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Birds of Prey : une émancipation réussie ?

Par Vincent SAVI le 21 février 2020                      Lien  
Après l'infâme "Suicide Squad" en 2016, Harley Quinn est de retour sur les écrans pour de nouvelles aventures, mais elle délaisse ici les psychopathes de la "Task Force X" pour un autre groupe tout autant déjanté composé d'une ado voleuse, d'une flic désabusée, d'une justicière meurtrière et d'une chanteuse de cabaret experte en close-combat. Cette bande de personnages bien différents vont se trouver un intérêt commun : Black Mask, un parrain de la pègre qui aimerait les voir mortes.

Harley Quinn et le Joker c’est terminé. Le clown prince du crime et l’ex-psychiatre ne sont plus ensemble et l’impunité dont jouissait Harley dans Gotham City ne tient plus, tous les criminels de la ville à qui elle a un jour causé du tort décident alors de lui tomber dessus. Le plus dangereux d’entre-eux, Black Mask, un chef de gang sadique risque de lui poser un gros problème. Fort heureusement pour notre déjantée psychiatre, elle n’est pas la seule femme à vouloir s’attaquer à l’homme au masque noir...

Birds of Prey : une émancipation réussie ?
La rupture avec Mr.J n’est pas simple pour Harley...

Cocktail coloré et survitaminé, "Birds of Prey (and the Fantabulous Emancipation of One Harley Quinn)" - son titre complet - apporte un véritable souffle dans le paysage des blockbusters et des adaptations super-héroïque. Fort d’une direction artistique appuyée et d’un casting engagé qui a l’air de s’amuser, le long-métrage remplit à merveille sa fonction première : divertir.

Attention toutefois : en dépit de ce que l’on pourrait penser de prime abord, il s’agit avant tout d’un film Harley Quinn et non pas Birds of Prey. Une confusion finalement assez peu importante mais qui aura tout de même déstabilisé une partie du public forçant certains médias et cinéma américains à renommer le film Harley Quinn : Birds of Prey. Quoiqu’il en soit, en dépit de ses nombreux défauts, ce dernier long-métrage de l’univers de DC Comics est une belle réussite ainsi qu’une revanche méritée pour Margot Robbie, l’interprète de l’héroïne.

Renee Montoya, Huntress, Harley Quinn, Cassandra Cain et Black Canary prête à en découdre.

Il faut dire que dans Suicide Squad, la prestation de l’actrice en Harley Quinn était l’un des rares éléments à sauver du film, même si le traitement du personnage, filmé de manière lubrique durant tout le film de David Ayer où elle ne servait qu’à jouer la "foldingue hypersexualisée" de service était tout simplement catastrophique. Margot Robbie elle-même s’était d’ailleurs montrée assez mal à l’aise de la tournure prise par le projet et du résultat final.

Assez rapidement, on apprit qu’un film consacré à Harley Quinn était en production chez Warner Bros, mais cette fois-ci, Margot Robbie allait prendre les choses en mains en le produisant elle-même.

Ce film s’annonce donc dès le début comme une sorte de revanche de l’actrice sur Hollywood, en rupture avec son traitement des personnages féminins. L’actrice-productrice très impliquée sur le projet appuie notamment la candidature de la réalisatrice Cathy Yan qui héritera de la réalisation du film. tandis que l’écriture du scénario est confiée à Christina Hodson. Lorsque le titre - à rallonge - du film est dévoilé : "Birds of Prey (and the Fantabulous Emancipation of One Harley Quinn)", il n’y a plus aucun doute sur la dimension émancipatrice du projet. Mais qu’en est-il du résultat final ?

Le canari noir, chanteuse de cabaret, chauffeur privé et... super-héroïne ?

À n’en pas douter, un film écrit, produit et réalisé par une équipe majoritairement féminine ne tombe pas dans les mêmes travers qu’une production 100% masculine. Il ne s’agit pas ici de dire qu’un homme ne peut écrire ou filmer des personnages féminins de manière respectueuse, bien au contraire, mais simplement que la domination du regard masculin sur l’industrie Hollywoodienne aboutit à la perpétuation de certains stéréotypes et clichés dont il n’est pas simple de s’affranchir. La comparaison entre Suicide Squad et Birds of Prey en est un exemple flagrant.

Là où dans le film précédent, Harley Quinn n’était qu’un personnage excentrique un peu stupide par moments, Birds of Prey nous rappelle qu’en dépit de sa folie, Harley est une ancienne psychiatre reconnue et diplômée. Dans le film de Cathy Yan, l’écriture et la mise en scène des personnages féminins sonnent toujours juste et ne tombe jamais dans l’objectification ou l’hypersexualisation gratuite de la femme. Au grand dam de certains spectateurs qui, sur les réseaux sociaux, se plaignaient d’un film qui refusait de rendre sexy et désirables ses personnages. Peut-être n’ont-ils pas compris qu’un film n’est pas une revue de charme et que les protagonistes d’un récit ne sont pas nécessairement des objets destinés à satisfaire leurs envies lubriques. Tant pis pour eux.

Mary Elizabeth Winstead, excellente Huntress malgré un temps d’apparition limité

Cette justesse est l’une des qualités du film, mais bien heureusement ce n’est pas la seule. Alors que l’on reproche souvent aux films de Marvel Studios - dominant le marché - de n’être que de simples variations de la même formule, Birds of Prey se démarque par une direction artistique plus marquée. On remarquera une belle palette de costume pour les personnages, tandis que le script s’autorise même une narration moins linéaire qui rappelle celle des films Deadpool. On s’étonnera toutefois d’une Gotham City très coloré et pop dans laquelle on n’imagine pas forcément le Chevalier noir se balader, mais qu’importe, cela n’est pas son film.

Avec sa voix off et des tics de réalisations que ne renieraient ni Guy Ritchie ni Quentin Tarantino, Birds of Prey prend parfois des allures de série B d’un autre temps, ce qui n’est pas une mauvaise chose et donne même une véritable identité au projet. Les scènes d’actions très réussies rappelleront quant à elle plutôt le style survitaminé des films John Wick. Rien d’étonnant lorsque l’on sait que Chad Stahelski, ex-cascadeur ayant réalisé les films susnommés a supervisé les scènes d’action de Birds of Prey. Le film ne lésine d’ailleurs pas sur la violence et livre sont lot de crânes fracassés et de tibias brisés.

La scène du commissariat, l’une des séquences d’action les plus réussies du film

Le long-métrage de Cathy Yan irradie d’une énergie communicative et jouissive, notamment portée par son casting. Margot Robbie déjà convaincante dans Suicide Squad peut ici enfin exprimer tout son amour pour le personnage de Harley Quinn et, Rosie Pérez, Jurnee Smollett-Bell, Ella Jay Basco et Mary Elizabeth Winstead les acolytes de notre psychopathe, donnent elles-aussi l’impression d’être ravies de participer à ce projet. La cerise sur le gâteau est la présence du talentueux Ewan McGregor, légendaire Obi-Wan Kenobi de la prélogie Star Wars qui prend un malin plaisir dans le rôle du bad guy excentrique de service, Black Mask.

Côté respect du matériel original, le film prend certes de grandes libertés avec les comics, mais ce n’est pas forcément un mal. Rappelons encore qu’une fois d’adapter c’est trahir. C’est sans importance si l’esprit de l’œuvre originale est respecté, ce qui est ici le cas, les amateurs pourront ainsi s’amuser à repérer les différents clins d’œil aux bandes dessinées. Sans oublier une mention spéciale pour l’intro du film, jolie référence à l’origine animée de Harley Quinn.

Sadique et excentrique, le génial Ewan McGregor prend un plaisir dingue à incarner Black Mask

Film sincère, distrayant et généreux, Birds of Prey est une très sympathique aventure d’Harley Quinn et ses amies qui mérite que l’on s’y attarde. Un projet différent qui souffre tout de même de certains défauts - rythme, scénario - mais n’en reste pas moins de qualité égale - ou supérieure - à la majorité des blockbusters disponibles en salles.

Il est donc d’autant plus dommage qu’alors qu’il reçoit des critiques plutôt positives, le long-métrage ne rencontre pas le succès en salles et peine au Box-Office, il faut dire que la mauvaise réputation de Suicide Squad et la campagne marketing peu réussie de ce second film n’aident pas...

À cela s’ajoute une frange du public qui se plaint d’un prétendu agenda politique qui imposerait de mettre des femmes partout et s’en donne à cœur joie sur les réseaux sociaux pour démolir le film parfois-même sans l’avoir vu et sans même considérer que ces femmes méritent leur place.

Il faut maintenant espérer que cette aventure connaisse une meilleure fin d’exploitation en salles pour pousser Warner Bros. à envisager des projets un peu plus engagés et artistiques à l’avenir à l’image de Joker, sorti en octobre dernier et de ce courageux Birds of Prey. Plus que l’émancipation de personnages féminins, ce film pourrait contribuer à renouveler l’imaginaire étriqué des films de super-héros.

(par Vincent SAVI)

Cet article reste la propriété de son auteur et ne peut être reproduit sans son autorisation.

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Code EAN :

Birds of Prey (and the Fantabulous Emancipation of One Harley Quinn – réalisé par Cathy Yan – écrit par Christina Hodson - musique composée par Daniel Pemberton - Avec Margot Robbie (Harley Quinn / Harleen Quinzel), Jurnee Smollett-Bell (Black Canary / Dinah Lance), Mary Elizabeth Winstead (Huntress / Helena Bertinelli), Rosie Pérez (Renee Montoya), Ella Jay Basco (Cassandra Cain), Ewan McGregor (Black Mask / Roman Sionis) et Chris Messina (Victor Zsasz) - 109 minutes - interdit aux moins de 12 ans - sortie le 5 février 2020.

© Warner Bros. Entertainment Inc. / DC Comics

Les Birds of Prey sur ActuaBD :
- Lire la chronique de Birds of Prey : Qui sont les oiseaux de proie ?
- Lire la chronique de Batman/Huntress : Dette de sang
- Lire la chronique de Birds of Prey Rebirth T. 1 & T. 2
- Harley Quinn est de retour dans le premier trailer de "Birds of Prey" !

 
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1 Message :
  • Birds of Prey : une émancipation réussie ?
    22 février 2020 19:15, par Michel Dartay

    Très bon article, bravo !
    Effectivement,ce film est une excellente surprise par rapport au calamiteux Suicide Squad qui avait cartonné en salles, malgré sa médiocrité évidente, sans doute grâce à un bon timing (sortie pendant l’été) et une pub ravageuse dans le métro.
    Là, on a un film bien écrit (oui, parfois cela rappelle Tarantino). Des dialogues décoiffant, une intrigue ... Bon le vikilain Blackmask est répugnant, il n’a que mérité sa triste fin !
    Super-cascades, zique efficace, Margot Robbie a évidemment mis le projecteur sur elle, puisqu’elle co-produit le film. Un peu dommage pour le personnage de the Huntress, mais il est moins attirant que Harley ! A voir donc ! Vous serez agréablement surpris. Attention, c’est assez proche dans l’esprit des films Deadpool !

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