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Bourgeon condamné à payer 1000 euros par jour de retard pour Cyann

Par Patrick Albray le 13 mars 2002                      Lien  
Depuis la vente de Casterman à Flammarion puis à Rizzoli, un vent
nouveau semble souffler sur la maison d'édition. Pour la première
fois dans l'histoire de la bande dessinée, un auteur, et non des
moindres, devra payer une astreinte s'il ne rentre pas son album à temps.

"L’affront fait à Bourgeon". C’est par ces mots que le magazine Bodoï, dans son n°50, révèle les conclusions choquantes d’un procès fait, par les repreneurs de la maison Casterman, à l’un des plus grands créateursde notre époque : Bourgeon, auteur des "Passagers du Vent", des "Compagnons du Crépuscule" et du "Cycle de Cyann".

En cause, la décision de l’auteur, suite au rachat, de renégocier le contrat qui le liait à l’équipe précédente. "Quand (A suivre) s’est arrêté en décembre 97, j’ai clairement manifesté mon attachement à ceux qui travaillaient là, j’ai indiqué l’importance que j’attachais à ce que cette maison garde son personnel, ses qualités et ses structures", explique Bourgeon à notre confrère. "Malgré bien des promesses, je n’ai pas été entendu". Et le dessinateur a laissé tomber le crayon : "J’accepte très mal que quelqu’un avec qui je n’ai pas d’accord passe relever les compteurs au nom d’engagements que je n’avais même pas avec son prédécesseur !"

L’affaire a donc été portée au tribunal par les repreneurs de Casterman. Et Bourgeon a été condamné à fournir au début de ce mois de mars le solde du dernier album de Cyann, sous peine de devoir payer une astreinte de 1000 euros par jour de retard. "Le droit moral de l’auteur ne pèse plus bien lourd face aux nouvelles lois du marché ! Le comble dans tout ça, c’est que depuis que ce conflit existe, pas une seule fois quelqu’un n’a simplement songé à me demander : et cet album, où en êtes-vous ? Un éditeur qui n’est pas le mien se permet donc d’exiger un album sans que les auteurs s’y soient engangés. (...) De toute façon, dans mon cas, ce n’est même plus une question de rébellion, c’est tout simplement une impossibilité absolue. Je n’accepte ni ne peux travailler avec un fusil dans le dos, impossible".

Dans un métier où le retard et les pannes d’auteurs sont la règle, c’est la première fois qu’un éditeur tente d’imposer la finition d’un album par le biais d’un Tribunal. Outre la méconnaissance totale (à la fois de la part du juge et du plaignant) du processus de création, qui implique une confiance mutuelle et une sérénité dans les rapports, ce comportement témoigne d’un mépris profond pour l’auteur, considéré ici comme une simple machine à produire. Il témoigne aussi que d’un regrettable changement de mentalité chez les décisionnaires de Casterman, dont il est peu probable qu’il soit cautionné par ceux qui sont en contact quotidien avec les auteurs.

(par Patrick Albray)

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5 Messages :
  • François Bourgeon a été condamné à payer 1000 euros par jour
    de retard pour le solde du dernier album de Cyann.

    Bon, d’accord. Vous pensez à un poisson d’avril, car la nouvelle
    est tellement ahurissante qu’on a du mal à la croire.

    Elle est pourtant vraie. Je répète donc, pour les sceptiques :
    François Bourgeon a été condamné à payer 1000 euros par jour
    de retard pour le solde du dernier album de Cyann.

    Telle est la conclusion d’un procès intenté à l’auteur des
    "Passagers du Vent" par les repreneurs de Casterman, le groupe
    italien Rizzoli.

    Menacer un auteur de bande dessinée de le ruiner pour qu’il
    rentre ses planches en retard. On n’avait pas encore essayé
    ce truc-là, tiens !

    Il est peu probable que la méthode portera ses fruits, comme
    il est douteux que l’astreinte soit appliquée. Mais
    ce procès et ce jugement démontrent au moins deux choses.

    La première, c’est que le magistrat responsable de cette ânerie
    ne connaissait rien à la chose qu’il était censé juger, puisque
    créer une bande dessinée ne consiste pas à appuyer sur un
    bouton pour qu’une machine sorte des pages dans les délais.

    La seconde, c’est que le repreneur Rizzoli a encore de petites
    choses à apprendre avant de mériter d’être considéré comme
    un éditeur respectable. Entre autres, que créer une bande
    dessinée ne consiste pas à appuyer sur un bouton pour qu’une
    machine sorte des pages dans les délais.

    Ah, bon ? Ce sont des êtres humains qui font les livres de bande
    dessinée ? On aurait peut-être dû les prévenir au moment du
    rachat...

    Répondre à ce message

  • > Bourgeon condamné à payer 1000 euros par jour de r
    19 juin 2002 14:11, par Amandine

    Bonjour M. BOURGEON
    Je suis entierement d’accord avec vous, je pense que c’est injuste de vous faire payer 1000 euros par jour de retard, alors que dans le monde BD cela se produit tout le temps.Ce qui me révolte aussi c’est le fait que cet argent soit réclamé par des gens qui non passé aucun contrat avec vous ; et en plus je ne comprends pas pourquoi ils ont changé l’équipe alors que cela marchait très bien et qu’il y avait une bonne complicitée entre l’auteur et l’editeur.
    Alors continué à résister quitte à le crier sur les toit, au moins tout le monde réagiera. Je préfère continuer à attendre encore (à mon grand désespoir) et avoir un album réussit fait avec amour et passiance, qu’un album baclé fait à la va comme je te pousse, donc vous ne serez pas satisfait du travaille.
    une lectrice passionnée

    Répondre à ce message

  • Je suis désolée d’apprendre ce qui se passe. J’espère que l’auteur dispose d’un avocat digne de ce nom spécialisé dans le droit de la propriété littéraire et artistique -agrégé/enseignant si possible- car il y a là possibilité d’un procès, source de jurisprudence exemplaire sur un problème de fond : peut on contraindre manu militari un artiste à créer...
    L’auteur pourrait entretemps aisément faire constater par un médecin qu’une telle situation altère son équilibre et, partant, sa faculté de créer et songer à se défendre...en attaquant.
    Merci de transmettre a l’auteur toute mon admiration et tous mes encouragements.
    Claude

    Répondre à ce message

  • Je suis absolument consterné par cette nouvelle que je découvre tardivement...

    J’espère que M.Bourgeon, qui a toute mon admiration, pourra travailler sereinement à la création d’un nouvel album et qu’il obtiendra finalement gain de cause.

    Je souhaite lui transmettre mes passionnés remerciements pour son oeuvre !

    Répondre à ce message

    • Répondu par philippe verdebout le 28 février 2003 à  15:07 :

      Condamné par quel iconoclaste ?
      J’irai voir quelle est sa maison d’édition...Casterman...
      Peut-on en savoir plus sur cette histoire ?

      Répondre à ce message

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