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Cédric, l’air de rien…

Par Didier Pasamonik (L’Agence BD) le 2 mars 2010                      Lien  
Un 24ème tome des aventures de Cédric blase plus d’un amateur de bande dessinée, ceux qui fréquentent quotidiennement ce site et qui vont évaluer l’état de la création chaque semaine chez leur libraire spécialisé de bande dessinée. Pourtant…
Cédric, l'air de rien…
Cédric, T 24. Au top des ventes...
Ed. Dupuis

Grâce à sa présence à la télévision, le public de Cédric n’est pas dans les officines spécialisées, même s’il y fait des scores honorables, mais dans les grandes surfaces, là où vont se nicher les grandes séries commerciales. Les voisins de linéaire de Cédric sont Astérix, Tintin, Titeuf, Le Petit Spirou, Kid Paddle, Les Tuniques bleues ou Lanfeust, des multimillionnaires en albums vendus. Évidemment, quelques esprits forts vous diront qu’il n’est pas là l’avenir de la bande dessinée, que ce type de personnage « marketté » ne saurait en aucun cas représenter une quelconque valeur artistique. Éternel clivage entre une bande dessinée « tout public » et une bande dessinée « d’auteur ». Et de pointer le fait que « cela ne se vend plus comme avant » avec le même aplomb que ceux qui disent que la BD d’auteur « ne s’est jamais vendue ». Débats d’ignares.

Il faut en être conscient : il y a une forme de propagande qui valorise le « geste » artistique par rapport à un travail d’artisan régulier comme un métronome au point d’être suspect de « fonctionnarisation », d’une lisibilité sans faille quitte à paraître simplet, et dont la comédie humaine se veut compréhensible, même si elle ne manque pas de subtilité si l’on veut bien se donner la peine d’y regarder de près. Une propagande à laquelle une certaine critique et, il faut le souligner, une logique de palmarès des prix à Angoulême qui continue à mépriser la bande dessinée pour la jeunesse, souscrit à pleines mains.

Depuis qu’Aristote s’est employé à créer des catégories, la pensée contemporaine est bien obligée d’en accepter le principe : Cédric ne figure pas du même genre que la plupart des bandes dessinées qui font l’affiche de ce site. La famille naturelle d’une série comme Cédric est à situer du côté de Garfield ou de Boule & Bill, des best-sellers pour enfants.

Cédric à la pointe de la modernité. Sur l’écran, la Wii. Au mur, une estampe de François Avril...
(c) Laudec, Cauvin, Dupuis

Cédric est une œuvre sur la maturité. Cauvin (car le grand-père, c’est bien lui, jusqu’au physique) se projette dans une cellule familiale où les âges de la vie sont montrés avec leurs problématiques propres : l’enfant et son entourage découvrant les premiers rudiments de l’amitié et de l’amour, avec ses couples impossibles (celui de Cédric pour Chen vaut bien celui de Lucy van Pelt, des Peanuts, pour le pianiste Schroeder), des parents dans « la vie active », et « l’ancêtre » retraité que la famille garde chez elle tant qu’il n’est pas gâteux et parce que c’est moins cher que la maison de retraite. Dans cette comédie, tout le jeu réside dans les dialogues et les situations. Cela relève de l’ascèce musicale, nous sommes dans d’infinies variations, celles-là mêmes qui poussait Umberto Eco à faire correspondre Les Peanuts à du Bach.

La différence avec Les Peanuts, c’est que la série ne s’adresse pas à première vue à un public adulte. Il se met à hauteur de l’enfant. Mais le véritable amateur de BD qui n’est pas dans la confusion des genres, peut s’arrêter parfois sur ce travail, déceler çà et là dans les décors de Laudec la citation d’un dessin de François Avril publié chez Champaka ou une désopilante allusion à la politique française (en particulier dans les unes des quotidiens lus par le grand-père), histoire de montrer que si les auteurs s’acquittent de la tâche de faire aimer la bande dessinée à nos petites têtes blondes, ils ne sont pas dupes.

(par Didier Pasamonik (L’Agence BD))

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2 Messages :
  • Cédric, l’air de rien…
    2 mars 2010 14:58

    Pourquoi pensez-vous cher Didier que les auteurs qui s’adressent (en priorité mais pas que ) aux enfants pourraient être dupes. Je comprends bien votre envie de démonter ces clivages un peu idiots mais malgré tout je me demande si vous ne prenez pas pour un fait étrange , une volonté personnelle, d’oeuvrer pour la jeunesse. Comme si l’état naturel d’un auteur est de ne pas se préoccuper de cette frange , immense frange , du public.

    C’est pourtant inscrit dans les gênes de la bande dessinée, en tout cas celle de ce côté de l’Atlantique. Même si la bande dessinée des prémices était dans plusieurs pays fille un peu bâtarde du dessin satirique et de l’illustration, dès qu’elle s’est déclarée comme telle, c’est uniquement aux enfants qu’elle s’est adressée. Bécassine, Zig et Puce et Tintin pour faire court.
    Pendant 60 ans, elle s’est mâtinée d’une double vocation, celle de toucher selon le génial slogan " les lecteurs de 7 à 77 ans" mais qui dans les faits était purement et clairement un "produit" pour les enfants. Quels que soient le niveau et la qualité artistique, avec ses maîtres et ses honnêtes artistes, ces bandes dessinées ont toujours eu comme cible première nos chers petits.

    La fameuse loi de protection de la jeunesse(1949) ayant sévi longtemps , les créateurs ont donc suivi les règles fondamentales et ont engendré d’ailleurs sous cette coupe des dizaines, des centaines de chefs-d’œuvre.

    Dupuis, Lombard , Casterman les 3 grosses maisons historiques et ...belges et puis Dargaud , jeune et française n’ont rien fait d’autre pendant des décennies que s’adresser aux mômes. C’est d’ailleurs chez les Français que les choses ont évolué vers autre chose.

    Et ce n’est qu’à l’orée des années 70 que petit à petit se sont échafaudés d’autres plans , que des auteurs( Crumb et Moebius pour faire court) se sont senti pousser des idées qui d’un coup ne concernaient plus les enfants. Ils ont été des milliers d’auteurs, tous genres confondus à parler autrement, laissant tomber l’éventuel deuxième degré indispensable, se consacrant uniquement à parler à leurs semblables.

    Et aujourd’hui, quand on chronique un Cédric , on imagine que les auteurs ont opéré un choix délibéré, qu’ils ont choisi cette option particulière alors qu’ils sont les héritiers naturels de Goscinny ou autre Greg.
    On devrait plutôt imaginer que ce sont ceux qui , là aussi tous genres confondus, ont travaillé sans trop penser aux enfants ( en vérité sans penser à l’âge de leur lectorat) qui ont provoqué une espèce de schisme. Bon, ok, schisme est un bien grand mot. Nous dirons peut-être contre-courant. De plus les années 80, 90 ont fondamentalement modifié le paysage culturel et des immenses auteurs font la une . Il est très intéressant de reprendre la liste des 10 derniers grands prix d’Angoulême et de les comparer d’ailleurs avec la liste des 10 premiers . Même si ces distinctions honorifiques sont un peu décalées par rapport au public en général, elles représentent clairement une tendance. Ce qui fera penser que les auteurs pour la jeunesse, ou je me répète accessibles AUSSI aux enfants , sont dans la marge.

    On est piégés par les mots. On n’arrête pas de lire que la bande dessinée est devenue adulte et par conséquent , elle ne s’adresserait plus qu’aux adultes. Alors que cette dénomination est une vision culturelle. Une bande dessinée est bien là, importante, majeure et les enfants n’y entendent rien, pas assez de références, pas la culture nécessaire, Tardi, Blutch, Larcenet...beaucoup de genres se côtoient aujourd’hui et le métissage est devenu encore plus troublant. Lou ou Kid Paddle c’est pour les enfants d’abord OK mais les adultes y trouvent aussi leur plaisir. Titeuf idem . La grande tradition de la bd d’humour (avec ou sans gros nez) c’est Hergé et Franquin qui essaiment encore et toujours. Et toutes les bandes dessinées de Van Hamme , excepté ses one-shots justement, c’est clairement aussi des histoires qui sont l’héritage de Greg ou Charlier dites-moi si je me trompe.

    Les variations de Bach comparées aux Peanuts est un parfait exemple. Cédric là aussi ne fait que perpétuer la tradition fondamentale de ce genre littéraire qu’est la bande dessinée. Il s’agit TRES souvent d’une multitude de digressions, infinies possibilités. Toutes les séries à gags ne sont que cela. De Calvin&Hobbes à Gaston Lagaffe en passant par Mafalda ou Boule&Bill, c’est un canevas et un nombre limité de décors et de personnages. Pour les séries d"aventures et celles d’aventures humoristiques, pareil. Il s’agit là encore et toujours, contrairement aux romanciers qui écrivent (pas tous) des oeuvres indépendantes l’une de l’autre, de titres qui s’inscrivent dans le principe de série. Combien de Lucky Luke, de Blueberry, de Thorgal ? Là aussi, Umberto Eco pouvait ramener sa formule.

    Cédric avec son tome 24 n’a rien d’exceptionnel surtout si on pense aux 300 albums de Bob& Bobette ou aux 70 Ric Hochet. Donc ce que je voulais dire avant de m’embarquer dans ma longue dissertation à la c... c’est que la bande dessinée pour enfants est souvent plus adulte qu’elle en a l’air et que la bande dessinée pour adultes sous des dehors matures peut être complètement infantile. Ce n’est pas le fond qui doit être mis en cause mais la forme.

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    • Répondu le 8 mars 2010 à  16:07 :

      La bd n’est pas un genre littéraire,la bd c’est de la bd !
      Tant que ce ne sera pas admis qu’elle soit infantile ou adulte elle ne sera pas un art.
      Vouloir pour lui donner des lettres de noblesse et la légitimer la rapprocher de la littérature et de la peinture est stupide et complètement faux,et ça cache mal l’idée de racolage commercial que ça souttend.La bd est ce qu’elle est n’en déplaise à ceux qui ont honte d’en lire et sont rassurés par des discourts cultureux branchés à deux balles.Remarquez comment pour beaucoup(critiques ,jurys voire auteurs)moins elle ressemble à de la bd mieux elle est,c’est quand même bizarre.Arrêtons ces rapprochements qui sont plus des justifications qu’autre chose. Dit on du cinéma qu’il est de la photo qui bouge ,de la peinture qu’elle est du dessin en couleur ?
      tout ça ne rend pas service à la bd puisque ça sous entend qu’elle n’est qu’un ersatz d’autres choses plus glorieuses ce qui n’est pas le cas vu qu’elle vaut bien les autres arts.
      Alors il faut l’affirmer haut et fort" OUI LA BD EST UN ART MAJEUR QUI SE SUFFIT A LUI MEME N’EN DEPLAISE A CEUX QUI NE SAVENT PAS LA LIRE !!"

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