Notre époque a perdu un peu de son intérêt pour les glorioles décorées en uniforme. Les "frappes chirurgicales" ont en effet déshumanisé la guerre qui n’en demandait pas tant.
Mais bon, créée dans l’euphorie de la Libération, la série Buck Danny est encore dans ce romantisme du combat du Bien contre le Mal, les uniformes de l’Air Force tenant lieu d’armure aux "chevaliers du ciel"... Il est prolongé parallèlement par les exploits de Jean Mermoz, le héros de l’Aéropostale pour donner le change à la censure hexagonale qui voit d’un mauvais œil l’irruption de ces héros américains dans les kiosques d’une France gaulliste où le parti communiste est encore puissant.
Dans le registre de l’aventure d’aviation, Charlier & Hubinon sont redoutables. Le dessinateur liégeois est au sommet de son art -pas un boulon ne manque aux carlingues- et ses personnages sont parmi les plus appréciés du Journal de Spirou.
Les trois épisodes de cette intégrale reprennent quelques histoires canoniques : NC-22654 ne répond plus, Menace au Nord et surtout Buck Danny contre Lady X, une espionne aviatrice doublement dangereuse : parce que femme, dans un monde militaire machiste par excellence ; parce que travaillant pour l’ennemi communiste. C’est évidemment la Dragon Lady de Milton Caniff dont nos auteurs font une belge réplique et cette Némésis féminine a sans aucun doute fait vibrer les jeunes lecteurs de Spirou.
Dans le dossier introductif signé Patrick Gaumer, on apprend les relations complexes entre les auteurs et leurs éditeurs et notamment leur rôle proactif du scénariste et du dessinateur de Buck Danny dans la création d’un syndicat de créateurs de BD en 1955. Une tentative vite étouffée dans l’œuf par les patrons de l’époque.
Damned ! Les créateurs de la série la plus américaine du Journal de Spirou étaient en réalité des... Rouges ? Voilà qui donne un sel particulier à la relecture de ce classique de notre enfance !
(par Didier Pasamonik (L’Agence BD))
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