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Cothias et Ordas : La tentation du roman

Par Didier Pasamonik (L’Agence BD) le 19 juillet 2010                      Lien  
Patrick Cothias avait été un scénariste-clé de la production Glénat des années 1980 (Les 7 vies de l’épervier, Le Lièvre de Mars, Les Eaux de Mortelune…), puis il y a eu un breakdown, une rupture dans sa carrière. Le voici de retour chez Bamboo dans une tentative d’écriture globale mêlant bande dessinée et roman.

Cothias et Ordas : La tentation du romanPour ce come back, il s’est associé à Patrice Ordas avec qui il avait novelisé déjà la version roman des Eaux de Mortelune chez Anne Carrière, une plume qui a longtemps servi de « nègre » pour des noms prestigieux de la littérature ou des médias. Les deux hommes ont à peu près le même âge et sont bretons tous les deux, avec des carrières d’écriture bien remplies et des monceaux de références en commun. Autant Cothias est une figure flamboyante, grand gueule au besoin, à la carrure imposante, autant Ordas a l’air plus mesuré, davantage dans le calcul. Le tacticien et le stratège se complètent parfaitement.

Ils s’étaient rencontrés dans une aventure d’auto-édition, Cothias étant dans une phase de détestation des éditeurs. Déjà, à l’époque, le scénariste voulait écrire des romans, un projet-cathédrale de 40 volumes pour lequel il avait besoin de se faire aider. Ordas avait renforcé sa plume comme nègre salarié. Mais l’affaire avait tourné court et Cothias y avait grillé ses économies. L’envie de travailler ensemble resta néanmoins intacte. Cela produit ces jours-ci chez Bamboo des romans et des bandes dessinées, deux expériences de lecture très différentes. Cothias et Ordas ne sont pas les premiers auteurs de BD à tenter l’affaire : On se souvient de la novéllisation du Triangle secret par Didier Convard tentant de prolonger en littérature ce qui avait si bien réussi dans le 9e Art.

Premiers dessins pour l’adaptation en BD d’Ambulance 13
Éditions Bamboo

Une vieille pratique

La démarche de la novélisation n’est pas nouvelle non plus. Elle était plus courante dans la jeunesse avec Titeuf, Astérix, Garfield, Kid Paddle, Lanfeust, Les Schtroumpfs, Lucky Luke, Cédric dans la Bibliothèque Rose ou Petit Vampire chez Delcourt, par exemple. Depuis longtemps, les éditeurs ont compris l’intérêt de ce « cross-branding », un classique du marketing. L’Université d’été de la bande dessinée s’interrogeait précisément en juillet dernier, de façon un peu brouillonne il est vrai, sur ces « œuvres globales » destinées à être déclinées sur plusieurs supports.

L’arrivée dans la bande dessinée de grands romanciers n’était pas non plus une nouveauté. On se souvient des tentatives quelquefois réussies de Jean-Patrick Manchette (Griffu), Frédéric Beigbeder, Tonino Benacquista, Bernard Werber avec parfois des incompréhensions : je me souviens d’une conversation avec Beigbeder où il m’interrogeait sur les ressorts d’un succès en bande dessinée, s’étonnant de la modicité (toute relative : on était au-dessus de 50.000 exemplaires vendus) de ses ventes comparées à celles qu’il réalisait en littérature.

Patrick Cothias et Patrice Ordas, les Victor et Hugo de chez Bamboo.
Photo : D. Pasamonik (L’Agence BD)

Le fait nouveau, c’est un éditeur comme Bamboo qui a décidé, on s’en souvient, d’en faire une aventure éditoriale spécifique. Cothias qui était sur les mêmes envies n’a pas mis longtemps à rencontrer l’éditeur de Charnay-lès-Mâcon : « Nous sommes arrivés avec nos gros sabots en leur présentant des romans qui pouvaient être découpés en BD. Ils ont eu à lire d’abord des romans…  ». « On part d’un roman parce que c’est plus riche en intentions et parce qu’on rentre vraiment dans la tête des personnages, renchérit son complice. Ensuite, on résume en quelque sorte, pour « amputer » le roman de certains passages, car dans une bande dessinée, il faut que ça bouge ! La BD, c’est une obligation d’aller à l’os, il n’y a que l’essentiel, alors que dans le roman, on peut se permettre de délirer sur plusieurs pages.  »

Cothias nous explique sa principale motivation de son inclination vers l’écriture romanesque : « J’aime les digressions, m’attarder longuement sur certaines scènes, et en BD, c’est impossible ! Je ne suis pas frustré en essayant de couper ou des cadrer des scènes qui me plaisent. Patrice est capable de décrire des odeurs et des couleurs que je suis bien incapable d’exprimer. On se complète parfaitement. C’est Victor et Hugo !  », répliquant à une comparaison avec un autre couple célèbre de la littérature, Boileau-Narcejac.

L’Oeil des Dobermans
Éditions Bamboo

Le premier roman, L’ambulance 13 se passe sur le front de la Grande Guerre dans le milieu des ambulanciers, soit une guerre à taille humaine, au premier rang de la souffrance. « L’ingrédient romanesque est l’humanité des personnages. On suit quatre ou cinq d’entre eux dans un climat d’horreur, faits d’ordres parfois imbéciles et de sentiments anarchistes du côté des soldats. Ils sont « poilus » dans tous les sens du terme.  »

« L’Oeil des dobermans » a lieu dans l’entre-deux guerres. «  C’est formellement plus léger, nous dit Cothias, comme une moquerie d’Indiana Jones, mais l’idéologie que l’on décrit est plus dangereuse. Les faits sont historiques : c’est l’Anschluss, Hitler a décidé d’une expédition au Tibet pour des raisons que l’on ne connaît pas très bien mais le fait est qu’il voulait appuyer et justifier son pouvoir par la possession d’objets sacrés. Il y a une foi dans l’invisible, dans la manifestation des esprits. »

Comment faire pour que la BD ne soit pas redondante par rapport au roman ? « C’est là que le dessinateur intervient, nous dit Patrice Ordas. Il donne une interprétation du récit teintée de sa propre sensibilité.  »

Et puis les bandes dessinées mettront du temps à être produites. Il faut que les dessinateurs s’y mettent, sans compter que d’autres cycles suivront après ces premiers de cordée. En attendant, voici de bonnes lectures pour la plage cet été.

(par Didier Pasamonik (L’Agence BD))

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