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Cosey : « Je préfère aborder un aspect idéalisé de l’homme »

Par Nicolas Anspach le 17 février 2006                      Lien  
{{Cosey}}, avec son diptyque {À la Recherche de Peter Pan}, est l'un des premiers auteurs classiques de la BD dite "franco-belge" à nous proposer des récits introspectifs,quasi autobiographiques, annonçant en cela un des courants constitutifs de la "nouvelle bande dessinée".

Depuis, il a quelque peu délaissé la série de ses débuts, Jonathan, pour se consacrer à des expériences narratives qu’il distille au travers d’albums singuliers. Cosey nous offre un regard éclairé sur le monde grâce à sa quête personnelle et spirituelle teintée d’une invitation permanente au voyage. L’homme est à l’image de la plupart de ses héros : accueillant, discret et simple. Nous l’avons rencontré dans le cadre de la rétrospective « Cosey, l’aventure intérieure » qui lui est consacrée à Charleroi.

Que ressentez-vous face à cette grande partie de votre travail exposé à Charleroi ?

Que cette exposition soit rétrospective ou non, cela ne change pas grand-chose. Par contre, je suis heureux que mes planches soient présentées dans un lieu qui n’est pas exclusivement consacré à la bande dessinée, un endroit qui ressemble à mes lecteurs, car je pense que la majorité d’entre eux ne lisent pas que de la bande dessinée.

Cosey : « Je préfère aborder un aspect idéalisé de l'homme »
Bernard Cosey à Charleroi
Ph : D. Pasamonik

Les pays de l’Himalaya et le bouddhisme sont des thématiques importantes dans votre travail. D’où sont nées ces passions ?

Principalement de Tintin au Tibet et des livres d’Alexandra David Neel [1]. En 1975, lorsque j’ai commencé à travailler sur le premier Jonathan, j’ai tenté de me documenter sur le Tibet. Mais je me suis rapidement rendu compte qu’il n’y avait quasiment aucune photographie sur cette région excepté, bien sûr, la quinzaine de clichés pris par Alexandra David Neel. J’ai donc décidé d’aller sur place, au Ladakh, en 1976 !

Vous y êtes retourné ?

Non. Je ne vais jamais deux fois au même endroit.

Pourquoi ? Vous avez peur de constater les changements que subissent ces contrées, entretemps souvent appauvries socialement et culturellement ?

En partie. À cause également de l’occupation militaire du Tibet. Mes amis voyageurs me disent que la situation empire d’année en année.
Je préfère plutôt être émerveillé par des endroits nouveaux, et donc ne pas avoir une vision globale d’une seule région du monde. Quitte à être un peu superficiel dans ma vision de ces pays.
Je retournerai peut-être là-bas lorsque j’aurai assouvi mes rêves de voyage. Qui sait ? Les circonstances et les envies créent les projets.

Un certificat d’immigration au nom de Cosey pour pouvoir réaliser un trekking au Népal, en 1980...

Dans une interview accordée à Eric Verhoest et Thierry Smolderen, vous leur confiez que vous aimez vous rendre dans un pays, vous laisser imprégner par l’ambiance, laisser mûrir vos impressions pendant deux ou trois ans, puis alors seulement écrire votre histoire...

Effectivement. Je préfère attendre en travaillant sur autre chose. La nostalgie du voyage provoque l’émergence de nombreux souvenirs qui me servent de base à l’histoire.

La plupart des auteurs travaillent à l’inverse : ils écrivent une histoire, puis se rendent dans le pays pour parfaire leur documentation.

J’ai travaillé de la sorte pour Zélie Nord-Sud. Cette manière de travailler est nettement moins intéressante, car on arrive sur place avec des idées préconçues. Je préfère donc prendre le risque de ne pas ramener les bons documents qui me serviront plus tard pour réaliser ma bande dessinée. Je fais confiance à mon intuition et je souhaite avoir la liberté de photographier ou de noter les éléments qui m’intéressent.

Dans votre dernier album, le Bouddha d’Azur, vous traitez de l’invasion du Tibet par la Chine...

... En six images !

Allez-vous développer ce sujet dans le prochain tome du Bouddha d’Azur ?

Non. Cela ne m’intéresse pas. Mais il fallait mentionner l’invasion du Tibet par la Chine dans cette histoire. Ces images suffisent amplement et permettent au lecteur de comprendre ce qui s’est passé. Cela ne m’intéresse pas d’axer un album sur ce sujet et de montrer des massacres, des viols et d’autres drames. Cela n’apporterait pas plus d’intensité de rentrer dans des détails aussi sombres. Ceci dit, je n’écarte pas la dimension politique de cette invasion dans le Bouddha d’Azur.
Dans le deuxième album, les personnages seront à trois cents kilomètres plus à l’est... en Chine !

On retient souvent de votre œuvre le côté bucolique, contemplatif, réfléchi et spirituel. Ces qualités font-elles partie de votre personnalité ?

On se dévoile toujours soi-même à travers ses histoires. Je choisis de raconter ce qui me paraît intéressant et d’écrire les récits que j’ai envie d’entendre ou de lire.
Tronchet raconte magnifiquement l’horreur et la mesquinerie du « Moi » de l’homme. Pour ma part, je préfère aborder un aspect humanisé et idéalisé de ce « Moi ». J’admire le travail de cet auteur qui a un avantage par rapport à moi : il ne refoule pas et ne cache pas son côté sombre...

Cela vous fait peur d’aborder quelque chose de différent ?

De différent, non ! Mais de sombre... Je ne sais pas comment approcher un tel sujet. Mais peut-être qu’un jour, je raconterai des histoires plus violentes. Qui sait ?

On apprend, dans la brochure de l’exposition, que vous appréciez les auteurs issus de l’Association.

Effectivement, j’apprécie le langage authentique, hors des conventions narratives, de ces auteurs. Contrairement à beaucoup de bandes dessinées classiques, je me retrouve en position de lecteur émerveillé lorsque je lis ces albums. J’apprécie énormément Christophe Blain, Joann Sfar, David B, Manu Larcenet, etc.

Thierry Smolderen & Cosey

(par Nicolas Anspach)

Cet article reste la propriété de son auteur et ne peut être reproduit sans son autorisation.

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Code EAN :

COSEY, L’AVENTURE INTERIEURE

Charleroi - Palais des Beaux-Arts

Du 11 février au 16 avril 2005

Du mardi au dimanche de 10h à 18h.

Image en médaillon © Nicolas Anspach

[1Alexandra David Neel, écrivaine et aventurière. Elle s’intéressa très jeune aux philosophies et aux religions orientales. Elle fut la première femme européenne à atteindre, en 1924, la capitale du Tibet qui était alors une « cité interdite ». Son livre Voyage d’une Parisienne à Lhassa raconte cette aventure. Elle en consacrera bien d’autres à la spiritualité bouddhiste et à la culture tibétaine.

 
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