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Chaiko : « J’ai envie que mes lecteurs se sentent comme dans un film »

Par Xavier Mouton-Dubosc Thomas Berthelon le 4 mars 2008                      Lien  
Avec {Love, Fragments Shanghai} (éditions Xiao Pan), le dessinateur chinois Chaiko nous livre un album à l'histoire basique mais très impressionnant graphiquement. Rencontre avec ce passionné de cinéma.

Dans la nouvelle haute-société de la Chine, celle des chefs d’entreprises et des cadres de multinationales, Lily est une femme qui a réussi. Financièrement, car pour ce qui est de sa vie amoureuse, c’est autre chose. Elle va croiser Wen, une jeune top-model qui est en plein déboires amoureux avec Jian. C’est dans cet univers à l’abri du besoin, où l’esthétisme et le raffinement sont parfaitement accessibles pour des portefeuilles d’exceptions que les cœurs se fendent, faute de ne pouvoir réellement avoir d’attache. Ils sont jeunes, ils sont riches, et ils ne sont pas heureux. Des destins dignes de sitcoms, mais avec un cadrage cinématographique loin de la production effrénée de la télévision. C’est surtout par l’image qu’il construit que l’on remarque l’œuvre de Chaiko : aplats de couleurs et illustrations dignes de magazine de mode. Un dessinateur nouveau venu dans la bd, mais qui a un sérieux background dans l’animation. Et ça se sent dans le découpage des planches, la mise en scène très épurée, et les couleurs très saturées. La partie artbook du livre confirme ce qu’on savait déjà : Chaiko aime vraiment les femmes pour les dessiner aussi bien.

Quel a été votre parcours ?

J’ai étudié l’illustration et la peinture classique chinoise, les paysages à la peinture à l’encre. J’ai aussi un studio d’animation qui produit des courts-métrages.

C’était pour de la sous-traitance ou des œuvres originales ?

Pour la BD, il s’agit d’un travail personnel. Pour l’animation, c’est un travail de studio, il y a en effet parfois de la sous-traitance.

Love, Fragments Shanghai est une BD réalisée pour le marché international ou également publiée en Chine ?

Non, elle n’a pas été destinée au marché chinois. Ce n’est pas du tout le public.

Avez-vous créé cette BD directement pour être publié en album ou comptiez-vous le prépublier dans un magazine, féminin par exemple ?

Au départ, l’objectif était de sortir un album, même si ça a été très rapidement prépublié. Au bout d’un moment, j’ai arrêté de travailler sur cet album pour partir sur autre chose, et la publication en magazine a été stoppée. Par la suite, je me suis dit : "Autant achever le livre".

Il s’agissait de magazines pour quel pays et pour quel public ?

Ce sont des magazines uniquement destinés au marché chinois, il n’y a aucun débouché à l’étranger pour ce type de BD. Le public de ces magazines est assez adulte, et ces revues sont très peu nombreuses, donc les opportunités d’exporter ce type d’histoires sont très réduites.

Votre BD est une succession de cadrages cinéma au ratio 16/9ème. Pensiez-vous réaliser cette histoire en animation au départ ?

Dans un premier temps, j’ai travaillé sur ce livre jusqu’à la moitié, j’en ai déjà tiré un dessin animé. J’ai toujours envisagé ce projet comme un script, un storyboard pour l’adapter ensuite en animation. Je suis tout simplement passionné de cinéma et c’est vrai que j’aime bien créer des cases ressemblant à des plans caméra. J’avais envie que le lecteur se sente comme dans un film.

Chaiko : « J'ai envie que mes lecteurs se sentent comme dans un film »
Love, fragments Shanghai
© Chaiko/Xiao Pan

En effet, vous surcadrez vos cases. Votre style graphique est très lumineux, propre, classieux. Quelles sont vos références picturales ?

Mes principales influences viennent du cinéma d’animation, plus que des films en prise de vue réelle. J’ai notamment été énormément influencé par les productions des studios Ghibli, plus ou moins connues, qui parlent des de la vie courante, ainsi que beaucoup d’autres productions japonaises. Pour mes influences BD, il s’agit surtout d’auteurs qui parlent du quotidien et de la vie des gens, pas du tout de genre fantastique, comme par exemple Mitsuru Adachi, l’auteur de Touch.

Pour nous, Européens, l’histoire peut sembler banale, car elle a plusieurs fois été traitée en BD. En Chine, est-ce une nouveauté pour les lecteurs, comment l’ont-ils perçue ?

En Chine, on retrouve beaucoup ce type d’histoire en romans, mais très peu en BD. J’ai eu un retour des lecteurs grâce à internet, car ma BD y a également été publiée. Ils ont été agréablement surpris, justement par le choix de ce thème plutôt inhabituel pour une BD.

Nous avons l’impression que cette histoire, la plus universelle possible, a surtout servi de prétexte pour dessiner des ambiances très chics et assez érotiques.

Je n’ai pas écrit cette histoire en réfléchissant énormément à l’orientation qu’elle allait prendre, aux possibles rebondissements, mais surtout pour parler de la façon dont les auteurs posent leurs ressentiments par écrit. Je raconte effectivement des histoires complètement banales, mais pour parler de ce besoin d’écrire parfois certaines choses. Je n’ai pas écrit cette histoire pour qu’elle prenne des orientations précises. Par exemple, je remarque une jolie fille, et pour m’en souvenir, je la dessine.

(par Xavier Mouton-Dubosc)

(par Thomas Berthelon)

Cet article reste la propriété de son auteur et ne peut être reproduit sans son autorisation.

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Code EAN :

Propos recueillis à Angoulême en janvier 2008. Remerciements à Yann Kerhuel pour la traduction.

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Cette interview a été diffusée dans l’émission Supplément week-end du samedi 23 février 2008

En médaillon : Chaiko. Photo © Thomas Berthelon

 
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