Comme une sorte de bilan existentiel, de ses engagements et de ses productions, ce Cleveland constitue une bonne introduction à l’œuvre de Pekar. Même s’il entame son récit par l’évocation de l’équipe de base-ball locale, guère passionnante, il enchaine rapidement sur l’histoire de sa ville. Arrive ensuite sa propre époque, ses parents, sa jeunesse. On passe ainsi en revue les racines juives polonaises de l’auteur, ses amours, sa solitude intermittente. Avec toujours, une mise en scène qui le voit déambuler dans les rues, fixant presque le lecteur, avec une moue aussi colérique que passionnée...
À plusieurs reprises, Pekar décrit son travail d’archiviste dans un hôpital, pour toujours se rassurer sur ses choix de vie, notamment la liberté intellectuelle qu’il lui a laissé pour se cultiver. Voilà bien un volant essentiel de sa vie : cette soif de savoir, autant pour la musique (le jazz, durant ses jeunes années) puis la littérature.
Il ressort de cet autoportrait à peine élargi une farouche ambition humaine et intellectuelle : apprendre, encore et toujours, et partager. Comme un croisement entre le rêve américain et les fondements des valeurs juives.
Cleveland bénéficie d’une mise en images de premier ordre : celle de Joseph Remnant, un trentenaire qui marche sur les pas graphiques de Crumb, avec un arrondi plus consensuel. Un beau cadeau pour ce dernier opus de Pekar, qui restera un personnage unique dans l’univers de la BD, au sens le plus universel.
(par David TAUGIS)
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