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Brecht Evens : un magicien en transparences au Musée de Bastia

Par Tristan MARTINE le 7 avril 2019                      Lien  
Dans le cadre du festival de Bastia, le Musée de la ville accueille une exposition consacrée à l’un des artistes les plus singuliers et talentueux de sa génération, le Belge Brecht Evens, roi de la couleur et des transparences.

Bien des festivals de France et de Navarre proposent des expositions trop souvent constituées de trois panneaux qui se battent en duel, parfois récupérés on ne sait où, parfois montés localement avec les moyens du bord. Rares sont ceux qui font de ces expositions le cœur de leur identité, qui arrivent non seulement à monter des scénographies ambitieuses constituées uniquement d’originaux, mais qui font également l’effort d’inviter systématiquement les auteurs exposés et de leur donner la parole.

Tel est le cas du festival de Bastia, qui, à côté d’une importante exposition thématique et de petites expositions sur des œuvres, consacre chaque année une rétrospective à un auteur majeur. Cela était le cas l’an dernier de Lorenzo Mattoti.

Cette année, cet honneur est revenu au flamand Brecht Evens, ancien diplômé de l’école Saint-Luc de Gand où il réalisa, comme projet de fin d’études, Les Noceurs, publié en 2010 et qui reçut le prix de l’Audaceau Festival international de la Bande Dessinée d’Angoulême.

Brecht Evens : un magicien en transparences au Musée de Bastia

Avec les Amateurs (2011) et Panthère (2014), sa notoriété s’accrut rapidement, dépassant le monde de la bande dessinée autant que les frontières de la France et de la Belgique. Son dernier album, Les Rigoles, publié en 2018, toujours chez Actes Sud, constitue son chef-d’œuvre et l’on retrouve dans ce roman graphique de plus de 300 pages, « une déambulation picturale nocturne, élaborée dans un style aux couleurs endiablées et qui s’attarde sur l’un des quartiers les plus pittoresques du XXe arrondissement de Paris  », la quintessence de son art. Pour cet album, il reçut cette année le Fauve – Prix Spécial du Jury au Festival international de la Bande Dessinée d’Angoulême 2019.

C’est le très beau Musée de Bastia, abrité dans le Palais des gouverneurs, un magnifique bâtiment d’origine Renaissance surplombant le port de la ville, qui accueille cette exposition jusqu’au 3 mai 2019. Avant son vernissage le 6 avril, Brecht Evens, interrogé par Vincent Brunner, eut l’occasion de revenir sur la genèse de son œuvre et de son style graphique si particulier, et notamment sur son utilisation de la couleur. Il expliqua ainsi que son projet de fin d’études était initialement conçu au feutre noir, selon une conception de la page relativement traditionnelle, avant que son directeur de mémoire ne lui suggère d’une part d’abandonner les cases, mais aussi les bulles. En effet, Brecht Evens attribue une couleur différente aux propos de chacun de ses personnages, ce qui lui permet non seulement de dessiner des personnages flous, aux simples contours esquissés, sans que l’on n’ait de mal à savoir de qui il s’agit, mais aussi l’autorise, par moments, à ne plus du tout les représenter, leur texte faisant office de voix off. Il adopta également une démarche tournant radicalement le dos à l’âge d’or de la BD franco-belge en abandonnant la perspective réaliste, « comme le faisait déjà Giotto  » : l’objectif était de mettre en avant les détails les plus importants pour la narration, au détriment de tout réalisme.

Cela aboutit ainsi à des planches fourmillant de vie et de mouvement, grâce également à son travail sans crayonné ni encrage, l’artiste optant pour le procédé de la couleur directe. Même si ses cases ne sont jamais délimitées par un trait noir, Brecht Evens fait néanmoins remarquer qu’il s’autorise une répétition du décor dans des rectangles de couleurs, ce qui, au final, recrée des cases dans l’esprit du lecteur.

La question du décor est centrale dans son œuvre : ainsi, « le décor de Panthère, c’est le corps de panthère, qui change tout le temps, au gré des émotions ».
Enfin, le titre de l’exposition, Brecht Evens. En transparences, souligne l’une des particularités de son travail. En effet, ses aquarelles jouent sur les effets de translucidité pour suggérer le mouvement, utilisant le blanc du papier à côté d’encres épaisses pour «  avoir du boueux à côté d’un trait cristallin, pour obtenir des textures différentes ». Les corps transparents permettent de voir les murs, qui, eux, sont immuables et fixes : cela figure le temps qui passe, comme si nous regardions une vidéo en accéléré, dans laquelle les murs seraient fixes et les corps, mobiles, flous et transparents, car «  la vie, ce n’est pas une carte postale figée ».

À la fin de la conférence, lors de la traditionnelle séance des questions, une dame prit la parole : «  Je ne connais pas grand-chose à la bande dessinée, et encore moins à votre œuvre, mais après avoir vu votre travail et vous avoir entendu nous l’expliquer, je n’ai qu’une chose à exprimer : vous êtes un magicien !  ». Nous ne pourrions pas mieux dire !

Et pour celles et ceux qui ne pourraient s’y déplacer, en voici un aperçu !
















(par Tristan MARTINE)

Cet article reste la propriété de son auteur et ne peut être reproduit sans son autorisation.

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Code EAN :

Dessins © Brecht Evens. Photographies © Tristan Martine.

Exposition "Brecht Evens. En transparences"
Musée Citadelle de Bastia
Du 4 avril au 3 mai 2019
Place du donjon
La Citadelle
20200 Bastia
Ouvert tous les jours sauf les dimanche et lundi - entrée gratuite
De 9 h à 12 h et de 14 h à 17 h

✏️ Brecht Evens
 
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