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Charlie Hebdo - Le paradoxe de l’émotion

Par Didier Pasamonik (L’Agence BD) le 12 janvier 2015                      Lien  
On ne peut que se féliciter de la marée humaine qui a rendu hommage à Charlie Hebdo hier, mais cela ne s'est pas fait sans fausses notes, à l'encontre de l'esprit de Charlie Hebdo.
Charlie Hebdo - Le paradoxe de l'émotion
Luz se montre circonspect face à certains hommages

"À la différence des anglo-saxons ou de Plantu, dit Luz dans Les Inrocks disponible en kiosque le 14 janvier prochain, Charlie se bat contre le symbolisme. Les colombes de la paix et autres métaphores du monde en guerre, ce n’est pas notre truc."

De fait, on a vu fleurir des drapeaux français et d’autres, chanter des Marseillaises, alors que Charlie Hebdo est tout sauf cocardier : Cabu avait connu la Guerre d’Algérie, deux années qu’on a lui avait volées, pensait-il .

On a, à juste titre, rendu hommage aux policiers, alors que les anars de Charlie étaient, comme Georges Brassens, rétifs à la répression policière.

On a vu plusieurs dessins, dont celui de Zep, montrer les dessinateurs de Charlie avec des auréoles dialoguant avec Dieu le père, vu des gens poser des cierges comme dans des églises, alors que nos artistes étaient probablement athées et violemment anticléricaux.

Et ne parlons pas de la bouffonnerie politique avec force écharpes tricolores avide de récupération, ces chefs d’état dont quelques dictateurs venus rendre hommage à un journal libre, jusque dans les absences : le roi du Maroc se faisant excuser car il risquait de rencontrer dans la manifestation des représentations offensantes du prophète...

Des drapeaux français pour rendre hommage à Charlie Hebdo. Paradoxal...

Tout cela est à mille lieues de l’esprit de Charlie Hebdo mais un hommage devait être rendu car l’enjeu va bien au-delà de la feuille satirique : nous avons eu aussi à rendre hommage à des victimes innocentes tuées simplement parce qu’elles faisaient leurs courses dans un magasin cacher, à des policiers qui défendaient les citoyens et eux-mêmes citoyens, des employés qui avait eu la malchance de croiser les assassins...

Pour eux, il ne s’agit pas de défendre un "esprit Charlie", mais simplement d’affirmer la réunion de tout un peuple face à une menace qui va au-delà de la défense d’idées et de principes mais qui s’attaque à nos valeurs-même et à notre identité.

Ce sont là les ambigüités de la manifestation d’hier qui sont celles de la démocratie : contradictions, indécisions, lâchetés coupables... Nous devons vivre avec, car la Liberté, l’Égalité et la Fraternité doivent être évaluées à chaque instant. L’Humanité est à ce prix.

(par Didier Pasamonik (L’Agence BD))

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14 Messages :
  • Charlie Hebdo - Le paradoxe de l’émotion
    12 janvier 2015 09:16, par Samuel

    Petite correction : l’interview de Luz a été publiée sur le site des "Inrockuptibles", mais le magazine sort le mercredi et le prochain numéro sera donc en kiosques le 14 janvier.

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    • Répondu par Didier Pasamonik (L’Agence BD) le 12 janvier 2015 à  09:39 :

      Effectivement. Nous avons corrigé l’article en ce sens. Merci.

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  • Trahison !
    12 janvier 2015 11:18

    Indépendamment de la réaction saine d’un peuple contre le terrorisme, on entend tout et n’importe quoi depuis l’attentat du 7 janvier. Et bien souvent, ce qu’on entend et ce qu’on voit est une trahison de « Charlie hebdo ».

    - C’est une trahison de dire « Je suis Charlie » alors qu’on n’a jamais lu « Charlie hebdo ». Ce qui était le cas de 99 % des manifestants de dimanche. « Charlie hebdo » vendait 30 000 exemplaires (alors qu’il lui en fallait 5 000 de plus pour être financièrement viable) : le journal était en passe de déposer le bilan. L’immense majorité de ceux qui proclament « Je suis Charlie » n’ont qu’une vague connaissance de l’idéologie que véhicule ce journal.

    - C’est une trahison de dire que les auteurs de « Charlie » étaient « gentils » et « inoffensifs ». On ne fait pas de la caricature en étant « gentil ». Les fondateurs de « Hara kiri », ancêtre de « Charlie », se disaient « bêtes et méchants ». Les auteurs de « Charlie » n’étaient pas « inoffensifs » : le crayon est une arme et peur faire des dégâts. En septembre 2012, en publiant des caricatures de Mahomet, « Charlie hebdo » a vendu 400 000 exemplaires mais a surtout obligé Laurent Fabius, ministre des affaires Etrangères à renforcer la sécurité de nos ambassades et à avertir les expatriés des « dangers potentiels », tandis qu’Alain Juppé jugeait « irresponsables » la conduite de « Charlie hebdo » et que le ministre des Affaires Etrangères allemand expliquait que « la liberté d’opinion ne signifie pas le droit d’insulter ceux qui ont une autre religion et de troubler ainsi sciemment la paix publique ». Non, les auteurs de « Charlie hebdo » n’étaient pas inoffensifs : « Un dessin est un fusil à un coup » disait Cabu.

    - C’est une trahison de chanter la Marseillaise, d’agiter des drapeaux français et d’applaudir les policiers alors que les auteurs de « Charlie hebdo » détestaient le patriotisme et les flics.

    - C’est une trahison de faire sonner les cloches de Notre-Dame en l’honneur des auteurs de « Charlie » alors que ceux-ci haïssaient la religion catholique autant qu’ils haïssaient l’Islam.

    - C’est une trahison de parler à propos de « Charlie » de fraternité entre les peuples, de « vivre-ensemble », de tolérance alors que ce journal était souvent accusé de racisme... Notamment par Olivier Cyran, qui a travaillé dans ce journal de 1992 à 2001 et qui écrivait à Charb et sa bande dans une chronique publiée le 5 décembre 2013 sur le site « Article 11 » : « l’islamophobie est votre marronnier, votre ligne de front… Vous occupez un segment non négligeable de l’opinion islamophobe décomplexée de gauche. »

    - C’est une trahison, de la part de la nouvelle direction de « Charlie hebdo », que d’accepter une subvention de l’Etat. La ministre de la Culture a en effet annoncé jeudi 8 qu’elle comptait débloquer un million d’euros pour « Charlie hebdo ». C’est illégal, mais ce n’est pas grave : nos politiques ont l’habitude de faire des lois de circonstance dans l’émotion du moment et on va « changer les textes ». L’Etat qui subventionne un journal satirique, c’est une aberration : le professeur Choron et le général de Gaulle se retournent dans leurs tombes !

    Trahison, donc, confirmée par Luz sur le site des « Inrocks » : il y explique que le soutien dont bénéficient « Charlie hebdo » aujourd’hui va à « contre-sens de ce que sont les dessins de « Charlie »... On parle de la mémoire de Charb, Tignous, Cabu, Honoré et Wolinski : ils auraient conchié ce genre d’attitude. » Une déclaration à laquelle ont peut joindre celle de Willem dans « Wolkskrant » : « Nous vomissons sur tous ces gens qui, subitement, disent être nos amis. »

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    • Répondu par BERTHY Je suis Charlie le 12 janvier 2015 à  13:58 :

      C’est une trahison de dire « Je suis Charlie » alors qu’on n’a jamais lu « Charlie hebdo ».
      Pas d’accord..C’est nul...On peut tout à fait être ou se sentir Charlie sans pour autant lire Charlie Hebdo.Et puis d’abord,que signifie pour vous le slogan "JE SUIS CHARLIE" ? Je serais curieux de connaitre votre réponse !!
      Je ne suis pas moi-même dans le cas que vous évoquez puisqu’ayant eu Charlie entre les mains durant toute ma prime jeunesse.Mais un peu d’empathie pour tous ces gens rassembés hier afin de simplement faire entendre leur dégoût du terrorisme,leur opposition bien encrée aux attaques contre la liberté d’expression,contre toutes libertés,contre toutes les violences qui jalonnent notre quotidien.Ce slogan ne prétend pas réunir les adorateurs de Charlie Hebdo,sinon nous n’aurions été que quelques centaines en effet.Je pense qu’il faut entendre que tous ceux qui ont été touchés par ces drames se sont permis de s’appeler Charlie quelques instants,afin de se solidariser avec ce journal,avec les familles de TOUTES les victimes.Pas seulement celles de C.Hebdo..Il y en avait même qui non seulement ne lisaient pas Charlie Hebdo, mais n’aimaient pas Charlie Hebdo...Est-ce une raison pour se singulariser lors d’une pacifique mais ferme manifestation contre la connerie humaine ?? Je suis Charlie veut dire JE SUIS CONCERNE et pas JE LIS CHARLIE-TOUTES-LES-S’MAINES..Et les concernés,ils étaient des millions hier..
      Hormis toute considération politique ou pseudo-intellectuelle,c’était bon ne trouvez-vous pas ??
      Pour les lendemains,nous verrons bien s’ils chantent mais seul l’espoir fait survivre..
      Merci de votre attention

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    • Répondu par mmarvinbear le 12 janvier 2015 à  14:14 :

      La manifestation d’hier a t-elle été une trahison de l’ esprit CH ?

      Oui et non. Certes, les symboles arborés étaient honnis des auteurs assassinés, mais je pense que la levée en masse du Peuple contre le Terrorisme et la Censure leur aurait plu.

      Ils auraient en tout cas gouté à l’ironie cruelle de la situation. Ce qui était bien dans leur mode de pensée.

      Si en effet la quasi-totalité des participants n’ont jamais ou peu peu lu le journal, il faut plus voir le cri de " Je suis Charlie !" comme une affirmation de la volonté de rester libre de penser ce qu’ils veulent que d’une affirmation de ses lectures.

      Tout comme son prédécesseur, CH était Bête et méchant. Même si sous l’impulsion de Val, ce canard s’est mieux structuré, s’est mis à faire de l’investigation sérieuse car on ne change pas le monde uniquement à coup de grosses b... au fil des pages.

      Les survivants auront à coeur de continuer. Le journal ne sera plus le même, car il a subi de grosses pertes. mais il va perdurer, évoluer. CH ne renoncera pas à ses positions traditionnelles ( je vois toute l’ironie encore ici...) même si à mon avis ils mettront la pédale douce au sujet des flics.

      Deux d’entre eux sont morts pour eux. C’est quelque chose qui ne s’oublie pas.

      Est-ce aussi se trahir que d’accepter l’aide de l’ Etat honni ?

      Je ne sais pas. Mais je ne le pense pas. Ils s’appartenaient à eux-même déjà et ce sera toujours le cas ensuite. En tout cas, ils doivent se dire aussi que ne pas le faire, c’est prendre le risque de disparaitre, et donc de faire gagner les assassins.

      C’est ce genre de dilemme qui fait comprendre aux gens que le monde n’est pas noir et blanc. Le comprendre, c’est grandir. Et continuer à vivre.

      N’est-ce pas le plus important ?

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    • Répondu le 12 janvier 2015 à  14:37 :

      c’est quand même un flic, Franck qui s’est fait tué en voulant défendre Charb
      Stop !
      C’est malvenu.
      Il y a UN avant et UN après !

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    • Répondu par Firenze le 12 janvier 2015 à  20:01 :

      "C’est une trahison de dire « Je suis Charlie » alors qu’on n’a jamais lu « Charlie hebdo ». "

      N’importe quoi. "Je suis Charlie" en veut pas dire du tout qu’on aime le journal ou qu’on valide les caricatures, ça n’a juste rien à voir ! ça signifie seulement qu’on estime que personne ne doit être assassiné pour avoir dessiné quelque chose (et c’est déjà pas mal, vu que de plus en plus de voix s’expriment qui n’ont pas compris ça). Le présence de détracteurs de CH donnait d’autant plus de poids à ces manifs.

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  • Charlie Hebdo - Le paradoxe de l’émotion
    12 janvier 2015 12:10, par mb

    C’est vrai mais au delà des contradictions,par ex, la présence de très peu respectables chefs d’état présents à la marche ou le chant de la Marseillaise, etc...,à un autre niveau, c’est surtout un message explicite de la France et de ses amis, comme un bloc anti islamiste, aux commanditaires des attentats.cette marche, c’est un doigt d’honneur.Les islamistes suivent cela de près.Ils s’en foutent des contradictions du moment qu’ils ont entendu le message. Hier, à l’émission de Nagui "Je suis Charlie" (rediffusé dans le monde entier via tv5)on a vu des dessins de sexes, des caricatures de Charlie Hebdo, qui peut-être en temps normal ne seraient pas passés à l’antenne, entendu des blagues sur le Prophète, tout cela avec l’aval du gouvernement (gros plans sur Pellerin et les autres qui acquiéscaient). Le message est clairement énoncé à l’attention des islamistes:nous allons continuer et nous foutre de vous encore plus. C’est une drôle de guerre.

    Répondre à ce message

    • Répondu le 12 janvier 2015 à  13:45 :

      Autres pays, autres moeurs...

      Beaucoup de média étrangers, surtout anglo-saxons, ont fait le choix de ne pas publier ou de pixeliser les couvertures les plus polémiques de "Charlie Hebdo" dans leurs articles sur l’attentat. De CNN au "New York Times", en passant par le "Telegraph" et le "New York Daily News", beaucoup ont opté pour un floutage des caricatures de "Charlie Hebdo" , ou ont tout simplement évité de montrer celles qui faisaient référence à la religion.

      Un choix dicté par la volonté de ne pas heurter les consciences. "Nous ne publions habituellement pas d’images intentionnellement créées pour offenser les sensibilités religieuses", a ainsi expliqué le "New York Times". Même justification du côté de l’agence Associated Press, dont "aucune des images distribuées ne montrent de caricatures du prophète Mahomet : "Notre politique est de ne pas diffuser d’images délibérément provocatrices". Un mémo diffusé en interne au sein de CNN invite les journalistes à ne pas montrer les caricatures "considérées comme offensantes par de nombreux musulmans" mais à les "décrire verbalement en détail", afin de "comprendre (...) la tension entre la liberté d’expression et le respect pour les religions"

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    • Répondu par Pierre le 12 janvier 2015 à  14:09 :

      "nous foutre de vous encore plus" ... Vraiment ? Vous croyez cela ?
      Désormais, dès qu’un chroniqueur télé, journaliste ou autre voudra faire une tirade sur la communauté musulmane, Mahomet, les islamistes, il fera prendre le risque à lui et tous ses collègues de voir débarquer 2 types armés de kalachnikov.
      Vous pensez que les groupes médiatiques accepteront un tel risque ?
      Qu’un journaliste prenne ce risque pour lui-même, c’est son affaire, mais quid des "dommages collatéraux" : sa famille, ses collègues, de simples passants ?
      Attendez que le phénomène dégonfle, je pense qu’on aura au contraire une plus grande (auto-)censure.

      Répondre à ce message

      • Répondu par MB le 12 janvier 2015 à  16:06 :

        Attendons le nouveau numéro de Charlie Hebdo qui promet...!
        Et si on pouvait continuer à soutenir Kamel Daoud, le journaliste, écrivain algérien(Meursaut contre-enquête) sous le coup d’une fatwa depuis décembre 2014 ; ce serait bien.

        Répondre à ce message

  • Ne laissons surtout pas le FN exploiter ce drame.

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  • Charlie Hebdo - Le paradoxe de l’émotion
    13 janvier 2015 22:20, par popol

    Je suis d’accord sur la plupart des messages, il y a un coté assez étrange en effet pour un journal qui était au bord de l’arrêt et qui en seulement 6 jours, soit 120 heures, a vu plusieurs des leurs mourir assassiné de manière atroce. De cette horreur, ils sont devenus 7 heures plus tard un symbole avec des manifestations spontanés place de la République et un logo "Je suis Charlie" sorti de nulle part et qui fait le tour du monde en 24 heures... Le lendemain "Libé" les accueille dans leurs locaux, les survivants sont invités comme des stars dans toutes les émissions. Deux jours après on annonce un tirage de 1 million d’exemplaires, deux jours après le tirage est de 3 millions soit plus de deux ans de ventes "normales", le journal touche des aides et des dons pour plus de 1 million d’euros... C’est un truc de folie. rendez vous compte !
    Comment voulez vous qu’ils aient du recul ? La couverture du numéro de demain (assez nulle au demeurant, avouez) a fait l’objet de conférence de presse et a été diffusée dans le Monde entier... Bien sûr "prisonniers" de leur image, ils ont du "refaire" du Mahomet.. Ils suivent le mouvement, plongé dans une tornade alors qu’ils n’y sont pas préparés...
    La seule chose qui m’a fait rire dans tout cela, c’est quand Pelloux s’étreint avec Hollande devant les caméras du monde entier... Et puis le pigeon qui cague sur le Président (jamais de bol celui là)et les membres de Charlie qui se marrent comme des mômes de la bonne blague du pigeon...Ca c’est Charlie !

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    • Répondu par regis le 15 janvier 2015 à  10:23 :

      Bah ! pour Hollande, passe encore mais l’autre, là le NS, complétement ridicule.. Pas besoin de Charlie en plus lui pour faire rire !

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