Bo Doï n°108 : Quartier lointain, latin ou de haute sécurité !

Quartier lointain. Bien que l’homme se fasse plutôt rare, faut-il encore présenter le plus européen des mangakas ? L’exposition qui lui était consacrée dans le sympathique festival d’Amiens au début du mois fournit l’opportunité d’une interview de trois pages qui permettra à ses lecteurs de mieux connaître l’auteur du Sommet des dieux. En complément, on appréciera le point de vue de Moebius, complice de Taniguchi sur l’album Icare.

Quartier latin avec Murena dont le sixième tome sort ces jours-ci. La BD semble renouer avec le péplum, c’est pourquoi la revue n’hésite pas à descendre dans l’arène en compagnie de Delaby, Desberg, scénariste du premier tome de Cassio, polar antique et dynamique (qui s’achève dans ce même numéro) et Patrick Weber, repreneur scénaristique du célèbre Alix. Ces trois auteurs surfent avec bonheur sur la vague amorcée avec le film Gladiateur et reprise par la télévision avec la fameuse série Rome. D’après l’ historien Jean-Paul Thuillier, les Romains n’étaient pas si différents de nous, et c’est peut-être là, une des raisons pour laquelle on peut encore au XXIème siècle facilement s’identifier à eux. Ceci explique aussi sans doute le succès de ces séries.

« Pas de quartier », pourrait être la devise de l’auteur de Pyjama Blouze. Depuis plus de trente ans et autant d’albums, Edika pourfend à l’aide d’un humour ravageur et déjanté tout ce qui lui passe à portée de…crayon ! « Faire du gros nez » est une affaire sérieuse pour cet auteur qui n’hésite pas à faire part de ses doutes, de ses goûts et de sa passion sans limite pour l’un de ses maîtres : Gotlib.

Les revues permettent à certains auteurs d’être reconnus au delà leur…quartier. Duchazeau est l’un de ces heureux élus puisque son travail autour des Incas s’enrichit d’un nouvel album particulièrement prometteur. Privilégiant des ambiances sensibles et singulières par le recours aux nuances d’un graphisme noir et blanc très maitrisé, Les vaincus, pourrait constituer un des albums de l’année.
Autre personnage, autre génération et autre style sur lesquels BoDoï a choisi de s’arrêter : Hausman. A 71 ans, une des figures emblématiques de maison Dupuis, livre avec le Camp volant une œuvre forte où se mêlent contes effrayants, fantastique et retour nostalgique vers des peurs enfantines.

Côté prépublication, la nouvelle série de deux jeunes auteurs fait une apparition remarquée dans les pages de ce numéro. Avec Muraille, ils nous invitent dans un monde où l’utopie et le fantastique le disputent au politique. L’action a pour cadre une société fortement hiérarchisée à la poursuite d’un rêve fou : la construction d’une gigantesque muraille par delà les océans sensée abriter les derniers représentants d’une civilisation autocratique et brutale. Il y a un mélange de Schuiten (dans l’ambition) et de Jules Verne (dans l’utopie ?) dans ce récit sympathique mais au dessin encore un peu fragile.
Le dernier quartier de ce numéro bien que peu fréquentable reste tout à fait passionnant. Dans le second épisode de Haute Sécurité se développe une ambiance carcérale de plus en plus étouffante dont Aleks, un gardien de ce pénitencier a bien du mal à s’évader ! Le choix de ce héros atypique pour nous dépeindre la prison « vue de l’autre côté » est suffisamment rare en BD pour susciter l’intérêt de cette histoire bien enlevée.