"Jehanne", graphie royaliste plutôt que médiévale, transforme ici cette pauvre Jeanette en héroïne chrétienne illuminée, elle qui voulait simplement s’habiller en homme, se raser la tête, et probablement fricoter avec Aliénor et autres Cunégondes.
C’est tout naturel car, Philippe de Villiers, Vendéen dans tous les sens du terme, fidèle compagnon de la Reconquista Zemmourienne, patron du Puy Du Fou et financeur de passé anachronique, est aussi un auteur de romans-phares tel son incontournable Roman de Jeanne d’Arc sur lequel est basée cette BD.
Inutile de parler plus longtemps de l’auteur qui, cela va de soi, n’a rien d’un historien, et plongeons plutôt au coeur de la BD.
Passons sur le fait que ’Jehanne’ d’Arc ait plutôt les traits de Mireille Darc, voire d’une sympathique Mélanie Laurent, nous pouvons constater que les éditions Plein Vent nous accordent en effet un livre plein de vent.
Le scénario adapté par Coline Dupuy, ancienne actrice au Puy Du Fou, et le dessin de l’italien Davide Perconti, confond téléfilm du Mardi soir et histoire événementielle, nous préparant à une douce montée en anxiolytiques qui nous accompagnera tout au long de la lecture.
Commençant à Domrémy et finissant au bûcher, nous découvrons avec joie - ouf ! - que Jehanne était véritablement pucelle et non de ces femmes de mauvaises moeurs.
Passons aussi sur le fait que l’album contient plus de fois le mot "Dieu" que la Bible, et nous découvrons avec émerveillement d’aussi essentiels dictons que "Les Français sont meilleurs à la chasse qu’à la pêche aux harengs", ou encore "Pas de folles filles ici !". Le tout rythmé par un jargon militaire du 16e siècle.
Toutes les BD d’histoire événementielle sont-elles mauvaises ? Non, sans doute... Mais ne faudrait-il pas adapter le test de Bechdel aussi aux bandes dessinées ? Au moins Jehanne a-t-elle le mérite d’être une héroïne... Elle a même été reprise dans la série BD Le Monde, le monde bien sûr étant celui où l’Histoire se cantonne à Jeanne, Clovis et les Gaulois.
Cette découverte vous conduira sûrement vers d’autres chefs-d’oeuvre telle l’adaptation manga de la Bible, et peut-être, qui sait, un nouveau roman graphique financé par Alain Soral ? Ou alors peut-être est-il temps de se tourner vers la micro-histoire, ou plus loin encore, hors de la BD nationale.
Toutes ces demandes nous en font poser une ultime : qui de nous est le véritable illuminé, Jehanne, les auteurs, ou nous ?
(par Marlene AGIUS)
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