Akira Tendô 24 ans travaille depuis la fin de ces études dans une société qui maltraite ses salariés. En effet, exploité sans répit et sous l’emprise psychologique de son supérieur, Akira n’a même pas le temps de dormir. Une vie qui se résume au travail et rien d’autre n’est pas une vie. Dans l’incapacité de s’extirper de cette situation, l’apocalypse zombie apparaît comme une chance inespérée pour notre héros. C’est l’occasion pour lui de profiter enfin de sa vie et d’être libre.
Akira est présenté au début du premier tome comme une personne blasée et morte de fatigue, semblable à un mort vivant. Cet aspect est expliqué par un flashback ou le jeune Akira vient de rejoindre la société. Débordant d’optimisme le premier jour de son boulot, il est obligé d’entrée de jeu de travailler plusieurs nuits d’affilée sans pause car c’est la norme dans sa boîte. La seule excuse valable pour s’arrêter, c’est la mort. Les conditions de travail ne sont absolument pas respectées. Une réalité distordue que les employés acceptent après que leur mental a été brisé. Le harcèlement et la fatigue extrême ne permettent pas aux travailleurs de se rebeller ou de démissionner. C’est comme ça que des employés arrivent à dire sur un ton sérieux que "tant qu’on ne pisse pas le sang, c’est qu’on n’est pas encore au niveau". Ils vont même se vanter du nombre d’heures non payées en précisant que ça devient sérieux à partir de 150 heures dans un esprit de compétition.
À travers cet univers, l’auteur Haro Aso dénonce les agissements de certaines sociétés qui mettent une pression et une charge de travail anormale sur leurs employés. De plus, certains propos sont clairement dirigés contre le fonctionnement du système japonais, notamment le fait que les employés ne prennent pas leurs congés payés qui sont pourtant un droit, car c’est très mal vu. Pouvoir profiter de ce droit mettrait en péril le poste de la personne concernée qui est constamment mise en compétition avec les autres.
C’est dans cette ambiance destructrice qu’a évolué Akira pendant plusieurs années. C’est pourquoi, l’arrivée des zombies est pour lui synonyme de libération. Avoir vécu sans pouvoir vraiment vivre et en ayant l’esprit formaté, il va être amené à faire des choses complètements folles aux yeux des survivants et du lecteur. Il va par exemple aller donner sa démission à son patron qui n’est plus qu’un zombie ou encore sortir pour récupérer une grande télé comme si tout était normal alors qu’il y a des zombies partout. Ce comportement apporte un ton humoristique à l’œuvre et un caractère audacieux au personnage qui semble un peu déconnecté du réel. Le héros va notamment dresser une liste de 100 choses à faire avant d’être un zombie. Celle-ci comporte des éléments inattendus comme boire un verre avec des hôtesses de l’air. Ainsi, une des grandes qualité et force de Bucket List of the dead est son héros imprévisible et attachant par ses actions et sa vision des choses. Le caractère décalé du héros donne envie de savoir qu’elle sera sa prochaine action.
De plus, les retrouvailles du héros avec son meilleur ami et les rencontres qu’il fait viennent alimenter son questionnement sur ce qu’il aime et voudrait faire de sa vie. Cette thématique s’étant au-delà du héros, notamment à travers son ami Kencho et les différentes aventures menées.
Haro Aso auteur de Alice in Borderland revient ici avec un scénario délirant qui mélange invasion zombie et questionnement sur les aspirations et les rêves. Cette double facette donne un titre imprévisible et très agréable à lire. La mise en scène appuie ce mélange avec des situations sérieuses qui nous rappellent à la réalité et d’autres complètement loufoques qui font rire et détendent l’atmosphère. C’est une nouvelle occasion pour l’auteur de critiquer la société avec une pointe de cynisme qu’on retrouve au fil des pages.
Kotaro Takata l’accompagne au dessin, avec un trait soigné et détaillé. Que ce soit à travers des personnages expressifs, le design des zombies varié et inquiétant, les décors travaillés et les scènes d’action dynamiques, le dessinateur a su rendre justice au scénario.
Une nouveauté chez Kana qui surprend agréablement. Une histoire bien rythmée qui n’a pas le temps de nous ennuyer. De l’humour bien dosé, accompagné de scènes émouvantes et de réflexions sur la société et les rêves. Avec un héros qui sort de l’ordinaire et des dessins réussis.
(par Malgorzata Natanek)
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