Certains albums sont d’une telle puissance, d’une telle fulgurance, qu’ils peuvent parfois écraser jusqu’à leurs auteurs. S’il en est, alors Casa HowHard en fait nécessairement partie !
A posteriori, les connaisseurs qui analysent les récits et les albums de Roberto Baldazzini qui ont précédé le premier opus, constatent que ses incursions érotiques, ses expérimentations graphiques ont amené l’auteur à réaliser ce récit hors du temps, car il ne prend pas une ride avec les années, et ne risque pas de vieillir pour les décennies qui viennent.
Si vous n’avez jamais lu ou ouvert l’un des Casa HowHard, vous voudriez sans doute savoir ce qui mérite cette avalanche de louanges. En toute honnêteté, l’histoire reste des plus superficielles. Résumons-la en "La jeune Angela découvre la sexualité avec ses ami.e.s".
Ce qui déstabilise et captive en même temps, ce sont les protagonistes du récit : de magnifiques jeunes femmes dotées de sexes exclusivement masculins [1] font preuve d’une sensualité lascive qu’on n’avait jamais aperçue auparavant.
Le trait de Baldazzini est d’une telle pureté qu’il écarte irrévocablement tout esprit de perversion. Il est juste question de découverte de soi et des autres pour ces corps d’ange. Leur pudeur est définitivement écartée, car là où il y a de la gêne, il n’y a pas de plaisir. Dès lors, se baladant parfois dans le plus simple appareil, sans honte de montrer leurs envies ou leurs excitations, ces hermaphrodites pratiquent un hédonisme assumé au sein d’un paradis oublié.
L’un des premiers touchés par cette grâce insufflée par le trait et les personnages de Baldazzini, ce fut Moebius, qui écrivit la préface du premier album en 2000 [2], reproduite dans cette intégrale. Voici ce que le maître expliquait à notre micro en 2008 : « Avec "Casa HowHard", Baldazzini a créé une œuvre angélique d’une grande pureté, c’est fulgurant ! J’ai tellement apprécié que j’ai mis tout mon cœur dans la préface de son album. Ensuite, il a exploité le thème en réalisant un second tome, mais c’était moins surprenant, moins excitant. »
Il a bien entendu raison : après une telle innovation, il devenait presque impossible pour Baldazzini de renouveler une surprise aussi forte dans un second tome. Cela ne retire rien à la pertinence du propos. La Musardine avait d’ailleurs opté pour des éditions qui rassemblaient directement deux tomes : les tomes 1 et 2 en 2007, rassemblés légitimement car il s’agissait de la réédition du premier complété de la nouveauté à l’époque, puis les tomes 3 et 4, pour maintenir la forme, mais aussi capitaliser sur une intrigue qui se diluait quelque peu. Des récits qui ne manquaient pourtant pas de pertinence, car Baldazzini jouait sur les tons de sa monochromie pour apporter d’autres atmosphères, notamment les séquences oniriques.
Dans cet équilibre complexe entre le succès et l’innovation, Baldazzini est parvenu à surprendre encore dans le tome 5, paru en 2012. Alpha et oméga de la partie de sa carrière consacrée à l’érotisme, il rassemble dans cette conclusion son Angela avec un graphisme qui synthétise les débuts de sa carrière, tout en livrant d’autres séquences très fortement influencées par le manga.
Comme il nous l’avait expliqué lors d’une précédente rencontre, il estimait qu’il avait livré tout ce qu’il pouvait donner au genre érotique, et qu’il allait désormais se consacrer à d’autres territoires. Nous vous en reparlerons d’ailleurs dans quelques jours.
Vingt-deux ans après cette claque érotique dont nous ne sommes pas sortis indemnes, La Musardine publie donc la totalité de cette série sous un album broché. Il rassemble non seulement les cinq tomes, les deux préfaces de Moebius et de Jean-Pierre Dionnet, toutes les fausses pubs que l’on retrouvait dans les deux précédents diptyques, ainsi qu’une galerie d’illustrations et une passionnante postface de Bernard Joubert, spécialiste du genre, ami et traducteur de l’auteur.
Si vous ne possédez donc pas encore la totalité de cette série, je n’aurais alors qu’un mot : succombez !
(par Charles-Louis Detournay)
Cet article reste la propriété de son auteur et ne peut être reproduit sans son autorisation.
Casa HowHard, l’intégrale – Par Baldazzini - Dynamite
Dans la même série, lire nos précédentes chroniques :
Casa HowHard 1+2 – Par Baldazzini - Dynamite
Casa HowHard 3+4 - par Baldazzini - Dynamite
Lire également l’interview de Jean Giraud – Moebius : « Mes carnets sont l’improvisation d’une somme d’archétypes »
[1] On retrouve une femme dans le tome 3.
[2] 1998 pour l’édition italienne.