Titeuf, dont la mèche rappelle (de loin) Tintin, a un peu commencé comme lui : ses premières aventures étaient en noir et blanc, ce qui ne l’a pas empêché d’être très tôt rouge de honte.
On sait que le personnage a été remarqué par Jean-Claude Camano, éditeur chez Glénat (aujourd’hui agent de Zep), dans un fanzine suisse. Zep dessine les aventures de Titeuf du haut de son atelier surplombant le préau d’une cour de récré. Mais Glénat est alors en pleine fièvre historique avec scène de coucherie obligatoire à la page 10, suivant le dogme filippinien, et commence à peupler son catalogue de mangas.
Le premier album de Titeuf, Dieu, le sexe et les bretelles, est publié en noir et blanc, l’auteur ayant publié dans Fluide Glacial, l’éditeur grenoblois ne comprend pas immédiatement la dimension jeunesse et surtout « tout public » du personnage et se conforme aux canons des albums d’Audie. Nous vous parlions encore récemment de la difficulté du positionnement de la bande dessinée par rapport à ce secteur, Titeuf, à ses débuts du moins, en a été le parfait exemple. Il ne laissait pas enfermer dans une case marketing préconçue.
Il a fallu le succès détonnant de la série en Suisse pour que l’éditeur d’Akira sente le phénomène. À partir de là, il a su parfaitement le mener à maturité et à la deuxième place des best-sellers français de la BD, juste après Astérix.
Du noir & blanc à la couleur
Or donc, Zep est de mèche avec Hergé jusque dans la gestion de son œuvre lorsque les premiers albums noir & blanc de Tintin avaient été remis en couleurs au milieu des années 1940. Dieu, le sexe et les bretelles est son « Île noire » à lui. Mais Zep ne redessine pas ses albums pour les rendre plus politiquement corrects. Comme pour Hergé en revanche, il a recours à un « assistant » car l’album ayant été conçu au lavis, il était impossible de le mettre en couleurs sans le redessiner. Heureusement, les « nouvelles technologies » ont permis, grâce au dessinateur Nob de réussir ce miracle : « C’est un procédé assez compliqué, explique Zep, il faut sélectionner chaque zone de gris et en modifier la colorimétrie tout en conservant le grain de l’aquarelle. Un boulot de bénédictin… Beaucoup trop technique pour moi ! »
L’album sort opportunément alors que Zep est l’invité d’honneur du Festival de Lausanne BD-FIL 2010 et qu’une expo lui est consacrée au Musée du design de Lausanne, le MUDAC.
Par ailleurs, on sait que Happy Rock animera également la rentrée des éditions Delcourt.
Un vieux Titeuf recuit, un Happy Rock constitué majoritairement de vieux gags, Zep n’est-il pas entré dans la phase « Je leur sers du vieux pour du neuf » ? Peut-être, mais cela lui permet de travailler sur son film qui devrait sortir en salle le 6 avril 2011 et qui l’occupe à plein temps en ce moment, avec Johnny Hallyday, Jean Rochefort et Jean-Jacques Goldman au générique. C’est pô triste !
(par Didier Pasamonik (L’Agence BD))
Cet article reste la propriété de son auteur et ne peut être reproduit sans son autorisation.
Lire aussi : « Titeuf : Les secrets d’un triomphe »