La guitare est rangée au grenier. Les enfants sont sages, et sa femme adorable. Pour Barry, entre le boulot de chauffeur de bus et la famille, s’estime gâté par sa nouvelle vie. Mais son passé n’est pas enterré pour tout le monde. Le producteur retors de Cactus Records sait qu’il a tué son ex et l’amant de celle-ci dans une furie de vengeance. Barry n’a plus le choix : soit il compose de nouveaux titres comme à la belle époque, soit son crime passionnel le fait plonger. Sans enthousiasme, le musicien ressort la guitare de son étui.
L’espagnol Raùl Ariño, pour sa première BD éditée en France, a bien révisé son histoire musicale. Tous les classiques de la mythologie blues défilent : Chicago et ses bars intimes, les allusions appuyées au Crossroads de Robert Johnson, [1] le patron de label cynique, et même la chanteuse femme fatale.
Si le récit parvient à s’échapper d’une trame trop convenue, c’est surtout le cadre graphique qui frappe. Un univers décalé avec des personnages étirés ou gonflés, sortes d’ombres ballottées par le décor ombrageux. L’ambiance qui se dégage des planches allie modernité et audaces formelles, dans une élégance de mouvements et de couleurs.
Très empathique avec son émouvant personnage principal, Ariño scelle son "pacte avec le diable" par une libération réconfortante. On échappe au roman noir pour retrouver une happy end. Le blues n’aura pas gagné totalement en fin de compte.
(par David TAUGIS)
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[1] la légende éternelle du blues, mort à 27 ans après un unique album, dans des circonstances controversées