujet qui le révèle comme un dessinateur animalier d’exception dans la tradition d’un René Hausman. Un aigle en particulier darde –déjà- le lecteur de son regard.

Kraa par Benoit Sokal.
(c) Casterman

Du réalisme à l’humoristique

Sokal aime l’art du contrepied. Alors que cette première histoire est réaliste, c’est dans le domaine humoristique qu’il fera son trou avec Canardo (Casterman), le Sam Spade palmipède. La série acquiert rapidement un notable succès, surtout depuis que, l’album ayant reçu en 1981 le Grand Prix de la Ville de Paris, Jacques Chirac l’avait brandi devant les caméras de la télévision.

Mais Sokal se trouve un peu engoncé dans cette série qui marche bien, et même de mieux en mieux, d’autant qu’il voit ses petits camarades Schuiten, Andréas,… entreprendre des projets artistiquement plus ambitieux. Ayant peu ou prou réalisé quelques « roman graphiques » pour Casterman, lesquels n’auront jamais le succès de son Canardo, il a l’occasion de bifurquer vers le numérique et en particulier le jeu vidéo. Il en devient un des créateurs les plus en vue avec L’Amerzone puis Sybéria, suivis par quelques autres qui s’inscrivent dans l’histoire de cette industrie, non seulement en raison de leur qualité graphique, mais aussi du fait de leur succès, les ventes se comptant en millions de pièces.

Benoit Sokal dans son atelier.
Photo : D. Pasamonik (L’Agence BD)

L’empire du jeu vidéo

Il rétrocède une partie du dessin de Canardo à Pascal Regnauld et se jette à corps perdu dans cette aventure somme toute très éloignée de la BD. Mais au bout de quelques années, l’industrie du jeu changea. La concentration de la distribution fait qu’aujourd’hui, la production d’un jeu vidéo porte son budget à quelques dizaines de millions de dollars, souvent sous-traitée en Corée ou au Mexique. On est bien loin de la production artisanale des années 1990-2000 où Sokal pouvait avoir la main sur sa création. Les financements sont bien plus longs à mettre en œuvre.

Profitant d’une accalmie dans cette activité, Sokal revient au dessin. Cela donne Kraa, une fable chamano-écologique située dans le Grand Nord contant le dernier combat des habitants d’une région fragilisée par l’installation d’une ville-champignon où s’agglutinent tous les aventuriers de la terre, attirés par des matières premières rendues accessibles par le dégel de la calotte glacière.
La trame n’est pas d’une nouveauté foncière mais, c’est sa marque de fabrique, Sokal aime précisément accommoder les poncifs à sa sauce. Le scénario prend, comme la braise sous le souffle ; et on accompagne avec plaisir le jeune indien en relation magique avec l’aigle sacré.

Exposition Kraa à la Galerie Petits Papiers. On peut acheter croquis et planches originales pour un prix allant de 500 à 2500 euros.
Photo : D. Pasamonik (L’Agence BD)

Le dessin s’inscrit lui aussi dans une tradition : celle d’un Bruegel l’ancien, d’un Jacques Laudy, d’un Antoon Pieck… dont le trait s’intéresse moins à capter une réalité documentaire qu’à ensorceler le lecteur dans un récit où l’auteur, comme son aigle féroce, jette un regard implacable sur la nature humaine.

(par Didier Pasamonik (L’Agence BD))

Cet article reste la propriété de son auteur et ne peut être reproduit sans son autorisation.

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Code EAN :

Benoît Sokal – Kraa T1 : La Vallée perdue – Editions Casterman

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Les dessins de Benoit Sokal font en ce moment l’objet d’une exposition-vente à la galerie Petits Papiers de Paris, du 23 septembre au 23 octobre 2010.

Galerie Petits Papiers – 91, rue Saint-Honoré 75001 Paris

 
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