Billionaire Island - Par Mark Russell & Steve Pugh - Éd. Urban Comics

En 2044, être milliardaire est loin d’être chose aisée, surtout lorsqu’il s’agit de contenter ses fonctionnaires en quête de meilleurs avantages. On ne dénombre plus les plaintes d’universitaires se retrouvant à cumuler des petits emplois précaires ou d’autres anciens employés laissés-pour-compte qui assaillent leurs responsables lors d’une réunion, explosifs autour de la ceinture. Non, être milliardaire est tout sauf facile.

Alors, que faire pour agrémenter le quotidien ennuyeux de ces richissimes braves gens ? La réponse se nomme "Freedom Unlimited" (liberté illimitée), une île artificielle située dans le golfe du Mexique, à l’abri des regards et des curieux. Une terre de liberté aux opportunités infinies, ultra protégée de drones automatisés, garantissant une sécurité à toute épreuve face aux réfugiés et aux migrants. Sans oublier qu’il s’agit là, d’eaux internationales, de comptes offshores, de gastronomie incomparable, de zéros taxes. Bref, le paradis sur Terre pour tout milliardaire qui se respecte.

À la tête de ce conglomérat de super bourges, se trouve un certain Rick Canto, responsable d’avoir créé un virus de stérilité via des programmes d’aides alimentaires dont le but consiste à réduire drastiquement la population mondiale de manière à éviter des conflits s’éternisant ou des guerres. Un despote, un véritable tyran qui ne respecte pour ainsi dire rien ni personne.

Et quiconque se dresse sur son passage en paiera les frais. C’est le cas pour quelques journalistes un peu trop curieux, son propre comptable ou tout individu qui tentera de faire éclater la vérité au grand jour. Tout ce beau monde se retrouve, donc, prisonnier à bord de son île flottante, et certains, même, depuis plusieurs années…

©Steve Pugh / Urban Comics

À l’heure où les inégalités sociales se creusent comme jamais auparavant, où les gens de la classe moyenne tentent tout pour, au mieux de s’en sortir, une élite se détache, une élite qui dirige d’une main de fer l’ensemble du globe : les milliardaires.

Mais que font en réalité ces grands pontes de leur journée ? Qui sont-ils réellement ? Aux commandes de Billionaire Island, la collaboration de Mark Russel & Steve Pugh va vous éclairer quant à leurs desseins, leurs agissements et leur philosophie de vie, au travers d’une satire du monde de demain, tout à fait jubilatoire.

À prendre certes au second degré, et pourtant doublé d’un réalisme exacerbant. Les milliardaires décrits dans Billionaire Island témoignent de l’étendue de leur pouvoir… quasiment sans limite où exubérances en tout points n’a d’égal que leur cynisme. D’ailleurs, des thématiques telles que le réchauffement climatique, l’appât du gain à l’extrême ou le fossé de tragédies sociales sont à maintes reprises énoncées, encore une fois de manière satirique mais bel et bien démonstratrice de ce que nous vivons actuellement.

Sans oublier cette technologie à sens unique, comme c’est le cas de ces drones High- tech, exclusivement réservés à une élite, la corruption des réseaux sociaux, le lavage de cerveau par le biais de logos publicitaires hypnotiques. Des éléments d’ailleurs savamment exploités il y a plus de deux décennies par Warren Ellis et son Transmetropolitan.

Au final, Mark Russell cogne fort, là où il faut. Et le travail de son comparse Steve Pugh n’est pas en reste. Il nous régale par sa justesse et l’équilibrage arrière-plan/effets de zoom, tout en jouant magistralement bien avec les ombres, les contrastes et les lumières. On peut certes reprocher quelques faciès à l’allure disproportionnée, aux yeux globuleux et expressions surjouées mais une fois remis dans leur contexte, ceux-ci s’acclimatent idéalement.

Quoi qu’on en pense, Billionaire Island ne vous laissera pas de marbre. À lire de toute urgence.