La fin de ce diptyque d’Olivier Berlion, Antonin Varenne et Olivier Thomas sorti dans le courant de l’automne fait partie sans doute de ceux-là. Un road movie à la française qui nous transporte des chantiers de l’Atlantique jusqu’au bord de la Méditerranée en passant par le Pays basque en compagnie de deux anti-héros aux parcours fracassés.
De Saint-Nazaire à Marseille, nous suivons la cavale d’Henri le soudeur timide et désabusé et de Natacha, la fugitive embarquée dans une très sale affaire. Ces deux-là ne devaient pas se rencontrer : un portable qui change de main à la suite d’une incartade dans un bistrot... et leurs destins vont basculer.
Pourquoi l’ouvrier célibataire taiseux et solitaire décide-t-il d’aider et de sauver cette jeune femme dont il ne connait rien, pas même les trafics dont elle cherche à tirer profit pour son compte ? Tentative particulièrement périlleuse puisque ses "anciens employeurs" de la mafia sont bien décidés à récupérer le magot de cinq kilos d’héroïne pure, allant jusqu’à conclure une alliance de circonstance avec des membres de l’ ETA, militants bien peu scrupuleux sur les principes.
Au-delà de l’intrigue policière, cette course-poursuite se confond assez vite avec une fuite en avant dans laquelle chacun des deux protagonistes cherche à échapper à une vie devenue insupportable.
Ce couple improbable, prisonnier de non-dits et d’incompréhensions, va parcourir près de mille kilomètres avec à ses trousses une redoutable bande de tueurs. Henri, le soudeur breton, abandonne son existence très ordinaire d’ouvrier sur les chantiers navals pour avoir (enfin !) le courage de devenir lui-même... A-t-il compris ce qu’elle lui cache ? En est-il amoureux ? Jusqu’où est-il prêt à suivre cette ex-terroriste basque ?
Trois auteurs expérimentés se sont associés pour nous livrer ce polar psychologique, chargé d’adrénaline et d’émotion. Scénarisé par le tandem Berlion et Varenne , ce roman noir à la fois social et sentimental prend le temps de s’attarder sur des portraits de personnages particulièrement attachants. Même si les sentiments n’y sont pas explicitement exprimés, l’émotion affleure à chaque page. Une des trouvailles de ce scénario rythmé et tendu consiste à situer ce polar dans un contexte ouvrier rude et sinistré confronté à des truands et des militants égarés entre délinquance et trafics peu reluisants.
Aussi bien travaillées au niveau graphique (grâce au talent d’Olivier Thomas et aux couleurs de Bruno Pradelle) qu’à travers la narration, les ambiances traduisent une vraie sensibilité et un grand attachement à des personnages populaires, tragiquement humains qui sont tout… sauf des héros ! Milieux interlopes et personnages paumés et dérisoires ne contredisent nullement les aspects flamboyants de ce récit particulièrement captivant.
Un voyage au-delà du bien et du mal au cœur d’une profonde misère sociale et sentimentale qui constitue une bonne surprise et dont on ne serait pas étonné que le cinéma cherche à s’en emparer !
(par Patrice Gentilhomme)
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