L’industrie du cinéma d’animation est cyclique : certaines années, les projets entrent en production ; certaines autres, les productions s’achèvent. Cette année à Cartoon Movie, le forum européen où les producteurs de longs métrages d’animation viennent présenter leurs projets et chercher des financements, la cuvée était plus maigre : peu de nouveaux projets exaltants et plus de films presque terminés venus sans rien chercher, comme l’adaptation du livre de Jean Regnaud et Émile Bravo "Ma maman est en Amérique, elle a rencontré Buffalo Bill" (Gallimard) ou encore la version cinéma de "Oggy et les cafards" qui rassemble trois longs épisodes qui se déroulent à des périodes différentes.
Tardi, Le Réveil du Zelphire et le retour de Sylvain Chomet
On avait déjà découvert l’année dernière le premier long métrage d’animation inspiré de l’univers de Jacques Tardi, dont la production a commencé, Un Monde truqué, et dont l’héroïne fait penser à Adèle Blanc-Sec dans un Paris sans Tour Eiffel.
Cette période fin XIXe-début XXe a l’air d’intéresser les producteurs puisque c’est dans ce registre que l’on découvre le projet d’adaptation de la BD "Le Réveil du Zelphire" (Gallimard) présenté par son auteur, Karim Friha. C’est Arthur Qwak, brillant co-auteur de "Chasseur de dragons" qui s’est chargé de l’adaptation de cette histoire de X-men chez Jules Verne. Une bonne nouvelle pour cette bande dessinée originale, même si sa version cinématographique n’en est qu’à ses balbutiements.
L’un des projets les plus attendus, mais qui n’en est qu’au début lui aussi, est un prequel des Triplettes de Belleville : "Swing Popa Swing". Sylvain Chomet, qui ne s’est pas rendu à Lyon, aurait l’intention avec son producteur Didier Brunner de redonner vie à aux trois attachantes grands mères swingueuses en leur inventant un père de 100 ans qui les croit infirmières : elles lui ont caché qu’elles étaient vedettes de Music-hall.
Jens Harder adapté !
Dans le secteur de l’album jeunesse, on retient Le Yark écrit par Bernard Santini et illustré par Laurent Gapaillard (Grasset Jeunesse), une histoire d’un monstre qui ne peut se nourrir que d’enfants sages, et a bien du mal à survivre dans une société où tous les jeunes sont des malotrus. Le trait noir et blanc et plein de verve de l’œuvre originale est difficile à adapter au cinéma mais les premières recherches graphiques qui ont été montrées au public sont originales, colorées et respectueuses de la patte du dessinateur.
C’est Nicolas Schmerkin et sa société Autour de minuit, habile productrice de clips et qui, depuis sa série sur Canal +, Babioles, a des ambitions dans le cinéma, qui a présenté ce projet assez enthousiasmant. La même société avait créé la surprise l’année dernière en dévoilant Alpha, autoproclamée " la Fantasia du XXIe siècle, une histoire du monde inspirée par le remarquable roman graphique "Alpha directions" de l’Allemand Jens Harder (Actes Sud / L’An 2), et réalisé Édouard Salier. On en découvre de nouvelles images assez enthousiasmantes.
À Cartoon movie, on propose un projet, on le pitche, et on voit ce que ça donne. Le pitch de « Hugo » était des plus surprenants. Il faut se rappeler ce petit personnage, premier personnage virtuel de la télévision, avec qui Karen Cheryl sur FR3 dialoguait dans un jeu quotidien intitulé « Hugo Délire ». Le réalisateur-producteur danois Philip Einstein Lipsky souhaitait faire revivre cette ancienne gloire nationale française, lui qui avait donné au Danemark l’un de ses films d’animation les plus osés autour des aventures d’un barbare dénommé Ronald. Il a imaginé raconter le vrai passage à vide de cette ancienne vedette. Tout est dans le titre du film : "Hugo, le pire come-back du monde" avec, sur le projet d’affiche, un Hugo au visage ravagé, vieux jeune beau, une cigarette au bec, qui essaie de faire un retour.
Tout aussi ambitieux dans un autre genre, et en image de synthèse cette fois, le projet Hyeronimous, qui souhaite raconter la vie du plus gore des peintres du début de la Renaissance : Jérôme Bosch, à l’occasion du 500e anniversaire de sa naissance.
Le projet le plus poétique restera celui de Jean François Laguionie. Le réalisateur du « Tableau » qui persévère dans une veine encore plus autobiographique pour raconter, en quasi voix off, l’histoire d’une personne âgée en villégiature en bord de mer qui se retrouve seule après un avis de tempête. Cette fois, Laguionie reprend crayons, pinceaux et papiers pour peindre tous les décors du film dont il a écrit seul un scénario qu’il peuple de souvenirs personnels, comme celui de ce parachutiste qu’il avait rencontré après la guerre. Un film délibérément plus adulte qui traite de la vieillesse, de la solitude, de l’abandon.
Mais tous les longs métrages d’animation en cours de production en France ne viennent pas se montrer à Lyon. Si la suite de Loulou, "Le Secret de Loulou" réalisé par Grégoire Solotareff et Jean-Luc Fromental a été dévoilée, on n’a rien vu en revanche du Petit Vampire que développe Joann Sfar avec Autochenille productions, à l’instar de « Ballerina » produit par Quad, « Minuscule » de Thomas Szabo et Hélène Giraud et "Pourquoi j’ai (pas) mangé mon père" de Djamel Debbouze produit par Pathé. Peut-être que ces projets ne sont plus à la recherche de financements...
Laurent Valière
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