Ce recueil de courtes histoires, réalisées au tournant des années 60-70, illustre le quotidien d’un quartier populaire de Tôkyô dans les années 1940, dans une veine largement autobiographique. C’est toute une géographie urbaine et affective qui nous est décrite, entre bâtisses de bois et ruelles tortueuses, bars et maisons de plaisir, où le temps s’écoule d’abord paisiblement.
On pense un peu au Petit Nicolas en voyant Kiyoshi, ce garçon qui a les soucis dérisoires et terribles d’un enfant. Face à une mère autoritaire, il cherche à ruser, maladroitement, pour passer plus de temps avec ses copains et un peu moins à l’école. Les prostituées sont pour lui des grandes sœurs, même s’il n’a pas toujours les yeux dans sa poche.
Si le dessin au trait tremblé fourmille parfois de détails, il évoque plus qu’il ne décrit, laissant place à l’imagination du lecteur. Les personnages, assez caricaturaux, relèvent un peu du "super déformé". Autre particularité du style de Takita Yû, l’utilisation de bulles graphiques, dans lesquelles un objet symbolise l’état d’esprit du personnage. La signification est parfois évidente (un couteau, une corde de pendu), parfois beaucoup moins (le chat Tama se figurant un corps de shamisen - lire la postface !).
Ces instantanés à la dramaturgie élastique déroutent parfois, mais ils ne sont pas sans charme. Ils nous apportent surtout un regard de l’intérieur sur le peuple japonais et ses tactiques de survie face à des temps troublés.
(par Arnaud Claes (L’Agence BD))
Cet article reste la propriété de son auteur et ne peut être reproduit sans son autorisation.