"À la différence des anglo-saxons ou de Plantu, dit Luz dans Les Inrocks disponible en kiosque le 14 janvier prochain, Charlie se bat contre le symbolisme. Les colombes de la paix et autres métaphores du monde en guerre, ce n’est pas notre truc."
De fait, on a vu fleurir des drapeaux français et d’autres, chanter des Marseillaises, alors que Charlie Hebdo est tout sauf cocardier : Cabu avait connu la Guerre d’Algérie, deux années qu’on a lui avait volées, pensait-il .
On a, à juste titre, rendu hommage aux policiers, alors que les anars de Charlie étaient, comme Georges Brassens, rétifs à la répression policière.
On a vu plusieurs dessins, dont celui de Zep, montrer les dessinateurs de Charlie avec des auréoles dialoguant avec Dieu le père, vu des gens poser des cierges comme dans des églises, alors que nos artistes étaient probablement athées et violemment anticléricaux.
Et ne parlons pas de la bouffonnerie politique avec force écharpes tricolores avide de récupération, ces chefs d’état dont quelques dictateurs venus rendre hommage à un journal libre, jusque dans les absences : le roi du Maroc se faisant excuser car il risquait de rencontrer dans la manifestation des représentations offensantes du prophète...
Tout cela est à mille lieues de l’esprit de Charlie Hebdo mais un hommage devait être rendu car l’enjeu va bien au-delà de la feuille satirique : nous avons eu aussi à rendre hommage à des victimes innocentes tuées simplement parce qu’elles faisaient leurs courses dans un magasin cacher, à des policiers qui défendaient les citoyens et eux-mêmes citoyens, des employés qui avait eu la malchance de croiser les assassins...
Pour eux, il ne s’agit pas de défendre un "esprit Charlie", mais simplement d’affirmer la réunion de tout un peuple face à une menace qui va au-delà de la défense d’idées et de principes mais qui s’attaque à nos valeurs-même et à notre identité.
Ce sont là les ambigüités de la manifestation d’hier qui sont celles de la démocratie : contradictions, indécisions, lâchetés coupables... Nous devons vivre avec, car la Liberté, l’Égalité et la Fraternité doivent être évaluées à chaque instant. L’Humanité est à ce prix.
(par Didier Pasamonik (L’Agence BD))
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