"Pourquoi, partout, ce repli nostalgique sur des passés au fond insignifiants ? Parce qu’il y a apparemment si peu d’avenir - dans l’aujourd’hui ?"
En exergue, cette citation de Paul Nizon, sonne le glas d’un présent insatisfaisant. Matthieu Berthod ouvre ainsi son prologue sur la déception partagée de son compatriote et poursuit son lugubre augure, déplorant la détérioration d’un monde dans lequel il ne se retrouve plus vraiment.
Sur les versants du Valais, dans les gares, dans les rues, à Sierre, à Lötschental, Martigny ou encore Sion, à travers février, mai, août, novembre, l’auteur suisse traîne son spleen limaçant à l’occasion d’un retour aux sources quelque peu déprimant.
Après trente ans d’exil, le narrateur revient dans son canton natal pour des raisons professionnelles. Il y revit le carnaval de Lötschental, encore emmitouflé de vieilles traditions païennes dictant la mise à mort de l’hiver. Il y revoit ces montagnes qui ont bercé son enfance et puis Macha, punkette levée dans un bar quinze ans plus tôt, malade maintenant mais dotée d’une force de caractère qui ne manque pas de piquant...
... Pas assez cependant pour tirer le lecteur de la léthargie où l’ont plongé les considérations lénifiantes du narrateur sur l’impermanence de son environnement. Convoquant Oscar Kokoshka, Reiner Maria Rilke ou encore Randy Crawford, Matthieu Berthod peine à passionner. Sa litanie mélancolique sur les neiges d’antan reste lettre morne faute de liant et de rebond intéressant. La narration se glisse difficilement entre les cases. Terriblement contemplative, la bande dessinée s’enfonce dans une apposition de textes longs et d’images figées, sans que n’opère ce qui fait pourtant le sel de ce médium, la magie de l’ellipse.
Le Prologue détonne tout de même.
Petite perle de poésie grise, le début de l’album de Matthieu Berthod touche par sa nostalgie épurée, restée en suspens quelques pages avant de devenir un bloc plus pesant. Les dessins, eux aussi, sont esthétiquement époustouflants. Amalgame de feutre fin relâché, de crayonné brut et de couleur à l’ordinateur, chaque case chante le talent de l’auteur, tant dans la représentation de paysages infinis que dans des compositions plus abstraites. Là réside la beauté qui est restée, à la lisière de ces somptueuses cartes postales, baignées intelligemment de blancs équilibrés par les divers tons qui rythment les saisons.
Par ici la sortie pour ceux qui souhaiteraient en voir plus de l’artiste.
(par Sarah COLE)
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