Ça commence comme un polar hard-boiled : une intrigue policière, une enquêtrice mêlant les figures du détective ombrageux et de la femme fatale, et du mystère, le tout souligné et renforcé par les teintes de gris des planches léchées de Nicola Scott. Mais le mystère possède ici une portée fantastique : Rowena Black, notre héroïne, est une sorcière. Et rituels magiques, invocations et autres sortilèges occupent rapidement une place centrale dans les crimes auxquels notre flic se trouve confrontée.
Alors qu’on attend avec impatience le Midnight Tales de Mathieu Bablet chez Ankama, on s’aperçoit que le motif de la sorcière se trouve là, avec Black Magick, également revisité de manière moderne, sur un mode "girl power" réjouissant. Une manière de rendre contemporain des mythes anciens, un imaginaire païen, et d’interroger par la fiction le statut des femmes dans nos sociétés d’hier et d’aujourd’hui.
Greg Rucka, dont Glénat publie déjà Lazarus, s’inscrit ici dans un genre qu’il affectionne et dans lequel il excelle : le polar. On y retrouve ce personnel de commissariat qui avait tant séduit dans le culte Gotham Central, à commencer par un tandem principal qui rappelle celui composé de Renée Montoya et d’Allen Crispus, la primauté là encore accordée au personnage féminin.
Le scénariste opère sur cette base une greffe parfaite du fantastique et de l’occulte : ambiance lourde et poisseuse, crainte du surgissement de l’inattendu sous des formes potentiellement horrifiques et personnages qui ont beaucoup à cacher, et davantage encore à préserver. Voilà qui fonctionne à merveille, notamment grâce à un dessin splendide, d’une superbe précision, à la fois lisse par sa netteté et creusé par son travail sur les ombres et le détail. À suivre, indubitablement.
(par Aurélien Pigeat)
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