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Bienvenue à la collection 9 1/2 chez Glénat

Par Paul CHOPELIN le 27 décembre 2019                      Lien  
Quand le Neuvième art rencontre le Septième art. Noël Simsolo et Franck Marguin proposent une nouvelle collection BD chez Glénat consacrée à des acteurs et à des réalisateurs emblématiques. Moteur, ça tourne... action !

Bienvenue à la collection 9 1/2 chez GlénatLes trois premiers volumes de la collection 9½ chez Glénat nous plongent dans le milieu du cinéma européen et américain du XXe siècle. Avec le portrait de trois géants : Alfred Hitchcock, Sergio Leone et Lino Ventura.

Les biographies des deux réalisateurs sont scénarisées par Noël Simsolo lui-même. Pour Sergio Leone, le récit tient tout autant de la reconstitution biographique que du témoignage personnel, car Noël Simsolo connaissait personnellement le maître italien, avec lequel il a publié des Conversations (1987). Le dessin de Philan est très efficace : les visages des protagonistes de cette histoire, forcément très connus, sont parfaitement reconnaissables. L’ensemble, bien que très dense, se révèle d’une grande fluidité.

Au-delà de la figure de Sergio Leone, alias Bob Robertson au début de sa carrière, c’est tout un pan de l’histoire du cinéma italien qui se dévoile à nos yeux. Au fil des pages, le lecteur aura le plaisir de croiser Sofia Loren, Claudia Cardinale, Pier Paolo Pasolini, Federico Fellini, Dario Argento ou Bernardo Bertolucci. Sans oublier les acteurs et réalisateurs étrangers attirés par le rayonnement de l’industrie cinématographique, tels qu’Orson Welles, Brigitte Bardot, Raoul Walsh ou William Wyler. Les grands acteurs leoniens sont bien sûr très présents, que ce soit Clint Eastwood, Lee Van Cleef, Henry Fonda ou, à la fin, Robert de Niro.

Rempli d’anecdotes connues ou moins connues, le récit dévoile le quotidien du réalisateur, dans ce qu’il a de plus stimulant dans le processus créatif ou de plus harassant dans la gestion des aspects matériels des tournages. Conflits et accommodements, tant avec les producteurs qu’avec les acteurs, rythment la vie de Sergio Leone.

Très bien informé, Noël Simsolo nous entraîne dans les coulisses du tournage de ses grands films : la trilogie des dollars (Il était une fois dans l’Ouest, Il était une fois la Révolution et Il était une fois en Amérique). On apprend aussi, au détour d’une planche, que le maestro accepta de tourner une publicité pour les glaces Gervais et que Jean Gabin faillit jouer dans Il était une fois en Amérique.

Intitulé L’homme de Londres, le premier volume du diptyque consacré à Alfred Hitchcock est l’occasion pour Noël Simsolo de retrouver son complice Dominique Hé, avec lequel il a récemment cosigné un excellent Pornhollywood (Glénat, 2016), un polar à la James Ellroy qui se passe dans le milieu du cinéma américain des années 1930. Il est toujours ici question de cinéma dans l’entre-deux-guerres, mais cette fois en Angleterre, sur les traces de celui qui est souvent considéré comme le plus grand réalisateur de tous les temps.

Le récit est structuré autour d’une série de flashbacks organisés de façon chronologique. A l’été 1954, en marge du tournage de La main au collet, le réalisateur discute avec ses deux acteurs principaux, Cary Grant et Grace Kelly, au bar du Carlton de Cannes. Il évoque ses débuts fulgurants dans le cinéma muet puis la façon dont il a réussi à s’imposer comme l’un des maîtres du cinéma parlant britannique. Il se complaît dans la description de ses relations quasi sado-masochistes avec les acteurs et surtout les actrices, ces fameuses héroïnes blondes, qui le fascinent, mais qu’il n’hésite pas parfois à humilier sur les tournages.

Noël Simsolo décortique l’implacable machine Hitchcock, qui réussit toujours très habilement à mettre en scène nos angoisses les plus intimes. Au fil des tournages, la technique s’affine et le style hitchcockien s’affirme. « Disons que je suis un artiste qui peint toujours la même fleur, mais chaque fois un peu mieux », confie le maître du suspense au journaliste John Peter Crokett. Une grande attention est également portée à la culture catholique qui imprègne les films d’Hitchcock, lequel fut marqué par ses années de collège chez les jésuites.

Le dessin de Dominique Hé, une ligne claire d’une très grande élégance, en noir et blanc, reconstitue avec bonheur l’atmosphère de l’époque. L’album s’achève avec la rencontre entre Hitchcock et David O. Selznick qui ouvre la période américaine du réalisateur, laquelle fera l’objet d’un second tome.

L’album consacré à Lino Ventura emprunte un tout autre chemin, celui d’un entretien imaginaire entre l’acteur et un journaliste nommé Merlin, qui le suit partout et le harcèle avec des questions maladroites. Ce duo trouve sa raison d’être dans un fait réel, évoqué dans l’album : Lino Ventura fut pressenti pour incarner le personnage de Campana dans La chèvre de Francis Veber, rôle qu’il finit par refuser, au grand dam de ses admirateurs, au profit de Gérard Depardieu. Arnaud Le Gouëfflec et Stéphane Oiry refont le film, à leur manière, sous la forme d’un « biopic » hommage très réussi. Le catastrophique Merlin/Perrin y apparaît peu à peu comme la conscience de Lino Ventura, obligeant l’homme à briser sa carapace devant le lecteur/spectateur.

Si les grandes étapes de la carrière de l’acteur sont fidèlement évoquées, les deux auteurs dressent également avec beaucoup de finesse et d’élégance le portrait intime d’un père de famille profondément attachant. Le dessin et les couleurs, au style très « vintage », servent parfaitement le propos. On se croirait dans un film des années 1960-1970 : l’atmosphère est parfaitement reconstituée et on a l’impression de voir Lino Ventura et ses partenaires s’animer à chaque case, transformée en écran de cinéma. Cette sensation est encore plus évidente dans les scènes de salle de cinéma, qui donnent lieu à une véritable mise en abyme du récit. La magie opère, démontrant une nouvelle fois le lien intime qui peut unir 7e et 9e arts.

Le découpage de l’histoire est très efficace et on se laisse embarquer sans difficulté jusqu’au bout de ce road-movie mélancolique, partagé entre rire et larmes. D’aéroports en gares, de trains en voitures, Lino Ventura cherche à échapper à ses souvenirs, mais aussi à ce métier d’acteur dans lequel il s’est engagé un peu par hasard. L’histoire principale, faite de flashbacks, est elle-même entrecoupée d’épisodes retraçant l’enfance de Lino, traités graphiquement à la façon des BD publiées en feuilleton dans les revues de jeunesse des années 1940.

On retrouve ici de nombreux éléments évoqués dans l’excellent documentaire de Simon Thisse et Erwan L’Eléouet, Lino Ventura, les combats d’une vie (2011), diffusé dans le cadre de l’émission « Un jour, un destin » sur France 2. Avec ses cases silencieuses, centrées sur un regard tantôt courroucé, tantôt amusé, l’album d’Arnaud Le Gouëfflec et Stpéhane Oiry ajoute un supplément d’âme à l’histoire d’un homme blessé, volontiers sévère, mais d’une immense générosité, pour ses proches comme pour son public. La double planche consacrée à l’annonce, à la télévision, de la création de l’association Perce-Neige résume parfaitement ce qu’était Lino Ventura.

D’une grande qualité graphique et scénaristique, ces trois albums s’adressent autant au néophyte qu’au cinéphile averti. Le premier y apprendra beaucoup de choses sur l’univers du cinéma, tandis que le second se délectera des nombreux clins d’œil glissés, de planche en planche, par les auteurs. Un vrai plaisir de lecture et une mine d’informations. Et pour celles et ceux qui aiment lire en musique, Ennio Morricone, Bernard Herrmann et Michel Magne fourniront une bande-son toute trouvée.

Plusieurs nouveaux titres sont annoncés : deux figures flamboyantes et tragiques, Patrick Dewaere et Jayne Mansfield, du côté des acteurs, François Truffaut et le tome 2 d’Hitchcock du côté des réalisateurs. Une collection à suivre de très très près !

Voir en ligne : Présentation de la collection sur le site de l’éditeur

(par Paul CHOPELIN)

Cet article reste la propriété de son auteur et ne peut être reproduit sans son autorisation.

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