La crinière rousse et une puissance sans pareille : celui qu’on nomme "Iwatora", de son vrai nom Matsukaze, est considéré comme le plus puissant centaure des montagnes. Pourtant le voilà capturé à son tour, permettant cependant à son fils d’échapper à leurs poursuivants.
Entrainé chez un seigneur local qui compte en faire le cheval de guerre idéal, il fomente déjà son évasion. Et pour cela il lui faut l’aide de Kohibari, jeune centaure à la rapidité stupéfiante mais dépourvu de bras - le mythe du centaure archer se trouve là durement malmené ! Car les hommes ont déjà repoussé loin les limites de l’abjection en mutilant les centaures qui refusent de se soumettre et se rebellent durant leur dressage.
Le manga de Ryo Sumiyoshi revisite habilement le mythe du centaure, creusant son statut d’hybride homme/animal. C’est sur cette dualité que les antagonistes humains fondent la cruauté des traitements qu’ils infligent à des créatures qu’ils considèrent comme des bêtes ; et que le lecteur développe son empathie pour des êtres doués de raison et de parole, faisant montre de sentiments et témoignant d’une véritable humanité, justement. On pourrait donc aisément faire une lecture sociale et morale de Centaures, puisqu’il y est question d’injustice, d’intolérance et d’exploitation.
Mais pour didactique qu’il puisse paraître, le titre tente de donner de la gravité à ses héros et à ses situations en les colorant de manière suffisamment rude pour que le lectorat visé, malgré un fond de fantasy a priori léger, soit clairement mature. Centaures est bien un seinen, et, même s’il se permet des échanges comiques joliment ménagés entre ses deux personnages principaux, cela se voit rapidement. L’épisode sordide de l’exploitation sexuel de Kohibari par son futur acheteur le démontre pleinement.
Cela a cependant pour conséquence de rendre très schématiques les antagonistes et comme automatiques les péripéties. Peu de nuances, un récit assez linéaire et des enjeux qui nous semblent manquer d’ampleur pour cette première partie du manga, qui forme un tout en deux volumes. Reste un appel à la mythologie séduisant et un trouble laissé par cette peinture de l’abjection humaine.
(par Aurélien Pigeat)
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