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"Cayetano" : l’histoire du premier sérial killer argentin aux Editions iLatina

Par Jorge Sanchez le 14 février 2022                      Lien  
Entre 1904 et 1912, l'adolescent Cayetano Santos Godino, que la presse surnommera par la suite le Petizo orejudo, tue 4 enfants, en blesse 7 autres et met le feu à plusieurs bâtiments... Issu de la terrible misère de Buenos Aires, il détient l'honneur douteux d'être le premier tueur en série de l'Argentine. Son histoire nous est rapportée par Luciano Saracino et Nicolas Brondo, à travers la maison iLatina, dans un récit sombre constitué grâce aux traces fragmentaires laissées dans la presse…

Dans les taudis des conventillos, maisons multifamiliales des quartiers pauvres de Buenos Aires, une créature sournoise grandit. Un monstre sans pitié ni merci qui terrorise les rues et ne vit que pour le plaisir d’infliger du mal aux enfants qu’il croise sur son chemin… Du moins, c’est ce que la presse de l’époque lègue comme image de Cayetano.

C’est ainsi, avec une prose aussi percutante que succincte, que Luciano Saracino et Nicolas Brondo ont choisi de déconstruire cette image plus proche des mythes urbains sur Jacques l’Éventreur que de la réalité. Ils nous proposent de découvrir la vie tourmentée d’un enfant dénaturé par la violence et la misère dans laquelle il a grandi.

Le récit retrace les événements survenus au cours des huit années de son périple d’assassin, en suivant ses actions insensées sans chercher à les expliquer ou à les justifier. Alternant entre l’enquête menée par le journaliste Enrique Vaccari et les déambulations de Cayetano, les auteurs nous plongent dans le cœur des bas quartiers d’une capitale qui case et abandonne ses immigrés dans des conditions de vie déshumanisantes.

"Cayetano" : l'histoire du premier sérial killer argentin aux Editions iLatina
Cayetano. Ed. iLatina

Afin de nous illustrer cette vie définie par les coups d’un père alcoolique, une faim dévorante dans l’appartement minuscule rempli de frères et de sœurs, l’esthétique du roman utilise souvent les codes expressifs du manga réaliste (rendant parfois hommage au maestro Junji Itō), à travers un trait fin et des angles aigus, transmettant la tension psychologique qui traverse les personnages et leurs interactions, tout en usant de la composition traditionnelle du gaufrier.

Par moments, les visages deviennent totalement sombres et nous empêchent de comprendre les émotions qui les dominent, notamment quand les pulsions destructrices de Cayetano l’envahissent. Mais dans une bonne mesure, les compositions adoptent la sérialisation d’un motif ou d’une scène tout au long de la planche, afin de mettre en valeur le poids du temps écoulé ou des actions narrées.

Cayetano. Ed. iLatina

Ce choix, bien que très expressif, est fréquemment réutilisé, avec un effet nuisant sur le rythme de la narration qui, de temps en temps, semble perdre le fil de sa propre réflexion et nous offre des scènes difficiles à cerner, voire gratuites. Là où les auteurs voulaient éviter une vision manichéenne de leur personnage principal, ils se privent de l’opportunité de développer les caractéristiques secondaires qui le définissaient ou l’univers des personnages qui l’entouraient, comme le journaliste suivant ses traces qui devient finalement une sorte de héros tragique dévoré par son enquête.

Malgré cela, ils parviennent à reconstruire le contexte historique avec finesse en mettant l’accent sur le contraste entre l’univers miséreux des immigrés italiens et celui des bourgeois du centre-ville, indifférents et avides de faits divers afin de pimenter leurs imaginations assoupies.

Cayetano. Ed. iLatina

Ce récit sur la brutalité humaine et l’aliénation des plus démunis permettra aux lecteurs de découvrir un monde à la fois distant temporellement, mais proche par la réalité sociale qu’il décrit : celle des conventillos et de tous les quartiers des laissés-pour-compte, qui ne sont jamais loin d’engendrer aujourd’hui de nouveaux Cayetanos, ces créatures au cœur aussi froid que la ville dont ils sont issus…

Cayetano. Ed. iLatina

(par Jorge Sanchez)

Cet article reste la propriété de son auteur et ne peut être reproduit sans son autorisation.

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Code EAN : 9782491042233

Cayetano - Par Luciano Saracino et Nicolas Brondo. Éditions iLatina. Traduction Thomas Dassance. 104 pages - 12€.

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