À n’en pas douter, Le Dernier Pharaon, l’hors-série de Blake et Mortimer paru ce mercredi, s’impose d’ores et déjà comme l’album de tous les superlatifs en ce printemps 2019. tant dans la qualité et la diversité de l’équipe d’auteurs réunis pour sa réalisation, que par le fait qu’il s’agit d’une première (et dernière ?) variation graphique de l’une des plus populaires séries franco-belges, ou qu’il est annoncé comme le dernier album dessiné par François Schuiten].
Dans sa forme, Le Dernier¨Pharaon fait également figure d’exception, comme nous l’explique Yves Schlirf, directeur éditorial de Dargaud Benelux, directeur adjoint des éditions Dargaud, et dans ce cas, l’éditeur des albums de Blake et Mortimer : « L’impression du "Dernier Pharaon" s’est réalisée en Italie, chez un petit imprimeur qui s’appelle Lego. Cette maison était tout spécialisée dans une activité de reliure, ce qui revêt une grande importance pour la fabrication de l’album, ce qui a d’ailleurs tendance à disparaître actuellement. Un imprimeur traditionnel peut tirer trois à quatre cents mille exemplaire très rapidement, en imprimant directement des deux côtés du papier. Mais François [Schuiten] a voulu privilégier une technique d’impression par UV, qui ne permet d’ailleurs de ne réaliser qu’une face à la fois. Il a fallu trois semaines pour imprimer les 240.000 exemplaires du Dernier Pharaon. Et François a tenu à être présent pour s’assurer de la qualité finale de l’album. De mon point de vue, l’album est une merveille d’édition, surtout grâce au travail de François et du graphiste Philippe Ghielmetti. »
« On ne parle pas souvent du papier en bande dessinée, mais il a toute son importance, rajoute François Schuiten. Pour cette occasion, j’ai imposé un papier très particulier : le Munken, qui possède une saveur et une richesse dans le touché. Et comme nous travaillons avec cette impression UV, Laurent Durieux a dû beaucoup travailler ses couleurs, pour que le rendu convienne à cette technique et au papier. Avec ces normes de fabrication, nous avons voulu que ce livre soit exceptionnel, pour nous tout d’abord, mais aussi pour donner au lecteur une qualité d’album, que peut-être on ne pourra atteindre qu’une seule fois. »
« Les conséquences de ces choix de production sont que, reprend Yves Schlirf, Si l’album rencontre le succès escompté, il faudra rééditer, avec les contraintes qualitatives choisies, ce qui imposera un délai complémentaire par rapport au standard actuel. Comme il faut déjà des mois pour commander et recevoir le papier en lui-même, nous avons déjà acheté en avance de quoi réimprimer vingt mille exemplaires. Mais il faudra certainement patienter si l’album vient à s’épuiser, car le temps de le réimprimer avec le soin choisi pour la première édition équivaut à deux mois d’attente. »
Champaka : l’exposition éphémère
Décidément, il devait être écrit que rien ne serait commun dans ce qui toucherait à la sortie du Dernier Pharaon. L’album ayant été plusieurs fois annoncé puis repoussé pour les raisons de réalisation et de fabrication expliquées, la galerie Champaka a dû modifier son planning.
Ce qui réduit le temps d’exposition des différentes œuvres à une toute petite période, quelques jours, du 31 mai au 8 juin prochain, avec dès lors des horaires adaptés et étendus : « Cela fait longtemps que je travaille avec la galerie Champaka, nous explique François Schuiten. De plus, son emplacement est si proche du palais de justice et dans la rue où est né Edgar P. Jacobs, qu’il m’a semblé très naturel d’aller y exposer, même pour un délai aussi court ! »
Fidèle à ses principes, François Schuiten ne vendra pas d’originaux pendant cette exposition, mais les amateurs pourront acquérir des rehauts tirés des cases les plus emblématiques du Dernier Pharaon.
« Nous sommes partis de cinq séquences différentes, nous explique François Schuiten. Et pour chaque tirage, je me suis laissé aller au gré de mes envies, en rajoutant parfois du crayon (blanc), et surtout du blanc acrylique, pour que chaque pièce devienne unique. Je revisite donc chaque image en retraversant les scènes importantes. »
Champaka expose et vend donc quatre exemplaires de chacune des cinq cases rehaussées, ainsi que des reproductions de quatre planches, des fac-similés des couvertures (en noir et blanc, ainsi qu’en version coloriée par Laurent Durieux).
Un coffret limité reprend également les quatre couvertures couleurs, complétée par l’affiche du Festival d’Amiens et la couverture la revue DBD.
Enfin, quatre sérigraphies coréalisées par Schuiten et son ami Gilles Ziller (Archives Internationales) sont enfin proposées à la vente. Celles-ci revêtent une importance toute particulière, car c’est en réalisant ces dessins il y a quelques années que Schuiten a trouvé le chemin graphique pour réaliser cet album.
En tram d’une expo à l’autre...
Autre exposition à Bruxelles, dans un autre lieu cher à François Schuiten, puisqu’il a largement contribué à son ouverture et à sa restauration : La Maison Autrique. Et comment la rejoindre autrement qu’en tram, puisqu’une ligne directe relie les deux lieux. Et si vous avez un peu de chance, vous pourrez même monter dans le tram spécialement décoré aux couleurs du Dernier Pharaon !
En effet, la société de transports intercommunaux de Bruxelles (STIB) a relooké un long tramway avec les plus belles cases tirées de l’album : Mortimer dans les salles inondées du palais de justice, la Grand Place, etc. Ce véhicule circulera principalement sur la Rue Royale, située entre la Maison Autrique et le Palais de justice et ce, jusqu’à la Fête de la BD en septembre prochain. Il se pourrait même que cet habillage soit prolongé dans le temps, d’après l’administrateur de la STIB que nous avons rencontré.
Tandis que ce tram attirera sans aucun doute le regard des Bruxellois pendant les prochains mois, les fans de Blake et Mortimer pourront agrandir leur collection grâce à un coffret réalisé spécialement avec les illustrations de l’album, de quoi parcourir Bruxelles en se prenant pour un Mortimer, grâce à des cartes de voyage personnalisées.
L’exposition à la Maison Autrique
« Pour contrebalancer la brièveté de l’exposition Champaka, nous avons choisi de réaliser une exposition à la Maison Autrique, qui se prolongera jusqu’au 19 janvier 2020 », nous explique François Schuiten. On peut y retrouver tous les éléments de l’imaginaire des auteurs : documents, esquisses, photos, films, interviews et maquettes permettent de mieux comprendre comment a travaillé l’équipe.
Particulièrement impressionnante, une grande peinture d’Obolensky, mettant en scène François Schuiten dessinant sur la Grande Pyramide, donne une idée de l’implication de l’auteur.
« Oui, j’ai réalisé beaucoup de dessins de la Pyramide de Khéops pendant cette mission scientifique qui visait à scanner l’intérieur de la pyramide, nous explique l’auteur. Cette mission de ScanPyramids était bien entendu composée de scientifiques, mais j’ai beaucoup insisté pour qu’elle comprenne aussi des artistes, comme pour les grandes expéditions. L’ont donc intégrée un acousticien, un photographe, le peintre Alexandre Obolensky, et moi en tant que dessinateur. »
Une série de conférence viendra rythmer l’agenda de la Maison Autrique pendant les prochains mois :
12 septembre : Étienne Schréder, auteur de bande dessinée :
« Edgar P. Jacobs, dessinateur »
3 octobre : Daniel Couvreur, journaliste : « L’affaire Jacobs »
17 octobre : François Schuiten, Jaco Van Dormael, Thomas
Gunzig, scénaristes du Dernier Pharaon : « Ecrire à 6 mains le scénario
du Dernier Pharaon »
7 novembre : Laurent Durieux, dessinateur et coloriste : « Mettre en
couleurs la bande dessinée »
21 novembre : Mehdi Tayoubi, coordinateur de la mission Scan
Pyramids : « Du réel au virtuel, faire revivre les pyramides d’Egypte »
5 décembre : Francis Metzger, architecte : « L’aventure de la
restauration du Palais de Justice de Bruxelles »
16 janvier : Dirk van de Viiver, ingénieur et architecte, professeur à
l’Université d’Utrecht : « Horta en Egypte »
D’autres événements viendront encore appuyer la sortie de cet album en Belgique, ainsi qu’en France, avec l’ouverture de l’exposition qui débute ce 1er juin aux 24e Rendez-vous de la BD d’Amiens. Nous vous en reparlerons prochainement.
Propos recueillis par Charles-Louis Detournay.
(par Charles-Louis Detournay)
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L’exposition de la Maison Autrique, jusqu’au 19 janvier 2020
Du Dernier Pharaon, par Schuiten, Van Dormael, Gunzig & Durieux (Ed. Blake et Mortimer, acheter :
l’album traditionnel sur BD Fugue, FNAC, Amazon.
l’édition en demi-format à l’italienne sur BD Fugue, FNAC, Amazon.
Concernant cet album, lire nos précédents articles :
Le Dernier Pharaon, l’hommage de François Schuiten à Blake et Mortimer
François Schuiten : « J’arrête la bande dessinée. »
L’exposition qui débute ce 1er juin aux 24e Rendez-vous de la BD d’Amiens.
Quelques-uns des autres articles consacrés à François Schuiten :
une interview de François Schuiten à propos de Jacobs : « L’Affaire Jacobs nous pose à tous un cas de conscience »
François Schuiten préserve ses originaux par des donations - Colloque sur la conservation des originaux à la BnF
une précédente interview de François Schuiten : « Si la Belgique ne prend pas en compte la question du patrimoine des auteurs de BD, il faudra se tourner vers la France »
Schuiten & Peeters dévoilent un Paris familier et fantasmé
Schuiten et Peeters et leurs drôles de machines à dessiner
"Dolores" de Benoît Peeters, François Schuiten et Anne Baltus adapté au cinéma
La 12. Variations sur l’Atlantic 12 - Par François Schuiten - Ed. Casterman
Vente publique exceptionnelle de 30 originaux de Schuiten chez Artcurial
Revoir Paris - Par Benoît Peeters & François Schuiten - Ed. Casterman
Le Paris fantasmé de Schuiten et Peeters
Schuiten, Peeters et... Judith Vanistendael occupent l’affiche à San Diego
La Bibliothèque nationale de France dans les arcanes des Cités obscures
Schuiten dans l’écrin de la Bibliotheca Wittockiana
Les Cités obscures de Peeters et Schuiten supplantent Superman au Japon
François Schuiten en territoire inconnu
Des guides touristiques aux couleurs de la BD
La Route d’Armilia et autres légendes du monde obscur - Par Schuiten & Peeters – Casterman
Souvenirs de l’éternel présent - Par Schuiten & Peeters – Casterman
Schuiten & Peeters exorcisent le mythe de Taxandria
Les repentirs de Schuiten & Peeters
Schuiten Filiation : une monographie familiale
La crise bancaire illustre la Théorie du Grain de Sable
La Théorie du grain de sable, de Brüsel à Paris
Métamorphoses - par François Schuiten et Claude Renard – Casterman
"la Théorie du Grain de Sable" dans la Maison Autrique
Schuiten et Peeters élaborent "La Théorie du grain de sable"
A la Bibliothèque Nationale de France, Schuiten et Peeters ouvrent les Portes du Possible
Schuiten et Peeters, vedettes de Cherbourg
Le Rail - Renard et Schuiten - Humanoïdes Associés
Aux Médianes de Cymbiola - Renard et Schuiten (Métamorphoses) - Humanoïdes Associés
Les nouvel album des "Cités Obscures" sur Internet
Angoulême : Schuiten vainqueur !
Ainsi que de précédentes interviews de François Schuiten :
A propos de Blake et Mortimer :
Jean Van Hamme scénarise un nouveau Blake et Mortimer
l’interview d’Yves Schlirf, éditeur de Blake et Mortimer : « Je veux éviter toute lassitude possible auprès du lecteur de Blake et Mortimer »
notre article introduisant le nouveau diptyque de La Vallée des Immortels : Blake et Mortimer, héros immortels
l’interview d’Yves Sente : « Nous retrouvons Blake, Mortimer, Olrik et les autres juste après le Secret de l’Espadon »
Yves Sente et André Juillard touchent au code-source de Blake et Mortimer
Décès de Ted Benoit, pionnier de la Ligne claire
E.P. Jacobs : Retour vers le passé
Dans l’ombre du nouveau Blake & Mortimer
L’avant et l’après Espadon
André Juillard : « En tant qu’amateur de Blake et Mortimer, j’ai trouvé que le scénario du "Bâton de Plutarque" assez jouissif ! »
S.O.S. Météores (version du Journal Tintin) - Par E.P. Jacobs - Ed Blake et Mortimer
"L’Onde Septimus" prolonge "La Marque jaune"
Yves Sente : « Il faut doser le mélange entre le respect de l’œuvre de Jacobs et les attentes du public de 2012. »
Le Serment des Cinq Lords
Rodolphe & Louis Alloing : « Les anecdotes choisies de la vie d’Edgar P. Jacobs signifient toujours quelque chose de l’homme. »
Sur les traces de « SOS Météores » et de Blake et Mortimer à Buc
Antoine Aubin pour La Malédiction des trente deniers : « Je me suis effacé pour faire “venir” le style de Jacobs »
L’Affaire des trente deniers
La malédiction de Blake et Mortimer
« La Malédiction des trente deniers », l’album maudit de Blake & Mortimer, s’achève enfin
Blake & Mortimer : un mythe sanctuarisé
Jacobs et les deux Jacques
Le manuscrit E.P.Jacobs – Dexia
Le Soir fête le centenaire de Jacobs le 30 mars 2004
Le cinéma d’Edgar P. Jacobs au Centre Wallonie-Bruxelles à Paris
Feu d’artifice bruxellois pour le centenaire d’E-P. Jacobs
Le Cinéma de Jacobs au Centre Wallonie-Bruxelles
Bang ! ouvre l’année Jacobs
« Science & Vie » rend hommage à E. P. Jacobs
« La Damnation d’Edgar P. Jacobs » : l’indispensable biographie
Les Sarcophages du 6ème Continent : Un « huis clos international » passionnant
2004 : année Jacobs
Toutes les photos, y compris celle en médaillons sont : Charles-Louis Detournay.