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Chester Brown en tournée française pour "Marie pleurait sur les pieds de Jésus"

Par Frédéric HOJLO le 14 novembre 2016                      Lien  
Avec "Vingt-trois prostituées", le dessinateur canadien Chester Brown avait montré qu’il ne s’embarrasse pas de politiquement correct, tant dans sa vie privée que pour sa création. Il le confirme cette année avec "Marie pleurait sur les pieds de Jésus", ouvrage d’interprétation d’extraits bibliques, dans lequel il valorise le commerce du sexe et loue la transgression des préceptes divins.
Chester Brown en tournée française pour "Marie pleurait sur les pieds de Jésus"
© Chester Brown - Cornélius 2016

Marie pleurait sur les pieds de Jésus a été publié par les éditions Cornélius en mai dernier. Mais c’est en ce mois de novembre que Chester Brown, auteur controversé de la bande dessinée alternative canadienne, vient présenter son ouvrage en France. En dédicace à Paris, Bordeaux, Lyon et au festival de Colomiers, le dessinateur aura sans doute l’occasion de débattre avec ses lecteurs.

Car son dernier livre est propice au débat. C’est pour cela qu’il semble avoir été réalisé, mais c’est aussi ce qui lui confère l’essentiel de sa valeur : donner à réfléchir et à discuter sur la Bible, la place que les femmes y trouvent et les interprétations que nous pouvons en faire. Si Chester Brown partage un avis à la fois très personnel et fort documenté, il ne l’impose pas de façon univoque et signale explicitement qu’il demeure ouvert à toute nouvelle idée, tout nouvel apport à l’exégèse biblique.

Nous connaissons depuis quelques années déjà les liens très singuliers que Chester Brown entretient avec la gent féminine. Son livre Vingt-trois prostituées racontait ainsi comment, après avoir été déçu par ses relations amoureuses, il s’était décidé à n’avoir des rapports sexuels que tarifés et presque dénués de sentiments. Mêlant confession candide, défense des "travailleurs du sexe" et auto-justification, ce livre avait engendré quelques polémiques – tout en rassurant sur les qualités narratives et graphiques de son auteur !

© Chester Brown - Cornélius 2016

Cette défense des prostitué(s)s et de leurs client(e)s reste présente dans Marie pleurait, ainsi qu’une forme d’auto-justification. Mais ce n’en est pas le cœur. Chester Brown souhaite sincèrement apporter une pierre à l’immense édifice des commentaires bibliques. S’il le fait en partant de ses sujets de prédilections, le lecteur ne pourra lui en vouloir. D’une part, nous ne relevons aucun systématisme chez l’auteur, qui reste capable d’éloigner des idées non convaincantes et qui pourtant auraient pu renforcer sa propre thèse. D’autre part, il fait preuve d’une réelle honnêteté, en signalant les passages relevant de la pure invention et en citant abondamment ses sources, du Robert Crumb de La Genèse aux biblistes les plus éminents.

Quelle thèse Chester Brown avance-t-il donc ? Pour lui, le rôle de certaines femmes de la Bible aurait été édulcoré, comme censuré, lors de l’écriture des Évangiles. Il met ainsi en avant cinq d’entre elles, qui auraient employé leur corps et la sexualité comme moyens d’actions à part entière – et sans pour autant qu’un quelconque châtiment divin ne vienne les en punir. Nous retrouvons là un thème cher à l’auteur, mais il parvient toutefois à le dépasser – à le transcender en quelque sorte.

© Chester Brown - Cornélius 2016
© Chester Brown - Cornélius 2016
© Chester Brown - Cornélius 2016

Au-delà de la place des femmes dans la Bible, au-delà de son regard sur le travail sexuel, Chester Brown parvient à questionner le rapport au divin. Encadrant sa bande dessinée d’un chapitre sur Abel et Caïn et d’un autre sur la parabole des talents, la complétant avec une mise en images du Livre de Job, il cherche à montrer que l’obéissance aux préceptes divins, si évidente et confortable soit-elle pour un croyant, n’est pas forcément récompensée. L’initiative, l’inconséquence voire la débauche n’empêchent pas l’Amour divin. Le questionnement et la désobéissance sont des chemins vers Dieu.

Cette démarche risque fort de déplaire tant aux religieux fanatiques qu’aux laïcistes rigides. Pourtant, elle est éclairante : elle montre que croyants comme non-croyants ont tout à gagner à questionner le fait religieux. Marie pleurait nous rappelle l’efficacité du dessin de Chester Brown et la précision de son trait. Mais ce livre – qui n’a pas la prétention de détenir la Vérité ni même de conseiller s’il faut croire en Dieu ou non – est surtout un brillant travail de réflexion, qui ne peut que stimuler l’intellect du lecteur.

(par Frédéric HOJLO)

Cet article reste la propriété de son auteur et ne peut être reproduit sans son autorisation.

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Code EAN : 9782360811151

14,4 x 24,6 cm - 280 pages - noir & blanc - parution en mai 2016.

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3 Messages :
  • Quel courage en effet ! Encore un qui ose s’attaquer à la religion et comme par hasard, ce sont toujours les chrétiens qui trinquent. Aurait-il eu le courage de traiter du même thème à travers l’Islam ?

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    • Répondu par Zot ! le 15 novembre 2016 à  15:14 :

      Il a du avoir une éducation catholique stricte, cela a dû le traumatiser !

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      • Répondu par Thomas le 1er avril 2020 à  12:42 :

        Avez vous lu ce livre ?
        il ne remet pas en question l’apport bénéfique des paroles de Jésus , au contraire il les magnifie en expliquant que le premier des commandements est l’amour, devant le strict respect des lois religieuses et autres dogmes, il cherche à démontrer que plusieurs voix sont possibles même s’ils certaines de ses interprétations bibliques ne servent peut être qu à légitimer la prostitution et ses clients. Toutefois comme dit dans l’article , cela prête à débat entre théologiens .
        il montre par ailleurs comme la représentation qu on a aujourd’hui des prostituees reflète celle de certains auteurs de la Bible dont ... Paul.

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