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Claude Lelouch : "Il est naturel que la BD intéresse le cinéma !"

Par Nicolas Anspach le 23 septembre 2008                      Lien  
{{Claude Lelouch}} et {{Bernard Swysen}} poursuivent leur collaboration. Après avoir adapté {Toute une vie}, un film que le cinéaste a tourné en 1974, ils publient aujourd’hui {Si Dieu le veut}, une histoire originale que Claude Lelouch compte réaliser prochainement.

Nelly est guide touristique à Las Vegas et est une fervente croyante. Elle a intégré la chorale de Gospel de son église. La jeune femme reçoit des SMS puis des appels téléphoniques. Ceux-ci lui prédisent certains évènements qui se dérouleront effectivement quelques heures plus tard. Qui se cache derrière ces messages ? Dieu Lui-ême ? Tout pousse à le croire lorsqu’elle gagne 19 millions de dollars à la roulette et qu’elle s’empresse, selon les ordres de la « voix », de les reverser à des bonnes œuvres.
Rencontre avec Claude Lelouch qui évoque avec nous cette histoire et sa collaboration avec Bernard Swysen

Claude Lelouch : "Il est naturel que la BD intéresse le cinéma !"C’est la première fois que vous ne mettez pas en image un de vos scénarios vous-même.

Si on peut dire ! C’est en tout cas la première fois que je vois un de mes films sans l’avoir tourné. J’ai, en quelque sorte, mis la charrue avant les bœufs. C’est un exercice agréable. Si je tourne ce film, un jour, il coûtera très cher. L’Amérique joue un rôle important dans cette histoire. Cela implique des coûts. Peut-être qu’il ne se fera jamais. Alors pourquoi ne pas en faire une bande dessinée ? Celle-ci donnera peut-être envie à certains que le film se réalise.
En fait, c’était une manière hypocrite de commencer le tournage … En tout cas, j’ai déjà un story-board formidable pour ce film, que je tournerai un jour !

Bernard Swysen travaillait à partir de votre scénario original. Mais interveniez-vous encore dans le processus créatif ?

Le scénario original était déjà prédécoupé en différentes scènes. Celles-ci sont presque les mêmes que celle de la bande dessinée. À partir du moment où j’avais pris conscience que Bernard avait bien lu le scénario, je n’avais pas besoin de lui taper sur les doigts ! Au contraire, cela m’a permis de voir si mon scénario était assez clair, si les images d’un autre étaient fidèles aux miennes ! Quand Bernard a pris des libertés qui m’ont amusé, je les ai faites miennes… Mais je ne crois pas que ces dessins modifieront ma mise en scène !

Extrait de "Si Dieu le Veut"
(c) Swysen, Lelouch & E. Proust.

De toute manière, votre mise en scène évolue jusqu’au dernier moment. Vous êtes un cinéaste instinctif, non ?

Il existe des figures imposées. Les figures libres restent mon jardin secret !

Qu’est-ce qui différencie, selon vous, la bande dessinée et le cinéma au point de vue de la narration ?

La bande son, le mouvement et la force du travelling ! Mais il y a énormément de points communs entre ces deux genres ! Sans compter que la pellicule d’un film est projetée sur trois cents mètres carrés. Une case de BD est reproduite sur quelques centimètres ! Mais l’un n’est pas gênant pour l’autre. La bande dessinée est en quelque sorte le Jogging du cinéma. Ce genre constitue une manière de s’entraîner… Enfant, j’ai découvert la narration dans les Pieds Nickelés, Zorro et Tintin. Je me souviens que la première bande dessinée que j’ai lue était Blanche Neige ! Avant que le film ne sorte en France. Mes parents me lisaient les Contes de Perrault adaptés en BD pour m’endormir ou pour me divertir. La première bande dessinée « intellectuelle » que j’ai découverte était les « Pieds Nickelés ». Mon film « L’Aventure, c’est l’Aventure » en est d’une certaine manière inspiré !

Claude Lelouch entouré par Adeline Blondieau et S.A.R. le Prince Laurent de Belgique, lors de la soirée consacrée aux 25 ans de carrière de Bernard Swysen
(c) Nicolas Anspach

Les Blockbusters américains sont des adaptations de comics. Différents auteurs de BD vont s’essayer au cinéma. Des Bandes Dessinées sont adaptées régulièrement en film. Comment jugez-vous ce phénomène qui prend de plus en plus d’ampleur !

Cela me semble naturel ! Le fil invisible qui relire la bande dessinée au cinéma est évident et conséquent. Si je créais une école de cinéma, je pense que je commencerais mon programme par l’observation de bandes dessinées. La peinture est également très proche du cinéma. Le cadrage est très présent dans ces deux genres culturels. Je ne suis pas étonné qu’il y ait une telle filiation entre la bande dessinée et le cinéma ! Je regrette cependant que la BD prend le pas, peut-être, sur le roman dans les adaptations. Il faudrait que la proportion des œuvres adaptées d’un genre ou l’autre se répartisse un peu …

Revenons à « Si Dieu le veut ». L’idée est de cette histoire est de Louis-Michel Colla, mais qu’est-ce qui vous intéressait de la développer pour cette bande dessinée et un prochain film ?

L’universalité de la thématique ! J’ai une dent contre l’Amérique. Je lui en veux de nous avoir emmenés là où nous sommes aujourd’hui. Le capitalisme sauvage, incarné par les États-Unis, a créé un monde où les inégalités sont trop grandes ! Les USA ont raté leur mondialisation. Les évènements que nous vivons actuellement sont le reflet d’un constat d’échec de leur politique. Cela fait plusieurs années que je ressens cet état de fait ! Aujourd’hui, l’Amérique est confrontée à une réalité, au même titre que le communisme l’a été à une certaine époque ! La vérité ne se situe ni dans le communisme, ni dans le capitalisme ! Si Dieu Le veut est une critique contre l’Amérique ! C’est ce que j’ai aimé dans l’idée de Louis-Michel Colla

Que pensez-vous de l’évolution graphique de Bernard Swysen ?

Il est de plus en plus à l’aise ! Le savoir qu’il a acquis depuis vingt-cinq ans n’a pas dénaturé son côté midinette, que j’adore ! Cette phrase n’est pas péjorative. On sent qu’il aime le spectacle et les émotions fortes. Mais son savoir-faire n’a pas bouffé l’essentiel, qui est toujours-là… Et je suis certain que son talent sera de plus en plus satisfaisant !

(par Nicolas Anspach)

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Lire également sur Actuabd.com :
- Du film à la BD : "Toute une vie", l’adaptation au banc d’essai (11/2005)

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Photos (c) Nicolas Anspach
Illustrations (c) Swysen, Lelouch, Editions Emmanuel Proust.

 
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