Illustratrice qui se morfond à n’avoir que des propositions publicitaires stéréotypées, Constance construit un envers à ce monde d’apparence mielleuse avec son carnet de dessins dans lequel elle imagine les aventures d’une super-héroïne d’un genre nouveau. Habillée de leggings panthère et arborant fièrement son "camel toe" ("tu sais, c’est la forme de ton minou qui fait une patte de chameau quand ton bas te moule", comme l’explique Esther, copine punk de Constance), Camel Joe défonce les relous qui harcèlent les filles au quotidien. Un héroïne qui a sacrément du boulot donc.
Un personnage en guise de cri de révolte contre une société, des mœurs et des comportements qui transpirent le patriarcat au moindre mouvement. On suit ainsi Constance tiraillée entre ses aspirations et ce avec quoi elle doit composer, non seulement au travail, mais aussi dans ses relations, y compris amoureuses.
Engagé, Camel Joe se situe ainsi en plein dans l’ère du temps, au cœur d’une lutte féministe qui demande d’abord aux hommes de laisser vivre les femmes comme elles l’entendent. Claire Deplan témoigne dans sa BD de la nécessité à tenir des discours à la fois drôles, décapants et pertinents - ici porté par un dessin aussi anguleux que rugueux - face aux flots aussi incessants que lénifiants des "circulez y a rien à voir" et autres "mais c’est comme ça, qu’est-ce que vous voulez y changer ?".
Un beau volume, frappant juste comme il faut, né de cette idée géniale d’une héroïne dotée du "camel toe power", ponctué de quelques passages formidables (du running gag de la Kasbah au "sit on your own dick" en passant par l’engrais qu’utilise Constance) et adoubé qui plus est par Pénéloppe Bagieu qui en signe la préface.
(par Aurélien Pigeat)
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Camel Joe. Par Claire Duplan. Rue de l’Échiquier. Sortie le 6 septembre 2018. 128 pages. 16,50 euros.