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Cosey (Jonathan) : « Dessiner le Japon a entraîné une évolution de mon trait ! »

Par Nicolas Anspach le 15 novembre 2011                      Lien  
Cosey revient en librairie avec le 15e album de "Jonathan", la série, créée en 1975, est devenue un classique. La parcimonie dont fait preuve Cosey pour animer son (presque) double de papier s’explique par sa rigueur, son souhait constant de se renouveler et sa sincérité.

Aventure, exotisme, sensibilité sont les maîtres-mots de son travail où les textes ont autant de sens que son graphisme épuré et tranchant.

Dans cet album, Jonathan croise une jeune femme Japonaise, Atsuko. Celle-ci enquête sur l’étrange destin de sa grand-tante Hisa, mystérieusement disparue. Historienne du bouddhisme, elle réalisait des recherches sur la Grande Pagode de Rangoon, construite pour accueillir les huit cheveux de Bouddha. Hisa était arrivé à la conclusion que les reliques avaient été remplacées au 19e siècle pour les protéger des troupes anglaises. Fasciné par cette jeune femme et par l’insolite histoire de sa famille, Jonathan retrouve bientôt Atsuko au cœur des montagnes japonaises pour lui remettre une enveloppe contenant des cheveux…

Cosey signe un récit d’aventure où les grands espaces riment aussi avec les questionnements sensibles. L’auteur cultive l’ascèse de son trait pour exprimer l’épure, l’essentiel. Comme dans les estampes japonaises.

Deux expositions-ventes à Bruxelles (Champaka) et à Paris (Daniel Maghen) sont organisées ces-jours-ci. La parution de Atsuko est complétée par « une autobiographie imaginaire de Jonathan ».


Cosey (Jonathan) : « Dessiner le Japon a entraîné une évolution de mon trait ! »Vous vous servez de vos nombreux voyages comme matériau pour vos histoires.

Effectivement. Cela me permet d’utiliser ma propre documentation, mon propre ressenti. Je fais beaucoup de photographies lorsque je voyage. La photographie apporte l’efficacité documentaire. Le croquis, lui, me permet d’avoir une relation plus intime avec le sujet. Je lis également des livres selon les besoins de l’histoire. Et je l’avoue avec peine, j’interroge parfois Google. Je me déçois beaucoup lorsque je le fais, mais cela m’arrive ! J’essaie de résister le plus possible, car cette méthode de recherche documentaire ne me correspond pas vraiment.

Parmi tous les peuples que vous avez dessinés ou rencontrés, de quelle culture vous sentez-vous le plus proche ?

Je ne prétends pas comprendre une culture particulière, à part éventuellement la nôtre. Mais je me sens proche du Tibet. Peut-être à cause des montagnes... Et puis, les Tibétains sont des êtres foncièrement sympathiques et drôles, pouvant aller parfois jusqu’à une trivialité retenue. Le Tibet m’a amené à m’intéresser à l’Asie. Au milieu des années 1970, le Tibet était encore complètement fermé aux touristes. J’ai donc, pour des raisons pratiques, visité le Ladakh. L’Inde venait d’ouvrir une route vers le Ladakh, qui fait partie de l’ancien royaume tibétain. L’ancien Tibet faisait à peu près une fois et demie le territoire de la France et il y a encore de nombreuses régions que je n’ai pas encore visitées comme par exemple le Bhoutan ou le Sikkim. Elles sont très différentes les unes des autres.

Extrait de Jonathan T15 : "Atsuko".

Dans Atsuko, vous avez dessiné le japon sous la neige. Pourquoi ?

Par envie ! J’ai été marqué par Le Pays de neige de Kawabata, mais aussi par les romans de Hawki Murakami dans lesquels il retranscrit admirablement les ambiances de ciel, gris et sombre, des montagnes enneigées. Ce furent mes sources d’inspiration pour les ambiances graphiques du récit.

Vous citez certains haïkus dans cet album.

Pourquoi ne pas partager mes goûts avec les lecteurs ? Ces haïkus sont, pour la plupart, des citations. J’en ai sélectionné quelques-uns qui correspondent à l’histoire. J’ai repris les ouvrages que j’ai consultés dans une bibliographie. Je suggère aussi quelques morceaux de musique pour accompagner la lecture.

Extrait de Jonathan T15 : "Atsuko".

Votre trait évolue-t-il en fonction des pays que vous dessinez ?

Dans le cas d’Atsuko, oui, particulièrement. Sinon, le trait évolue d’album en album, comme pour chaque auteur dont le style mûrit d’année en année. J’espère que je progresse dans le bon sens. J’apprécie les estampes japonaises et je m’en suis référé pour les décors d’Atsuko. La représentation de la réalité est codifiée dans les estampes, tout comme dans la bande dessinée. Par exemple, dans la bande dessinée, un trait noir cerne les contours d’un personnage ou d’un décor. Ce trait n’existe bien entendu pas dans la réalité. On trouve d’autres codes dans les estampes. J’ai été puisé dans ceux-ci pour les ramener dans les décors de ce Jonathan.

Recherche pour l’album "Atsuko".

Vous avez passé dernièrement quatre mois à New Delhi avec Pro Helvetia, la fondation Suisse pour la culture.

Pendant lesquels j’ai réalisé la moitié des couleurs d’Atsuko. C’était amusant d’apposer des tonalités dans des décors neigeux alors que je vivais en Inde, où il faisait 35°c.

Recherche pour l’album "Atsuko".

Lors de tels séjours, pensez-vous à des histoires qui se déroulent dans ces pays ?

Évidemment ! Je sais qu’un jour ce que j’aurais vu et vécu m’apportera des idées pour un récit. Cela peut-être pour demain… ou dans dix ans !

Quels sont les pays que vous aimeriez visiter ?

De nombreux. Le film Printemps, été, automne, hiver... et printemps de Kim Kim Duk m’a donné envie de visiter la Corée. Sinon, la Mongolie, le Mexique, etc.

Certains auteurs de BD vous étonnent-ils ?

C’est délicat. J’ai peur d’en oublier, d’autant plus que beaucoup d’auteurs sont des amis. La sensibilité des personnages inventés par Jean-Claude Denis m’émerveille. Ils sont humains et crédibles. Je tombe facilement amoureux de ses personnages féminins. Je suis à chaque fois peiné de refermer l’un de ses livres. Sinon, j’apprécie Christophe Blain

Cosey & René Follet lors du vernissage chez Champaka
(c) Nicolas Anspach

(par Nicolas Anspach)

Cet article reste la propriété de son auteur et ne peut être reproduit sans son autorisation.

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Code EAN :

Expositions de Bernard Cosey :

- à la Galerie Maghen à Paris. Exposition-vente. Du 2 novembre 2011 au 12 novembre 2011.
- à la Galerie Champaka à Bruxelles : Exposition-vente Atsuko. Du 4 au 20 novembre 2011


Lire aussi :
- Cosey troque les cîmes pour les cimaises (Novembre 2011)

Cosey sur Actuabd.com, c’est aussi :

Des interviews :

- "Chaque trait doit être indispensable" (Décembre 2008)
- "C’est sans doute la dernière fois que je dessine le Tibet" (décembre 2006)

Un dossier sur l’exposition rétrospective de Charleroi (2006)

Et aussi des chroniques d’album :

- Une maison de Frank L. Wright et autres histoires d’amour
- Le Bouddha d’Azur
- Echo

Voir un joli site sur Cosey
Lire l’article de Pro Helvetia sur le séjour de Cosey à New Delhi.

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Illustrations : (c) Cosey & Le Lombard.
Photos : (c) Nicolas Anspach

 
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