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Biographie de Franquin (4) : histoires roses et idées noires

Par Patrick Albray le 14 septembre 2004                      Lien  
Les années 70 voient la transformation complète d'un dessinateur qui avait dû trop longtemps s'auto-censurer dans les supports pour la jeunesse.

1970
Will et Yvan Delporte créent Isabelle. Plus tard, Franquin les rejoint au scénario. Il passe au vitriol ce gentil univers un peu trop rose.

"Je connaissais Will depuis mes débuts chez Jijé et je l’avais appelé à la rescousse pour "Les Pirates du Silence". C’est un merveilleux décoriste. Il avait, par la suite, donné naissance à Isabelle, avec Yvan Delporte. Mais sans grand succès. Macherot leur a donné un coup de main ensuite, avec des scénarios plus insolites, et Delporte m’a demandé d’y participer mais dans une voie beaucoup plus fantastique. Nous nous sommes énormément amusés dans cette série. Tout le monde participait : moi, je notais les idées et je réalisais les esquisses de la planche.Puis Yvan Delporte reprenait le tout chez lui et ajoutait ses dialogues savoureux. Et Will mettait tout en forme."

1970, 3 décembre.
Franquin s’amuse à faire vivre sa signature au bas d’une planche de Gaston. Des centaines suivront.

1972
De premiers monstres apparaissent dans les planches de Gaston. Biographie de Franquin (4) : histoires roses et idées noires

"J’ai toujours aimé dessiner des personnages monstrueux. Mais il a fallu attendre des décennies pour que j’ose en publier un, dans Gaston. Je croyais que ces monstres feraient peur, mais chaque fois que je les montrais à quelqu’un, il rigolait"

1975
Dans "Tintin et moi" (Casterman), ses entretiens avec numa Sadoul, Hergé confie :
"Quand je vois un Franquin, je me dis "mais comment peut-on nous comparer ? Lui, c’est un grand artiste à côté duquel je ne suis qu’un piètre dessinateur.""

1977, 17 mars
Au centre du journal "Spirou", un supplément pirate. Réalisé dans les caves des éditions Dupuis, il se définit comme le seul journal à emballage perdu : "Le Trombone Illustré". Franquin y publie ses premières idées noires.

"Il était impossible d’aborder certains thèmes dans Spirou. Or, j’avais évolué, j’en avais besoin. On glorifiait, à l’époque, les actes guerriers, on nous expliquait comment monter des maquettes d’avions de combat, on publiait des publicités pour l’armée. Moi, je voulais qu’on y aborde des sujets comme l’écologie, le féminisme.

Yvan Delporte a, comme toujours, sauté sur l’occasion. Il a réalisé une maquette qu’il a présentée à l’éditeur. Nous avons contacté certains dessinateurs amis, que nous avons mis dans la confidence, et nous avons démarré.

Mais le ton du journal a entraîné des réactions virulentes à l’intérieur même des Editions Dupuis. Le rédacteur en chef de l’époque y était catégoriquement opposé, de même que certains dessinateurs très importants. Cette ambiance négative, ajoutée à des tentatives de censure (à cause d’articles sur les publicités et les sectes), nous ont contraints à arrêter les frais. Le "Trombone Illustré" a vécu trente numéros.

Nous avons repris l’idée chez Casterman, avec des pages intitulées "Pendant ce temps à Landerneau", mais ce type d’humour ne convenait pas à (A suivre) et on nous a fait comprendre qu’il vallait mieux arrêter."

1978
Frédéric Jannin, un jeune auteur encore débutant, crée Arnest Ringard et la taupe Augraphie. Au scénario : Yvan Delporte et André Franquin.

"Ce personnage a comme origine mes souvenirs d’enfance, et plus particulièrement de mon grand-père et de son jardin. Il était régulièrement envahi par les taupes, qu’il parvenait parfois à capturer. J’avais également l’envie de traiter de ce thème de deux mondes qui vivent en parallèle, l’un en-dessous, l’autre au-dessus. Mais aucun des dessinateurs à qui je l’avais proposé n’en voulait. Sauf, finalement, Jannin. Il débutait alors."

1979
L’album "Cauchemarrants" reprend les dessins monstrueux de Franquin et quelques travaux annexes, dont une planche pour Amnesty International.

1980
Gaston est victime du cinéma français. Un navet sort dans les salles, inspiré de son personnage. Franquin n’a absolument rien à voir là-dedans.

"Quelle horreur ! Je n’ai jamais vu une adaptation de BD au cinéma réussie. Ce sont deux genres qui ne s’entendent pas : un personnage comme Gaston est amusant parce que son graphisme amène l’humour. "

1981
Les Editions Audie/Fluide Glacial publient le premier album des "IDÉES NOIRES". Une édition pirate reprenant les planches inédites contraindra Franquin a accepter l’édition d’un second numéro, en petit format.

"Les Idées noires, c’est un peu Gaston trempé dans de la suie", expliquait-il au journaliste Francis Matthys (La Libre Belgique).

1982
Victime d’une grave dépression nerveuse, Franquin arrête Gaston et les "Idées Noires".

1984
Franquin sort d’une longue et terrible période de déprime qui l’a rendu inactif. Il se remet à Gaston, mais avec beaucoup de difficultés. Il ne "sent" plus le dessin du personnage comme auparavant.

1985
Les éditions Dupuis publient un album zéro de Gaston. Pourquoi zéro ? Parce qu’il n’y aura jamais d’album 5, comme l’explique le quatrième de couverture de chacun des albums depuis vingt ans.

1986
Dans "La Mite railleuse", Franquin met en scène de manière irrévérencieuse l’évêque des titres du "Trombone".

Numa Sadoul publie un long entretien avec Franquin dans "Et Franquin créa la gaffe".Il n’y aura jamais d’album 5 de Gaston, disaient les Editions Dupuis ?
Si ! Il vient de paraître !

(par Patrick Albray)

Cet article reste la propriété de son auteur et ne peut être reproduit sans son autorisation.

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Code EAN :

Les commentaires de Franquin proviennent d’entretiens inédits,
mêlés à des citations librement remaniées extraites de
"Signé Franquin" (Dupuis, 1992)
et de "Et Franquin créa la gaffe" (Schlirf/Dargaud, 1985). Les illustrations de ce dossier sont ©Marsu-Productions, ©Dupuis, ©Audie/Fluide Glacial et ©Lombard.

Le catalogue de l’exposition peut être commandé sur Internet.

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