Le bombardement de Pearl Harbour, le 7 décembre 1941, n’a pas seulement constitué un traumatisme pour l’armée américaine, il a également déclenché un mouvement de panique à l’intérieur du pays : tous les japonais (d’origine) sont devenus des ennemis potentiels. En quelques mois, ces nouveaux indésirables ont été massés dans des camps, d’abord en Californie (où résidaient la majorité des Américano-japonais), puis au fin fond du Nevada. Miné Okubo a fait partie de ces populations et a décidé de raconter, avec des textes et des dessins, son histoire.
Entre 1942 et 1944, elle et son frère ont dû vivre dans un gigantesque camp avec des milliers de personnes qui comme eux, avaient le tort d’être nés japonais.
L’album comporte sur chaque page un dessin et un texte, souvent très court. L’illustration correspond précisément au récit. Le trait de Okubo s’adapte à son style (ou l’inverse) : d’une sobriété limpide, précis et sensible. Le texte s’efforce, d’éviter tout pathos, se contentant de décrire la réalité. Toutes proportions gardées, il rappelle la force du style implacable de Primo Levi. On découvre effarés les conditions de vie parfois misérables imposées aux "ennemis de l’intérieur" : confort rudimentaire, alimentation malsaine, froid extrême, promiscuité... Tout cela dans un pays industrialisé et démocratique.
Aujourd’hui, le récit de Miné Okubo dégage la même force narrative, et ce témoignage précieux constitue un véritable cours d’histoire mettant en lumière un aspect peu reluisant de la politique américaine durant la Seconde Guerre mondiale. Le gouvernement américain a présenté ses excuses officielles concernant ces faits en 1988.
L’album a vu le jour en 1946 aux États-Unis, publié par les presses universitaires de Columbia. Il a été ensuite régulièrement réédité. Et c’est la première fois qu’il paraît en français.
(par David TAUGIS)
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