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Chauzy : "Les écrivains sont plus satisfaits de l’adaptation s’ils y collaborent activement"

Par Nicolas Anspach le 14 octobre 2006                      Lien  
Après avoir travaillé sur des adaptations de romans, Jean-Christophe Chauzy s'offre une récréation, en compagnie de Thierry Jonquet. Ils signent ensemble une uchronie burlesque et amusante. Rencontre avec un auteur aussi discret que sympathique.

Vous avez collaboré avec beaucoup d’écrivains... Pourquoi ?

Ce sont avant tout des rencontres littéraires. Lorsque j’ai commencé à réaliser des bandes dessinées, je m’intéressais surtout au fantastique et à la science-fiction. Je n’avais alors pas un culture développée dans les autres domaines littéraires. Différents amis m’ont fait découvrir le roman noir, et j’ai accroché rapidement ! J’ai été fasciné par les polars américains, puis les français. Si je fais des bandes dessinées, c’est avant tout pour partager mon univers avec d’autres personnes, mais aussi pour profiter de celui des autres. C’est pour cela que je suis si avide de collaborations. J’ai illustré des récits d’auteurs différents : de Thierry Jonquet à Marc Villard, en passant par Denis Lapière ou Matz.

Vous avez directement songé à contacter Thierry Jonquet ?

Oui et non ! Il y avait deux romanciers que je souhaitais adapter en BD : Thierry Jonquet et Manchette. J’ai contacté ce dernier, mais malheureusement, il est décédé peu de temps après...

Chauzy : "Les écrivains sont plus satisfaits de l'adaptation s'ils y collaborent activement"

Pourquoi ne pas l’avoir adapté post mortem ?

Tout simplement parce que j’ai envie de travailler avec d’autres personnes. J’ai un point de vue sur l’adaptation d’un roman en bande dessinée totalement opposé à Jacques Tardi. Je préfère collaborer avec des auteurs vivants car j’ai envie qu’ils participent à leur adaptation. Les écrivains sont d’autant plus satisfaits de l’adaptation s’ils ont été actifs dans le processus de création. Ces expériences m’ont permis d’illustrer des scénarios écrits de manières différentes. Une découverte à chacune des collaborations !

Percevez-vous une différence dans l’écriture de ces auteurs ?

Bien sûr. Vous pouvez déjà la percevoir en lisant leurs livres. Je souhaite d’ailleurs que le lecteur remarque ces différences de style. C’est un sacré challenge ! Par exemple, Marc Villard est un excellent rédacteur et a une écriture reconnaissable facilement. On discerne directement un texte qu’il a écrit, sans le signer, entre cent autres ! Thierry Jonquet est par contre un très bon dialoguiste, mais a beaucoup moins de style...
Il m’est important d’avoir une marge de manœuvre supplémentaire par rapport à l’écriture. Si je ne travaillais qu’avec des scénaristes de BD, j’aurais l’impression de chausser constamment mes pantoufles. Bref, de me laisser aller et d’être enfermé dans une routine. Chacune de mes collaborations avec un écrivain a été une véritable surprise et une remise en question...

Ils n’ont pas forcément une culture visuelle !

Pas sûr. Jonquet a beaucoup écrit pour la télévision. Il connaît et sent donc les exigences visuelles d’un scénario. Il a donc réussi à s’adapter rapidement aux exigences de la bande dessinée.
Marc Villard possède également une culture visuelle. Il est graphiste de formation, et a donc l’œil ! La meilleure preuve : C’est le seul écrivain avec lequel j’ai travaillé qui a été exigeant dès le début de notre collaboration. J’ai dû réaliser un casting des personnages avant de commencer à dessiner la moindre planche. Il avait à cœur de voir ses personnages ... C’était légitime !

Votre nouvel album, « Du Papier faisons Table rase » est-il une adaptation ?

Non ! Pour la première fois, Thierry Jonquet m’a écrit une histoire inédite. Nous avons commencé par adapter ses nouvelles, puis l’un de ses romans, puis une nouvelle radiophonique. On évite à chaque fois la routine car nous nous confrontions à un enjeu et une difficulté différentes.

Qui s’occupe du découpage ?

Lui ! Il réalise un découpage par page, en tenant compte de la pagination globale. Il mentionne pour chacune des cases le descriptif et les récitatifs et dialogues éventuels. A vrai dire, je prends beaucoup de liberté avec les descriptifs et les plans qu’il me propose. Il a une vision télévisuelle de l’image qui ne fonctionne pas forcément en bande dessinée.
Marc Villard, lui, me confiait un déroulé de trois-cents-cinquante cases. Et je m’occupais du alors découpage...

On peut difficilement cantonner « du papier faisons table rase » à un genre. En commençant le récit, on songe à une ucronie, puis cela part en vrille pour devenir totalement loufoque...

Oui. Thierry Jonquet m’avait confié vouloir travailler sur une comédie burlesque. Cela m’a étonné car il n’en a pas écrites beaucoup. Il s’est basé sur son propre vécu pour cette histoire : la sécurité sociale française lui réclame tous les ans un papier attestant de sa bonne santé... Bref, on lui demande chaque année s’il est vivant (rires).

Qu’est ce qui vous a plu dans cette idée ?

Mes derniers bouquins étaient plutôt rudes, et racontaient des histoires noires, violentes et sinistres. Lorsqu’il m’a parlé de cette histoire, j’ai été séduit par sa légèreté. Ce fut une sorte de récréation de la dessiner, même si nous traitons des dysfonctionnements de l’administration. Comme nous étions dans le registre du burlesque, je pouvais également assouplir mon trait et explorer graphiquement d’autres voies.

Quels sont vos projets ?

Cette petite récréation que je me suis offerte avec Thierry m’a fait revenir à une de mes vieilles envies. J’ai toujours voulu l’assouvir en parallèle à mon travail, mais malheureusement, je n’y suis pas arrivé. Je vais à nouveau me mettre en scène, comme dans Béton Armé, et je vais parler des thèmes qui me sont chers : l’actualité quotidienne, traitée de manière ironique et douce-amère. Normalement, cela devrait paraître dans Fluide Glacial ! Ce personnage-là, je vais aussi le proposer à d’autres. Zep, Baru et d’autres auteurs que j’adore vont participer à ce livre. Je vais m’impliquer dans certaines histoires. Pour d’autres, les auteurs pourront laisser voguer leurs imaginaires ...

(par Nicolas Anspach)

Cet article reste la propriété de son auteur et ne peut être reproduit sans son autorisation.

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Code EAN :

Illustration (c) Chauzy, Jonquet & Casterman.

Photo (c) Nicolas Anspach - Reproduction interdite, sans autorisation préalable.

 
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