Monstre autant aquatique que romantique, Grue ne résiste jamais à l’appel d’un couple s’embrassant en bord de mer. Soudainement surgi des abysses, sa passion, violente, le conduit toutefois à boulotter les amoureux dont les disparitions commencent à inquiéter les autorités locales.
Mais Grue veut changer, et il compte pour cela sur la mystérieuse inconnue qui jette régulièrement des bouteilles à la mer, flacons remplis de textes shakespeariens. Décidé à la retrouver, Grue entreprend d’explorer les habitations de la côte : l’amour pourra-t-il faire de lui un homme nouveau, enfin débarrassé de cette faim qui le tenaille et le pousse à dévorer les humains qu’il croise ?
Chère Créature constitue l’un de nos coups de cœur de ce début d’année. Jonathan Case y témoigne d’une maîtrise narrative assez bluffante, pleinement appuyée sur les codes de la bande dessinée. Découpage des planches, composition des cases, perspectives ou jeu des contrastes dans l’usage du noir et blanc : tout fait mouche et sens à la fois et confère à l’ouvrage un dynamisme sidérant.
Ton et propos démontrent eux la finesse d’esprit de l’auteur : on oscille entre l’horreur et le burlesque dans un foisonnement jubilatoire et décomplexé - la découverte du visage du héros apparaît à ce titre inénarrable. Les personnages, à commencer par Grue et ses acolytes crabes, s’avèrent superbement campés, notamment par la manière dont Jonathan Case les fait parler. Et l’on ne regrette en fin de compte qu’une chose : les quitter si vite la lecture achevée.
Drôle et intelligent, Chère Créature se trouve en outre complété par deux préfaces elles aussi passionnantes : l’une, classique dans la forme, de Steve Lieber, et l’autre, dessinée, de Craig Thompson lui-même ! Raison de plus d’aller découvrir cet excellent volume.
(par Aurélien Pigeat)
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