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Bourhis & Spiessert : "Ingmar est un prétexte pour parler de problèmes plus contemporains"

Par Nicolas Anspach le 27 mars 2007                      Lien  
{Ingmar} met en scène un viking pleutre et rêveur, fils d'un chef de village n’en finissant pas de mourir, qui doit faire ses preuves aux yeux des siens. Les auteurs font le point avec nous sur cette série qui mérite le détour.

Pourquoi avez-vous proposé Ingmar aux éditions Dupuis ?

H. Bourhis : Lors de la remise des prix du Festival d’Angoulême, en 2002, je suis monté sur la scène pour recevoir le prix Goscinny pour mon album Thomas ou le retour du tabou (publié aux Humanoïdes Associés). J’y ai rencontré Sébastien Gnaedig qui était, à l’époque, éditeur aux éditions Dupuis. Il avait envie de m’éditer. Lorsqu’il a quitté cette maison d’édition pour relancer Futuropolis, il a été remplacé par Corinne Bertrand, avec laquelle j’ai sympathisé. Nous avions proposé Ingmar à Dupuis et aux éditions Dargaud, qui éditaient déjà notre série Stereo Club dans la collection Poisson Pilote.

Qui a eu l’idée de traiter des Vikings ?

R. Spiessert : J’ai toujours eu une fascination visuelle pour les films mettant en scène des Vikings, surtout ceux qui ont été tournés dans les années 50 et 60. Le projet est né de là. Il s’est rapidement métamorphosé en un récit plus décalé où le personnage principal, Ingmar, deviendrait l’antithèse de ces combattants nordiques.

HB : À l’ origine, Rudy m’avait envoyé une illustration qui ressemblait trait pour trait à la couverture du premier album d’Ingmar. Je croyais qu’il avait signé ce projet avec un autre scénariste. Je lui ai demandé de me balancer le nom du scénariste. Et j’ai lâché, à tout hasard, celui de Fabien Vehlmann. Finalement, Rudy m’a avoué que c’était un dessin qu’il avait fait pour s’amuser… Celui-ci m’a donné des idées pour des histoires, alors que je n’y connais rien en Vikings, alors que ce n’était pas mon univers …

Bourhis & Spiessert : "Ingmar est un prétexte pour parler de problèmes plus contemporains"
Extrait du T2 de "Ingmar".
(c) Bourhis, Spiessert & Dupuis

Le contexte historique n’a finalement pas d’importance dans cette série.

HB : Exactement. Ingmar est un prétexte pour parler de problèmes plus contemporains. Mais nous avons quand même rencontré Bruno Berson, qui est l’un des seuls spécialistes de l’Islande et des Vikings. Ingmar vit sur une île qui ressemble aux Iles Féroë. Or, les Vikings des Féroë étaient proches de ceux d’Islande.
L’émission de télévision Thalassa nous a également beaucoup influencés ! Lorsque l’on a des enfants en bas âge, on ne peut pas forcément sortir tous les vendredi soir, et le meilleur moyen de les occuper, c’est de regarder cette émission avec eux. Un soir, ils passaient un reportage montrant un homme qui chassait le macareux à l’épuisette dans ces îles… Tous ces éléments ont contribué à la création de cette série.

RS : Et le plus amusant, c’est qu’à la fin d’une émission de Thalassa, ils ont parlé du premier tome d’Ingmar ! On y traite indirectement de la mer (Rires).

HB : … Mon père m’a téléphoné à la fin de l’émission. Cette critique l’a rendu euphorique. C’était la consécration (Rires)

Dessin pour un ex-libris
(c) Bourhis, Spiessert & Dupuis.

Rudy porte cette thématique depuis de nombreuses années. Intervient-il dans le scénario ?

HB : Il n’y a pas de règle. J’ai inventé la trame des trois premiers tomes. Rudy a eu l’idée du quatrième album. Il y a un échange permanant entre nous. Nous avons été ensemble, en février, au Musée de Cluny, à Paris, où on a vu la vraie bible d’Ingmar…

Et le côté décalé, c’est vous qui le rajoutez ?

HB : Oui. C’est de naissance (Rires).

Revenons aux thématiques contemporaines de la série …

RS : Dans Crâne Noir, Ingmar doit escorter une jeune femme, Cuneen. Cette dernière a un tempérament assez fort, et est plutôt libérée.

HB : Nous souhaitons prendre le contrepied des attentes du lecteur. Celui-ci s’attend à ce que notre héros lui saute dessus, et c’est l’inverse qui se passe.

Rudy Spiessert, voyez-vous une différence dans l’écriture d’Hervé Bourhis par rapport à celle de Denis Lapière ?

RS : Leur méthode de travail sont différentes. Denis ne me remet pas de découpage dessiné. Mais finalement, cela m’est égal : lorsque le découpage écrit est bon, les images s’imposent d’elles-mêmes, assez rapidement…

Pourquoi avez-vous accepté de reprendre au pied levé le dessin de « Comme Tout le Monde » ?

RS : Corinne Bertrand, alors éditrice chez Dupuis, m’a proposé d’illustrer cette série. Elle m’a parlé de la trame de l’histoire. À vrai dire, je n’étais pas très enthousiaste, car je venais de dessiner Paris dans les trois albums de Stereo Club. Elle m’a quand même envoyé le synopsis. La densité des personnages et la profondeur des dialogues de Denis Lapière et de Pierre-Paul Renders [1] m’ont donné envie d’être de la partie. J’aime la manière dont ils construisent leurs personnages : ils sont si vivants. J’ai vu le film après avoir terminé le premier tome. Je ne voulais pas être influencé par celui-ci lorsque je travaillais sur les planches. Denis et Pierre-Paul avaient comme objectif d’écrire une histoire sur la même trame, mais avec un ton différent. Et c’est réussi !

Couverture de Comix Remix T3
(c) Bourhis & Dupuis.

Hervé, vous êtes également auteur complet sur Comix Remix. Vous y explorez, de manière décalée, l’univers des super-héros…

HB : Durant ma jeunesse, j’ai été un grand lecteur de comics de super-héros, et plus particulièrement de Strange et de Titan. J’ai réalisé ce triptyque qui mélange ces influences avec la bande dessinée franco-belge ! Je voulais inclure des scènes intimistes, une sensibilité européenne, dans un récit où il y aurait de la vraie baston entre mecs en collants. Comix Remix est un remix personnel (rires).

Vous démystifiez le mythe…

HB : Il y a effectivement une dimension politique dans cette série. Le message sera plus clair dans le troisième album qui conclura Comix Remix.

Etude préparatoire
(c) Bourhis, Spiessert & Dupuis

Quels sont vos projets ?

HB : Je dois terminer un livre sur l’histoire du rock, qui sortira à la fin de l’année aux éditions Dargaud. Des amis auteurs participent à ce livre qui aura le format d’un 45 tour.
Le troisième tome d’Ingmar, quant à lui, sera un "road movie d’Héroïc Fantasy "psychanalytique".

RS : Je travaille sur un projet autobiographique pour le label Quadrant Solaire. Il s’intitulera Les Villes d’Un Jour. Le premier tome sortira début 2008. J’y aborderai mon enfance dans un cirque. Je souhaitais y travailler depuis longtemps et Hervé m’a convaincu de réaliser ce projet. J’ai enfin trouvé l’énergie et l’envie pour m’y atteler…

Vous cumulez tous les deux les séries et les projets. Vous semblez avoir une formidable capacité à produire des planches…

HB : Notre style graphique s’y prête. J’ai choisi de dessiner de la sorte. J’ai travaillé en dessin académique, et dans l’absolu, je pense être capable de dessiner une BD réaliste. Mais je préfère ce type de dessin, plus nerveux.

RS : Je ne pourrais passer un an sur un album. J’y perdrai en spontanéité. En fait, travailler vite est devenu un besoin. Ceci dit, Mathieu Bonhomme, qui est un dessinateur réaliste, tombe une planche par jour. Il y a des auteurs plus écœurants que d’autres (Rires).

Hervé Bourhis et Rudy Spiessert
Photo (c) Nicolas Anspach

(par Nicolas Anspach)

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