Dans certaines régions du Mexique, la misère est largement partagée par le commun des mortels, paradis des narco-trafiquants, où la vie ne vaut guère plus qu’une brindille prête à se consumer. C’est ici, que Lono déambule à la suite de son séjour aux États-Unis où il s’est fait tirer une balle dans la poitrine par Dizzy Cordoba...
Mais le gaillard est rude et costaud. Il vit désormais au sein d’un monastère aidant des orphelins et assistant le Père Perez dans sa routine. Mais pour un type comme Lono, ce calme annonce forcément une tempête. Un cartel de drogue va rapidement perturber la sérénité de l’endroit.
Crimes organisés, règlements de comptes, magistrats et prêtres corrompus - sans oublier les traditionnels gangsters aux sales gueules patibulaires, ni les jeunes filles désirables seulement habillées de leur vertu....
Brother Lono 100 Bullets se reçoit comme un uppercut. Vous pensiez avoir tout vu avec 100 Bullets ? Que nenni : cet épilogue poursuit sa course à la violence d’une manière encore plus exacerbée encore, les morts s’empilant plus vite que ne peut le recevoir la conscience des vivants. Le public de la série-mère connait certes son code interne, hard boiled s’il en est. Il n’empêche, ici, la cruauté dépasse les bornes et atteint son paroxysme.
La force de Brian Azzarello réside dans sa capacité à captiver d’entrée le lecteur, grâce notamment à une succession rapide de séquences-choc. Les premières pages parlent d’elles-mêmes : un homme de main, Ernesto, paye au prix fort son silence, torturé de manière inhumaine par ses prétendus potes du milieu. Quelques pages plus tard, un autres sbire se fait découper les doigts puis arracher le nez, avant de finir une balle en pleine tête... Dans Brother Lono 100 Bullets, ça cogne sec, ça canarde à tout-va, ça découpe et ça disperse, comme dirait l’autre... Triste spectacle d’un milieu ultra-violent, malsain, malheureusement assez proche du monde réel.
Patricia Mulvihill nous en met plein la vue avec sa palette de nuances qui illustre l’univers glauque dans lequel évoluent les protagonistes : ambiances rougeâtres ponctuées d’ombres bleutées et verdâtres qui en soulignent le relief, tandis que des textures jaunes et brunes donnent de la dimension à l’arrière champ. Le résultat est surprenant et vaut réellement le détour. Son talent sert parfaitement le dessin de Eduardo Risso , sombre à souhait.
Les amateurs de polars durs et brutaux trouveront certes leur compte avec cet album, et en demanderont peut-être même davantage une fois celui-ci consommé. Ce style d’ouvrage s’adresse, on s’en doute, à un public averti mais également d’amateurs car tout un chacun n’est pas forcément désireux d’assister à un telle récurrence de massacres et d’émotions fortes.
(par Marc Vandermeer)
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