Qui peut imaginer les difficultés de Brel à percer, dans le milieu de la chanson, entre Montmartre et le Quartier Latin des années 1950 ? Cette biographie, annoncée en trois volumes, ose le pari de commencer son histoire au milieu des dossiers de son travail routinier, une fabrique familiale de carton ondulé à Bruxelles. Il s’ennuie déjà, et songe à chanter, comme un loisir libérateur. À seulement 18 ans, on lui propose de prendre du galon. Pour Jacques, c’est non : il prend son billet en 3e classe pour Paris, avec sa guitare et son rêve d’Olympia.
Après une autre évocation historique et musicale (Miles Davis et Juliette Gréco... que l’on retrouve en bonne place dans ce Brel), les auteurs espagnols retracent la carrière d’une légende, le monument incontournable de la chanson francophone.
Le trait sombre, appuyé, et les couleurs crépusculaires participent à rendre tangibles les affres de Brel, tiraillé entre plusieurs amours et envahi par la peur de l’échec.
Outre leurs évidentes qualités narratives et ce souffle qui nous colle aux basques du grand Jacques, Salva Rubio et Sagar appuient la réalité de nombre de grands noms de la scène.
Les débuts sont épouvantables : refus des radios, salles vides ou indifférentes, ventes de disques modestes... On oublie souvent que ces années de vaches maigres ont tout aussi bien concerné Brassens que les Beatles. Ce premier volume dépeint avec une fièvre communicative ce mélange de ténacité et d’angoisse, mais aussi une part immense de culpabilité d’un Brel adultère et romantique. De quoi trouver une piste pour le futur Ne me quitte pas.
(par David TAUGIS)
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traduit de l’espagnol par Eloïse de la Maison