Qu’advient-il de tous ces animaux de compagnie qui s’enfuient sans laisser de trace et dont la photo apparaît sur les kitschissimes avis de recherche que leurs maîtres désespérés ont l’habitude de coller un peu partout ? Abandonnés à leur sort, il arrive que leur soif d’aventure les conduise vers un destin pour le moins inattendu. C’est le cas de la jeune chienne Brigitte, dont la vie se trouve bouleversée lorsqu’un mystérieux barbu lui propose un job d’agent-secret. Le quotidien de la fugitive, qui ne manque ni de chien ni de sex appeal, prend alors l’allure d’une véritable partie d’échec. Alors que la plus extrême méfiance est de mise à l’égard des charmants inconnus, son romantisme échevelé risquerait à tout moment de compromettre l’accomplissement de sa mission, si ce n’était de ces indispensables Anti-Love-Pills (pilules anti-amour), dont elle ne dispose toutefois qu’en quantité limitée…
Après nous avoir attendri avec Alien, son premier roman graphique dont la version française est parue en avril dernier aux éditions Ça et là sous le titre Petite terrienne, Aisha Franz, toujours fidèle au style
négligé du fanzine-autoproduit-avec-les-moyens-du-bord, nous plonge encore un peu plus dans l’esthétique du DIY (Do It Yourself (Faites-le vous-mêmes)) avec Brigitte und der Perlenhort (Brigitte et la perle précieuse). Il s’agit d’ailleurs de la réédition sous forme d’album d’un authentique fanzine, originairement autopublié en quatre parties (voir le site de l’auteur). Bien loin de l’atmosphère cafardeuse du drame de la vie ordinaire qui se jouait dans Alien, Aisha Franz nous transporte cette fois-ci dans l’univers burlesque de cette Nikita de la gente canine qu’est la sentimentale et romanesque Brigitte. Le résultat est assez amusant et réussi en son genre, mais le récit, malgré l’allégorie à peine voilée de la sexualité féminine et de la procréation qu’il contient (tous sont à la recherche de la "perle virginale" produite par "l’huître aux lèvres noires" !), de même que quelques clins d’œil à Otis Redding (Sitting on the Dock of the Bay), Tom Waits (Jockey Full of Bourbon) ou Hans Fallada (Jeder stirbt für sich allein (Seul dans Berlin)), n’a pas la profondeur et la force d’Alien. Le philosophe en vous sera peut-être un peu déçu.
Voir en ligne : Site de l’auteur
(par Manuel Roy)
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