Actualité

Cinq vacations thématiques exceptionnelles à la salle de vente Millon (2/2)

Par Charles-Louis Detournay le 8 décembre 2015                      Lien  
Analysons les résultats de deux ventes de ce week-end, avant de détailler trois nouvelles vacations spécifiquement dédiées à Hergé, Gotlib... et à "La Kermesse aux Singes" du rare Willy Vandersteen !

Cinq vacations thématiques exceptionnelles à la salle de vente Millon (2/2)Ce dimanche se sont tenues deux des cinq ventes hivernales que la maison Millon consacre à la bande dessinée. Sans atteindre des records, la vacation 100 Originaux de Bande Dessinée s’est tout de même révélée un succès, notamment avec certaines pièces que nous vous avions détaillées précédemment :

-  Druillet : une des planches finales de La Nuit estimée à 10-12.000 € s’est vendue à plus de vingt-et-un mille euros.

-  Hermann : la formidable réalisation de l’enfer de la mangrove pour Bernard Prince estimée à 12-15.000 € s’est envolée à plus de trente-trois mille euros.

- Jijé : la superbe planche de Jerry Spring estimée à 3500/4000 € a atteint un montant plus en adéquation avec sa réelle valeur artistique et historique : 13.843 €

-  JC Mézières et le point d’orgue de Valérian, Brooklyn Station – Terminus Cosmos. Une planche estimée entre 6 et 7.000 €, et adjugée à 14.832 €

Photo : D. Pasamonik (L’Agence BD)
Photo : D. Pasamonik (L’Agence BD)

- Peyo : la page d’annonce du futur récit des Schtroumpfs réalisée par Peyo était sous-évaluée à 3-4000 €. Elle s’est finalement vendue à plus de douze mille.

- La scène de fusillade très cinématographique de Jesuit Joe(Hugo Pratt) s’est vendue à près de quarante mille euros, soit près de quatre fois son estimation.

-  William Vance : la couverture en couleurs directes pour Bob Morane (1975) et la planche de la poursuite dans la neige dans La Nuit du 3 août (XIII) ont toutes les deux également doublé leur estimation, s’adjugeant respectivement pour 18.540 et 16.068 €.

(télécharger tous les résultats de la vente)

Quant à la vente consacrée à Rahan, si le montant total de cent soixante-treize mille euros ne constitue pas un record en soi, plus de 90% des lots ont été adjugés, soit autour de leur valeur d’estimation, soit au-dessus. Notre appréhension de voir la cote possiblement se dégrader avec une trentaine de pièces rassemblées ne s’est donc pas concrétisée, ce qui est de bon augure pour les trois ventes spécialisées de ce dimanche 13 décembre.

Photo : D. Pasamonik (L’Agence BD)

Hergé : une vente pour passionnés

Dès qu’on prononce le nom d’Hergé, on s’attend à ce que des pièces dignes de musée atteignent des montants vertigineux. Cela ne devrait pourtant pas être le cas de cette vente dédiée à L’Univers d’Hergé. On y retrouve beaucoup d’albums, des pixis, des objets liés à la publicité, des correspondances historiques entre l’auteur et son éditeur Raymond Leblanc, ainsi que quelques esquisses et dessins de la main du maître.

Le connaisseur sera ainsi attiré par deux cases du Temple du Soleil, réalisées pour la publication au Journal Tintin, et qui furent mises de côté lors du reformatage en album. Ces deux pièces rares présentant à chaque fois Tintin et le Capitaine Haddock seront certainement les clous de cette vacation ! Il en est de même pour une case des 7 Boules de Cristal qui rassemblent Tintin et les Dupondt, ainsi qu’un Capitaine Haddock tiré du Trésor de Rackham le Rouge, et des Dupondt extrait de Dupond & Dupont détectives.

Une case des "7 Boules de Cristal" du Soir Volé.Plusieurs dessins présentant Tintin valent également le détour, dont Tintin au bouquet réalisé en 1960, ainsi qu’un Tintin en viking, que les experts Huberty & Breyne pensent être le dernier dessin qu’Hergé ait réalisé et dédicacé. Signalons encore un superbe dessin à la gouache de Tintin et Milou, façon L’Île noire. Enfin, les propriétaires d’une grande maison pourvue de grands murs pourront s’arracher le rare lot des neuf plaques émaillées représentant l’alunissage de la fusée.

Dernier clou de cette vente : un des douze exemplaires de la statue de Tintin réalisée par Nat Neujean qui fut inaugurée en 1976 au Parc de Woldendael. Cette statue est signée et comprend son certificat d’authenticité.

Gotlib : un échantillon qualitatif et représentatif

Dans la foulée de la vente consacrée à Rahan, la maison Millon dédie un catalogue complet à l’un des maîtres de l’humour français : Gotlib. Nous avons encore récemment consacré des articles à ce génie du graphisme, de l’encrage, du lettrage qui a repoussé les frontières de l’humour à bien des niveaux. Cette vente nous paraît donc très légitime, surtout qu’elle propose le fameux autoportrait dans le style d’Orange mécanique, celui qui fut justement utilisé en couverture de la dernière exposition itinérante.

Outre cette pièce maîtresse, la vente ne propose "que" une quinzaine de lots, mais quelle qualité ! Une couverture de Gai-Luron, un gag de Pervers Pépère auquel se rajoute la couverture de Fluide Glacial en vitrail, ainsi qu’un très célèbre gag de Rhâ-Gnagna reproduit ci-dessous et qui prouve l’acuité de l’humour de Gotlib.

Gotlib : le gag publié dans "Rhâ-Gnagna"

La particularité de cette vente est également de proposer des récits complets, tout en les maintenant en un lot commun : cette initiative empêche une dispersion au profit du schéma narratif, ce qu’on ne peut que saluer ! On retrouve donc des doubles pages complètes :

- des Dingodossiers et de La Rubrique-à-brac : le premier gag met en image d’autres héros du Journal ou de Goscinny, tels que Astérix, Lucky Luke et Achille Talon, tandis que le second est la fameuse Réunion de rédaction. Ces deux histoires sont donc autant des œuvres artistiques qu’historiques dans le domaine de l’édition. Un troisième gag consacré aux Bricoleurs inclut également Astérix dans sa dernière vignette, tandis qu’un quatrième met en vedette Achille Talon !

-  Un incroyable ensemble des douze planches de L’Amour en viager. Ce récit paru dans L’Écho des Savanes démontre toute la force des compositions modernes de Gotlib, ainsi que son sens du détail, son encrage soulignant les détails de ces personnages, et sa torsion du réel qui rajoute de l’emphase au propos : un monument de la bande dessinée !

-  Le récit de trois pages : La Triste Histoire du monsieur qui avait deux bistouquettes

-  Un récit SF de deux pages où Gotlib détournele concept de l’attentat à la pudeur pour Métal Hurlant !

-  Un gag en deux pages publiés dans Les Inédits.

Le clou de cette vente pourrait être la double page de garde de La Rubrique-à-Brac : Taume 2 pour laquelle Gotlib a représenté une multitude de héros de bande dessinée : Tintin, Gaston, Astérix, Superman, le Marsupilami, Mickey, Milou, Tarzan, etc. Sans oublier, les dessins d’introduction de Trucs-en-vrac T2 au verso duquel on retrouve un grand dessin inédit au crayon de 51 x 32 cm : de quoi provoquer l’émulation des collectionneurs !

Les pages de garde de "La Rubrique-à-Brac : Taume 2"

Vandersteen : un album complet mis en vente

La troisième vente s’éloigne des sentiers battus : elle est consacrée uniquement à Willy Vandersteen, le grand auteur flamand qui collabora un temps au Journal Tintin en reformatant ses héros que sont Bob & Bobette, mais à qui on doit également Bessy, Le Chevalier rouge, Robert & Bertrand, Safari, Thyl Ulenspiegel, Jérôme, et bien d’autres séries.

La particularité de cette vente est d’être consacrée presque exclusivement à 53 des 55 planches de l’album La Kermesse des singes. Cet album est l’un des plus beau témoignages de l’inventivité et du talent de Willy Vandersteen, alors à la fin de sa période rouge : il évoque une météorite dont le rayonnement dope l’intelligence des singes. Ces derniers prennent le pas sur l’homme, mais notre groupe de héros résiste, non sans faire preuve d’humanité.

Deux planches de "La Kermesse aux Singes" (ci-dessus et ci-dessous)

La Kermesse des singes est avant tout un chef-d’œuvre scénaristique : bien sûr, Vandersteen y aborde des thèmes qui lui sont chers, comme l’antimilitarisme, la bêtise et l’égoïsme des politiques (à ses yeux), la solidarité entre toutes les créatures pensantes, ainsi que l’entraide entre ses personnages. Le récit surfe également sur des sujets porteurs de l’époque : le Vietnam, mais surtout sur la figure de James Bond qui fait fureur au cinéma, en référence duquel Vandersteen invente d’incroyables gadgets pour ses héros. Notons bien entendu le rôle primordial des singes pensants, alors que La Planète des singes n’a pas encore été adaptée au cinéma.

Le trait de Vandersteen est plein de mouvement et d’humour. Chacune des planches mêle le drame et le gag, un style que n’appréciait pas vraiment Hergé mais qui permet de déminer des situations réellement tragiques vécues par les personnages. Dans cette ambiance de fin de monde, Lambique est particulièrement à son avantage : tout d’abord terrassé par la nouvelle, puis comploteur et finaud comme il peut l’être, avant de reprendre son rôle de mi-héros mi-gaffeur. Sidonie y est également bien à son avantage, quittant la place de second rôle ou d’ami mystérieux et déguisé dans laquelle on la retrouve couramment. En plein cœur des Sixties, Vandersteen glisse également les Yés-Yés, les premières fusées spatiales, ainsi qu’un climat de guerre froide et d’espionnage qui atteint alors son paroxysme.

Une référence audacieuse à l’univers de Ian Fleming, sans oublier l’humour de Vandersteen

Cet album est donc une superbe représentation de ce que le maître flamand a pu réaliser de plus qualitatif, tant au niveau du dessin, que de l’humour et du scénario, en dehors de la période bleue mieux connue des lecteurs du Journal de Tintin. Malheureusement, le génie de Vandersteen est très mal reconnu en France, ce qui explique la basse cote de ses œuvres originales. De plus, le fait que ses originaux soient naturellement lettrés en flamand ne devrait pas non plus créer l’engouement auprès des collectionneurs de l’Hexagone.

Il reste à espérer que la dispersion des planches de cet album inoubliable sera couronné de succès, histoire de faire redécouvrir à de nombreux lecteurs les qualités intrinsèques aux œuvres de Willy Vandersteen.

La vacation comprend également d’autres planches de Bob et Bobette.
Ici, "Panique sur l’Amsterdam", réalisé par Paul Geerts (1985)

(par Charles-Louis Detournay)

Cet article reste la propriété de son auteur et ne peut être reproduit sans son autorisation.

🛒 Acheter


Code EAN :

 
Participez à la discussion
12 Messages :
  • Personnellement, je suis très content des prix finaux atteints par les planches de Druillet, Mézières et Hermann, qui traduisent enfin une juste reconnaissance de la valeur de ces artistes par le public.
    Maintenant, sait on si ce sont les auteurs qui ont vendu eux-mêmes ces planches, ou s’il s’agit de ventes de collectionneurs ?

    Répondre à ce message

  • je pense que le dessin de "Panique sur l’Amsterdam" est dû à Paul Geerts et non à Willy Vandersteen.

    Répondre à ce message

  • Très amusant le gag gentiment régressif de Gotlib, on aimerait bien être un petit bébé pour se faire cajoler par une jolie baby-sitter, je l’avais complètement oublié !°)

    Répondre à ce message

  • enchères planche Druillet
    9 décembre 2015 18:13, par richard

    expertise ??? repris que ce soit la presse en ligne, le catalogue huberty, où le commissaire priseur, la planche "druillet" ne provient pas de l’album "yragael", mais bien de "La nuit", avant dernière planche. cela n’enlève évidemment rien à sa beauté, mais tout de même, une telle gaffe, à ce niveau d’enchères !!

    Répondre à ce message

    • Répondu par Charles-Louis Detournay le 9 décembre 2015 à  20:29 :

      Bonjour Richard,

      vous avez entièrement raison, nous allons corriger cette coquille !!

      Merci pour votre œil ... d’expert !

      Répondre à ce message

      • Répondu par richard le 10 décembre 2015 à  19:29 :

        Pas de souci, Philippe est Mon artiste de prédilection, et connaissant l’animal phi-phi, prions qu’il n’atomise personne au titre de la lex majestica. les gens de Sotheby’s ont fait pire : " Provenant d’un bol de riz, des projections sous forme de fumée explosent vers le ciel..." un bol de riz ????

        http://www.sothebys.com/en/auctions/ecatalogue/2015/bande-dessinee-pf1555/lot.73.html

        Répondre à ce message

        • Répondu par Charles-Louis Detournay le 10 décembre 2015 à  20:04 :

          J’en profite pour présenter le fameux bol de riz, afin que nos lecteurs puissent exercer leur oeil artistique !

          Répondre à ce message

          • Répondu par lc le 11 décembre 2015 à  13:28 :

            pouvez-vous svp aussi en profiter pour changer la légende suivante ?

            « Avec les années, Vandersteen continue d’apporter des trésors de détails à ses planches.
            Ici, "Panique sur l’Amsterdam" (1985) »

            Willy Vandersteen avait alors passé la main depuis plusieurs années déjà à Paul Geerts.

            Répondre à ce message

  • Heureusement, il reste des auteurs abordables...
    11 décembre 2015 13:00, par Oncle Francois

    Ainsi il y a une vente sur catawiki ce dimanche soir, avec une soixantaine de planches de Mitton à vendre. Les prix sont pour l’instant entre 150 et 300 €, ils peuvent monter d’ici dimanche soir évidemment.
    http://encheres.catawiki.eu/encheres-mitton

    Répondre à ce message

  • Vandersteen a peu dessiné seul. A l’instar de Peyo, son intelligence fut de bien s’entourer. Déjà dans les années 1970, il ne dessinait plus Bob et Bobette. C’était plutôt Paul Geerts le dessinateur en 1985, sans être crédité.

    Répondre à ce message

    • Répondu par Charles-Louis Detournay le 12 décembre 2015 à  14:59 :

      Merci, nous avons corrigé cette coquille.

      Répondre à ce message

      • Répondu par Oncle Francois le 16 décembre 2015 à  13:08 :

        Quelle surprise ! Les superbes planches de Monsieur Gotlib ont dépassé toutes les prévisions, alors que celles de Vandersteen en flamand se sont vendues entre 1600 et 2400 l’unité, une paille pour un auteur qui s’est vite entouré d’un abondant studio d’assistants.

        Répondre à ce message

CONTENUS SPONSORISÉS  
PAR Charles-Louis Detournay  
A LIRE AUSSI  
Actualité  
Derniers commentaires  
Agenda BD  
Abonnement ne pouvait pas être enregistré. Essayez à nouveau.
Abonnement newsletter confirmé.

Newsletter ActuaBD