Vous pouvez commencer par la dernière page. Tardi s’emporte en une page sur les festivités des commémorations en cours. Centenaire obligé de la guerre 14-18, avec son cortège d’œuvres de circonstance, à l’exception notable du cinéma. Un Tardi qui semble songer amèrement à la violence des guerres d’aujourd’hui, mais surtout condamner les gouvernements de tous bords. La verve anar est toujours là.
Paru en 1993, C’était la guerre des tranchées inaugurait la longue série de travaux qui allaient devenir le fil conducteur de toute une carrière. Impossible aujourd’hui d’évoquer la der des der vue par le neuvième art sans citer Tardi, sans saluer plusieurs de ses albums essentiels. Mais il y a 20 ans, le thème n’avait pas encore envahi les rayons BD. Grâce au support de Jean-Pierre Vernet, mine inépuisable de précisions et documentaliste indispensable, Tardi avait alors scrupuleusement contextualisé ses portraits de soldats. Car ce monumental album n’a rien de descriptif. Il ne suit pas une trame chronologique. On saute simplement d’une tranchée à l’autre, d’un destin au suivant. Et toujours, en toile de fond, l’attitude butée des gradés, le climat oppressant des gardes dans la nuit boueuse, les mitrailleuses aux aguets...
Tardi réussit à ne pas rendre son propos trop lourd en intégrant aussi quelques passages dans les villages, lors de moments d’accalmie trompeuse, ou au milieu des populations civiles. Il lance aussi des chiffres. Qu’il faut lire. Et relire. Tenez : 35 pays participants ; 10 millions de morts. Oui, relisez : 10 MILLIONS. Mais aussi 794 000 maisons et immeubles détruits, sans compter les milliards dépensés. Et j’en passe, sa liste est impressionnante.
Devant l’ampleur de la production BD sur le thème, avec des œuvres majeures comme Notre mère la guerre, il faut bien reconnaître le rôle fondateur de ce grand album. Il paraît ici dans un format plus large, augmenté de 40 pages de dessins, croquis, illustrations diverses, et une couverture inédite. Au-delà de la réussite artistique, de la portée de son propos, il ne faillit pas à sa mission pédagogique : en savoir plus, approfondir, et ne pas oublier.
(par David TAUGIS)
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