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Cavale dans l’Hexagone

Par Patrice Gentilhomme le 7 janvier 2013                      Lien  
Le phénomène est courant au cinéma ou dans la chanson : écrasées par des offensives commerciales agressives, certaines productions se retrouvent noyées au sein d’une surproduction envahissante. La BD n’est évidemment pas à l’abri de telles dérives ! L’amateur peu attentif ou le simple curieux risque bien souvent de passer à côté de quelques pépites si ce manque de visibilité n’est pas compensé par l’intervention d’un libraire attentif ou un chroniqueur avisé.

La fin de ce diptyque d’Olivier Berlion, Antonin Varenne et Olivier Thomas sorti dans le courant de l’automne fait partie sans doute de ceux-là. Un road movie à la française qui nous transporte des chantiers de l’Atlantique jusqu’au bord de la Méditerranée en passant par le Pays basque en compagnie de deux anti-héros aux parcours fracassés.

Cavale dans l'Hexagone
Breton, le dessinateur Olivier Thomas ajoute une touche humaine et sensible à ce polar social par un traitement très réaliste des décors.

De Saint-Nazaire à Marseille, nous suivons la cavale d’Henri le soudeur timide et désabusé et de Natacha, la fugitive embarquée dans une très sale affaire. Ces deux-là ne devaient pas se rencontrer : un portable qui change de main à la suite d’une incartade dans un bistrot... et leurs destins vont basculer.

Pourquoi l’ouvrier célibataire taiseux et solitaire décide-t-il d’aider et de sauver cette jeune femme dont il ne connait rien, pas même les trafics dont elle cherche à tirer profit pour son compte ? Tentative particulièrement périlleuse puisque ses "anciens employeurs" de la mafia sont bien décidés à récupérer le magot de cinq kilos d’héroïne pure, allant jusqu’à conclure une alliance de circonstance avec des membres de l’ ETA, militants bien peu scrupuleux sur les principes.

Au-delà de l’intrigue policière, cette course-poursuite se confond assez vite avec une fuite en avant dans laquelle chacun des deux protagonistes cherche à échapper à une vie devenue insupportable.

En décidant de partir avec Natacha, le soudeur de Saint-Nazaire cherche aussi à quitter un passé trop lourd à porter.

Ce couple improbable, prisonnier de non-dits et d’incompréhensions, va parcourir près de mille kilomètres avec à ses trousses une redoutable bande de tueurs. Henri, le soudeur breton, abandonne son existence très ordinaire d’ouvrier sur les chantiers navals pour avoir (enfin !) le courage de devenir lui-même... A-t-il compris ce qu’elle lui cache ? En est-il amoureux ? Jusqu’où est-il prêt à suivre cette ex-terroriste basque ?

Trois auteurs expérimentés se sont associés pour nous livrer ce polar psychologique, chargé d’adrénaline et d’émotion. Scénarisé par le tandem Berlion et Varenne , ce roman noir à la fois social et sentimental prend le temps de s’attarder sur des portraits de personnages particulièrement attachants. Même si les sentiments n’y sont pas explicitement exprimés, l’émotion affleure à chaque page. Une des trouvailles de ce scénario rythmé et tendu consiste à situer ce polar dans un contexte ouvrier rude et sinistré confronté à des truands et des militants égarés entre délinquance et trafics peu reluisants.

Silences, non dits, sobriété des dialogues... au service d’une narration solide et parfaitement crédible.
Le premier tome s’attardait déjà sur les lieux et les ambiances avec une belle efficacité.

Aussi bien travaillées au niveau graphique (grâce au talent d’Olivier Thomas et aux couleurs de Bruno Pradelle) qu’à travers la narration, les ambiances traduisent une vraie sensibilité et un grand attachement à des personnages populaires, tragiquement humains qui sont tout… sauf des héros ! Milieux interlopes et personnages paumés et dérisoires ne contredisent nullement les aspects flamboyants de ce récit particulièrement captivant.

Un voyage au-delà du bien et du mal au cœur d’une profonde misère sociale et sentimentale qui constitue une bonne surprise et dont on ne serait pas étonné que le cinéma cherche à s’en emparer !

(par Patrice Gentilhomme)

Cet article reste la propriété de son auteur et ne peut être reproduit sans son autorisation.

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© Illustrations Berlion, Varenne & Thomas – Éditions Emmanuel Proust 2012

 
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4 Messages :
  • Cavale dans l’Hexagone
    8 janvier 2013 05:02, par bullrag572

    à ce polar social par un traitement très réaliste des décors.

    Oui, c’est décalqué sur des photos quoi...

    Répondre à ce message

    • Répondu par Patrice Gentilhomme le 8 janvier 2013 à  14:37 :

      De nombreux auteurs (et non des moindres !) ont recours à la photo dans leur démarche créatrice, force est de constater que ces initiatives ne nuisent pas forcément à la qualité des oeuvres, bien au contraire ! En quoi cela serait-il a priori "condamnable" ?

      Répondre à ce message

  • Cavale dans l’Hexagone
    16 janvier 2013 17:25, par jacques

    Varenne ? Des frères Varennes qui ont fait Ardeurs,Warschau ou la grande fugue ?

    Répondre à ce message

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