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Blake et Mortimer : des ouvrages de référence sous le sapin

Par Didier Pasamonik (L’Agence BD) le 26 décembre 2021                      Lien  
C’est une situation qui aurait surpris Edgar-Pierre Jacobs lui-même : voici un auteur qui, comme Léonard de Vinci, a produit relativement peu d’œuvres mais dont la lignée aura été fertile, au point de devenir une figure centrale de l’École de Bruxelles et de la fameuse Ligne claire. Pour un auteur qui a fait de la bande dessinée « par défaut », sur le tard, alors qu’il se destinait au chant, c’est un sacré destin ! L’actualité éditoriale vous l’éclaire ces jours-ci.

C’est à l’âge de 36 ans, en 1940 que son chemin bifurque. Auparavant, il avait même fait ses débuts officiellement à l’Opéra de Lille, et avait été choriste pour Mistinguett en 1922, mais la guerre intervient, la frontière entre la France et la Belgique se ferme (il n’y avait pas Schengen, à l’époque) et notre chanteur, qui faisait du dessin de décoration pour les grands magasins bruxellois pour survivre, doit se rabattre sur le premier de ses dons, le dessin. Il avait fait des études de peinture à l’Académie des Beaux-Arts de Bruxelles où il avait rencontré Jacques Laudy et Jacques Van Melkebeke qui prêteront plus tard leurs traits à Blake et Mortimer.

En 1940, Laudy, justement, le présente à Jean Dratz, un peintre qui, lui aussi, a dû se rabattre sur une activité lucrative comme directeur artistique et rédacteur en chef du journal belge de bande dessinée Bravo. Jacobs y fait bon nombre d’illustrations puis, les Allemands ayant interdit l’importation de BD américaines, il est amené à faire un erzatz de Flash Gordon intitulé Le Rayon U, un ancêtre de Blake et Mortimer auquel Jean Van Hamme s’apprête de donner une suite en 2022.

De son côté, Jacques Van Melkebeke, devenu journaliste, lui présente Hergé au service duquel, il avait écrit un pièce de théâtre : Tintin aux Indes. Cette rencontre va changer la vie de Jacobs et parallèlement celle d’Hergé.

À Jacobs, Hergé va transmettre les rudiments du 9e art, le sens de la narration, le côté loustic du dessin même dans le registre réaliste. À Hergé, Jacobs apportera davantage de rigueur graphique et, sans doute avec l’aide de Jacques Van Melkebeke, un érudit des littératures populaires, un sens de la mise en scène, du spectacle qui ne le quittera plus. Ajoutons la mise au point de la couleur si caractéristique, la colorimétrie, des albums de Tintin, dans leur version en couleurs de 64 pages.

On retrouve Jacques Van Melkebeke, mais aussi Laudy, à la fondation du Journal Tintin en 1946. Avec, dès le premier numéro, les premières pages de Blake & Mortimer : Le Secret de l’Espadon, l’un des joyaux de l’École belge de bande dessinée.

Blake et Mortimer : des ouvrages de référence sous le sapin

La vie de Jacobs est très bien racontée dans la biographie que lui ont consacré Benoît Mouchart et François Rivière (aux Impressions nouvelles), le biographe d’Agatha Christie et celui de Jacques Van Melkebeke (À l’Ombre de la Ligne claire, aux Impressions nouvelles également). Ils ont mis en commun leurs connaissances encyclopédiques de l’époque pour éclairer l’homme et l’œuvre avec une acuité parfaite.

Une biographie en BD

On en retrouve des éléments dans le biopic en bande dessinée que lui ont consacré Philippe Wurm et le même François Rivière : Edgar P. Jacobs – Le Rêveur d’apocalypses, chez Glénat.

Graphiquement, c’est une merveille parce que Wurm, qui est vraiment un héritier de Jacobs pour le dessin, restitue merveilleusement les ambiances de Bruxelles ou du Brabant wallon dans l’avant-guerre et l’après-guerre avec un souci du détail absolument bluffant qui exhale un doucereux parfum de nostalgie.

Le fil du récit est celui des créations de l’artiste, de L’Espadon aux Trois formules du Professeur Sato, et donc de cinquante ans de l’histoire de la bande dessinée belge avec moult détails et anecdotes. On regrette juste une représentation du dessinateur en personnage hésitant voire velléitaire, ce qui ne correspond pas au souvenir que j’en ai. Mais l’exercice est remarquable et, se laissant aller à des jeux esthétiques réjouissants, on peut dire que Wurm a fait là son chef d’œuvre.


Blake & Mortimer de A à Z

On ne peut conclure cette chronique sans signaler le numéro spécial du Monde, Blake & Mortimer de A à Z, spécial anniversaire 75 ans d’aventures. D’ « archéologie-fiction » à « Z’ong », en passant par « By Jove », « Centaur Club » ou « Marque jaune », c’est tout l’univers de Jacobs qui est revisité à travers ses images les plus iconiques. Une belle introduction à la lecture pour un prix modeste : 7,95€.

Voir en ligne : - « Blake et Mortimer de A à Z – Numéro anniversaire : 75 ans d’aventures. » Le Monde hors-série – 7,95€

(par Didier Pasamonik (L’Agence BD))

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Code EAN : 9782344003916

Blake et Mortimer ✏️ Philippe Wurm tout public Biopic Belgique
 
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6 Messages :
  • Blake et Mortimer : des ouvrages de référence sous le sapin
    26 décembre 2021 14:50, par sir francis

    J’ai pris beaucoup de plaisir à lire cet album de François Rivière et Philippe Wurm. Enfin une très belle biographie de Jacobs, avec une pagination conséquente.
    Wurm livre ici son travail le plus abouti avec certaines planches qui atteignent le grand art de la BD, vraiment bravo !

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  • Blake et Mortimer : des ouvrages de référence sous le sapin
    27 décembre 2021 08:39, par hectorvadair

    Merci pour cette chronique, qui aurait mérité cela dit je pense, d’être relue davantage, car son style télégraphique parfois trop tranchant est malheureusement loin d’avoir le charme de certains des récits de nos deux héros.
    Bien cordialement.

    Répondre à ce message

  • Blake et Mortimer : des ouvrages de référence sous le sapin
    29 décembre 2021 19:30, par Carbonnieux

    Je viens d’acheter le bouquin qui me fut chaudement recommandé , je feuillette les pages de fin d’album, et là : damned ! Damnation ! Je vois Hergé, alias Georges Remi, orthographié à la française avec un accent : Rémi !
    Par Horus demeure.

    Impardonnable pour ce genre d’ouvrage.

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    • Répondu par Carbonnieux le 31 décembre 2021 à  08:32 :

      Lecture terminée de cet album que j’ai dévoré ! Wurm livre ici une oeuvre graphiquement remarquable. Ses personnages et ses décors tant brabançons et bruxellois sont juste fantastiques.

      Par contre j’aurais aimé plus de précisions pour le scénario. Ce récit aurait mérité deux tomes, me laissant un peu sur ma faim.
      On élude complètement la frivolité d’Edgar d’avant guerre, autant que son aversion pour Jacques Martin qui ne pourra être comprise du lecteur lambda ! Etc...

      Enfin pour la relecture de l’ouvrage, c’est dommage d’y avoir laissé ce "Rémi" avec accent, autant que cet ancien des Chasseur ardennais sans son S, voir ce subjonctif mal traité "après qu’Edgar a refusé de participer..."

      Conclusion : bravo Mr Wurm

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      • Répondu par Christophe Krummenacher le 31 décembre 2021 à  09:24 :

        après que est toujours suivi de l’indicatif, non ?

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        • Répondu par fred le 31 décembre 2021 à  11:52 :

          Oui, bien sûr ! Autant "avant que" induit une certaine incertitude (sic) traduite par l’emploi du subjonctif, autant "après que" s’installe dans le réel et nécessite un indicatif affirmé !

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