Après une première année scolaire qui a vu la création du club de karuta et la mise en place du groupe initial de ses cinq membres, le manga de Yuki Suetsugu passe un nouveau cap. Les étapes « découverte » et « présentation » de l’univers du jeu des cent poèmes sont consommées. Fort de leurs expériences -ratées- en compétitions et des rencontres avec leurs rivaux, nos héros se trouvent désormais prêts à aller plus loin, plus motivés que jamais, aussi bien en match solo qu’en tournoi par équipe.
Certains changent de méthode, comme Taichi qui abandonne le travail sur le ressenti et la mémorisation pour se concentrer sur l’amélioration de sa vitesse de saisie. Kana de son côté nous dévoile son rêve de devenir récitante de karuta... mais va découvrir que pour cela, elle doit passer rang A ! Un long chemin reste à parcourir pour nos jeunes passionnés [1] !
Cependant la préparation des divers tournois, petits ou grands, ne constitue pas l’unique source d’événements du tome. En effet, qui dit « rentrée scolaire », dit aussi « recrutement pour les clubs », et celui de Karuta ne fait pas exception. Surtout que leur salle bien placée, pour un obscur club de cinq membres, fait des envieux : ainsi il leur faut recruter cinq nouveaux membres pour la conserver ! Un défi lorsqu’on sait que le karuta reste un « jeu » obscur et peu attrayant pour les jeunes d’aujourd’hui !
Yuki Suetsugu continue d’aborder son manga comme un récit sportif, avec un résultat toujours étonnamment convaincant. Son trait fin et précis lui permet de saisir à la fois l’intensité des mouvements et l’état d’esprit de ses personnages. Et une nouvelle fois son héroïne, Chihaya, apparaît comme une boule d’énergie, à l’enthousiasme incontrôlable, voulant tout faire à la fois : s’entraîner mais aussi former des novices !
Pour le moment, seules deux nouvelles recrues ont répondu à l’appel de notre héroïne : un garçon et une fille, aux motivations forts différentes, mais qui sont autant d’occasion d’apporter un regard neuf et critique sur la passion de nos héros, un peu étrange il est vrai, pour un « simple jeu de cartes ».
C’est donc l’occasion d’introduire l’idée de transmission d’une passion et d’une tradition. Une idée relayée par le rappel en début de tome du statut d’autodidacte du Maître et de la Queen, solitaires et ne faisant partie d’aucun club : « celui qui n’a pas eu de professeur ne pourra pas enseigner son art à son tour. » nous dit-on.
Un point de vue qui va opposer d’ailleurs Chihaya et ses compagnons au cours du tome, ces derniers préférant au départ se concentrer sur leur préparation, ne voyant pas l’intérêt de « gaspiller leur temps » à s’occuper de nouveaux. Notre héroïne réussira cependant à leur faire comprendre qu’il est aussi important de vivre sa passion que de la transmettre, pour que continue d’exister après leur passage ce qu’ils ont créé - ici leur club scolaire.
Ainsi il ne s’agit pas simplement d’être fort et de réussir, mais également de partager et d’échanger. Une vision totale d’un art, qui ne cherche pas un achèvement, mais la poursuite éternelle d’un idéal. Typiquement japonais, mêlant élégance, poésie et travail aussi bien mental que physique, le Karuta n’en reste pas moins un sport, avec tout ce qu’il comporte en termes de dépassement et de collectif, et nous avons donc hâte d’être au prochain tome, pour le début du tournoi inter-lycée !
(par Guillaume Boutet)
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Chihayafuru T9. Par Yuki Suetsugu. Traduction Fédoua Lamodière. Pika, Collection "Shôjo". Sortie le 13 août 2014. 192 pages. 7,50 euros.
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[1] Les joueurs de karuta sont classés par rang, allant de E à A. Il existe 4 tournois accessibles uniquement aux joueurs de rang A. Parmi ces 4 tournois les 2 plus prestigieux sont celui pour le titre de Maître (uniquement entre hommes) et celui pour le titre de Queen (uniquement entre femmes) que vise l’héroïne de Chihayafuru). Les deux autres tournois sont mixtes (Meilleur du Japon et Champion National).