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Bretécher et Luz honorés par les prix Max un Moritz d’Erlangen 2016

Par Didier Pasamonik (L’Agence BD) le 29 mai 2016                      Lien  
Ce week-end a eu lieu la remise de prix "Max und Moritz" la plus haute distinction pour la bande dessinée allemande. Dans un palmarès très centré sur la production d'outre-Rhin, la grand dame de la BD française, Claire Bretécher, a reçu l'équivalent du Grand Prix, tandis que, encore marqué par "Charlie Hebdo", le jury a donné son Prix Spécial à Luz pour "Catharsis" (Futuropolis).
Bretécher et Luz honorés par les prix Max un Moritz d'Erlangen 2016
Un Lucky Luke plus vrai que nature à Erlangen

C’est dans un petit théâtre à l’italienne qu’a eu lieu vendredi la remise des Prix Max un Moritz, du nom des deux personnages créés par Wilhelm Busch au XIXe siècle et qui constituent la première BD importante de la création allemande.

Pas de recette miracle : comme en France, la cérémonie fut longue et interminable, heureusement animée par la présentatrice Hella von Sinnen -une star locale de la TV- et le critique Christian Gasser qui prenaient soin de détailler les motivations du jury pour leurs choix.

L’essentiel des ouvrages distingués apparaît comme très autocentré sur le marché allemand mais, cependant, la France a raflé les deux prix les plus importants du palmarès, à la fois en raison de l’attachement de longue date des Allemands à la production française (cela reste un de nos principaux marchés à l’export), mais aussi en raison de l’impact considérable du massacre des auteurs de Charlie Hebdo dans un pays qui, depuis longtemps, cultive et aime la caricature.

Le Festival de la BD d’Erlangen (près de Nuremberg) est une biennale, la plus importante manifestation de ce genre en Allemagne.

C’est Barbara Yelin, déjà bien connue des lecteurs français notamment pour Irmina (Actes Sud / L’An 2) qui a remporté la plus haute distinction du palmarès dont voici le détail :
– Meilleure auteur d’expression allemande : Barbara Yelin
– Meilleur album allemand de BD : „Madgermanes“ de Birgit Weyhe (Avant-Verlag)
– Meilleure BD inernationale : „Ein Sommer am See“(Cet été là, Rue de Sèvres) des Canadiens Mariko Tamaki et Jillian Tamaki.
– Meilleure BD : Das Hochhaus. 102 Etagen Leben“ de Katharina Greve
– Meilleure BD pour la jeunesse : „Kiste“ de Patrick Wirbeleit et Uwe Heidschötter (Reprodukt)
– Meilleur travail d’étudiant : „Wunderfitz“ de l’Ecole du design de Münster
– Prix spécial du jury : „Catharsis“ de Luz de même que les éditions Avant-Verlag pour leur contribution à la connaissance de l’héritage culturel du médium.
– Prix du public : „Crash ’n’ Burn“, un boys love de Mikiko Ponczeck (Tokyopop)
– Prix spécial pour l’ensemble de son œuvre : Claire Bretécher

Le jury a rendu un long et vibrant hommage à Claire Bretécher, ne manquant pas de souligner son influence sur Ralf König.

Bretécher n’a pas pu venir chercher son prix pour des raisons de santé, mais l’un des membres du jury fit un long panégyrique détaillant l’apport fondamental de la dessinatrice française à la bande dessinée. Luz n’a pas pu venir non plus. On sait que le dessinateur du Charlie Hebdo des rescapés ne se déplace plus sans ses gardes du corps et que, comme l’a bien expliqué le membre du jury présent, il aurait fallu sécuriser l’hôtel pour son déplacement ce qui aurait impliqué des budgets que le festival n’aurait pu consentir.

Mais les festivaliers ont eu de la chance de pouvoir lire une petite BD où Luz exprimait toute sa gratitude pour le prix reçu. Non sans dérision puisqu’il invitait Max et Moritz, les héros de Busch à venir faire des commentaires sur son speech. Invité par les deux garnements à dessiner, il croqua, non sans résistance ("Il n’est pas marqué Saint-Exupéry sur mon front") deux figures de l’extrême droite allemande transformées en saucisses et dévorées par un réfugié syrien. Une prestation très appréciée par le public présent. Certains observateurs ont pu remarquer la présence discrète de Marika Bret venue représenter la rédaction de Charlie Hebdo à cette occasion.


Absent pour des raisons de sécurité, Luz s’est fait remarquer par sa BD au cours de la cérémonie.

L’affaire se termina dans une de ces fêtes de la bière dont les Allemands ont le secret.

La journée de samedi a été marquée par les nombreuses rencontres, notamment avec les auteurs turcs qui ont suscité beaucoup de curiosité, en particulier dans un contexte où un humoriste allemand ayant traité dans un sketch Erdogan de "pédophile" et de "zoophile" se trouve traîné devant les tribunaux par le président turc.

Le patron de LeMan, Tuncay Akgün, refroidit un peu les ardeurs en expliquant que la censure en Turquie était "bien moins répressive que vous le pensez", même si certaines affaires ont défrayé la chronique. Les télévisions défilaient en tout cas dans l’expo sur la BD turque, s’attardant notamment sur les quatre couvertures historiques en hommage à Charlie Hebdo publiées au moment du massacre, un acte de courage inouï dans un pays largement conservateur et musulman. "Le relais de la moindre caricature sur les réseaux sociaux fait que la pression de la société sur les caricaturistes turcs est bien plus grande qu’avant" faisait remarquer Sabine Küper-Büsch lors de l’un de ces débats. "Le juste milieu est impossible, raconte Ersin Karabulut, l’un des plus talentueux auteurs de la nouvelle génération, figure de l’hebdomadaire Uykusuz. Quand je fais un dessin moche d’Erdogan, tout le monde me dit : pourquoi tu l’as amochi ainsi. Et quand je fais de lui un dessin pas trop chargé, mes amis me disent : pourquoi as-tu fait de lui un portrait aussi flatteur ?"

Dans l’exposition sur la bande dessinée turque, les couvertures en hommage à "Charlie Hebdo" ont frappé les imaginations.
Le dessinateur turc Emre Orhün, né en Chine et habitant Lyon depuis 20 ans, une ville où il a étudié la BD, répond aux questions de la chaîne de TV Arte. Ses sublimes planches en carte à gratter figuraient dans l’exposition.

Lucky Luke qui fête ses 70 ans en France fait de même en Allemagne, avec la présence d’Achdé et de Matthieu Bonhomme. Son éditeur Ehapa-Egmont distribue les étoiles de shérif au public tandis que des jeunes Lucky Luke parcourent le salon pour les "selfiemaniaques" de tous âges.

Autre fait remarquable : les présences flamande et hollandaise. Elle s’explique par le fait que ces deux contrées néerlandophones sont les invitées d’honneur de la Foire du Livre de Francfort et ont confié l’événement au talentueux écrivain flamand Bart Moeyart. Elles ont décidé, par le biais de leurs institutions respectives (Vlaamse Fonds voor Letteren et Nederlands letterenfonds - Dutch Foundation for Litterature), de réunir leurs efforts pour multiplier les actions culturelles toute l’année et donc notamment à Erlangen où un atelier éphémère, Parade, se donne comme objectif de publier une revue par jour sous la direction des deux co-rédacteurs en chef Joost Swarte et Randall Casaer. Des auteurs étrangers sont invités à participer, d’où la présence de Cyril Pedrosa et de Ulli Lust de passage dans l’atelier.

Le Hollandais Gert Jan Pos et la Flamande Els Aerts réunis à Erlangen pour la promotion de la BD néerlandophone. Ils tiennent en mais les deux premiers numéros de "Parade", la revue ephémère publiée au cours du festival. Collectors !
Dans l’Atelier Parade, Cyril Pedrosa, Ulli Lust et Wasco.

Bon enfant, la biennale d’Erlangen reste incontestablement la meilleure vitrine pour la bande dessinée en Allemagne.

(par Didier Pasamonik (L’Agence BD))

Cet article reste la propriété de son auteur et ne peut être reproduit sans son autorisation.

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Photos : D. Pasamonik (L’Agence BD)

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