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Covid-19 : une BD au coeur d’un incident diplomatique entre la Chine et la Brésil

Par Laurent Melikian le 22 avril 2020                      Lien  
Les dirigeants populistes font feu de tout bois. Notamment en période de pandémie. Au Brésil, le Ministre de l’éducation désigne la Chine pour bouc émissaire en appuyant son discours xénophobe sur la bande dessiné la plus populaire du pays. Une honteuse manipulation.

Après avoir limogé un Ministre de la santé trop prévenant,Jair Bolsonaro, se maintiendra-t-il à la tête du Brésil en passant par la case dictature ? Certains le craignent. Par ailleurs, le président d’extrême-droite s’est retrouvé dans l’embarras du fait d’un autre ministre, celui de l’éducation, Abraham Weintraub.

Ce dernier s’est signalé par un remugle xénophobe antichinois en utilisant comme prétexte l’incontournable de la bande dessinée brésilienne, les productions signées Mauricio de Sousa. Sur Twitter, le 4 avril, le ministre -déjà adepte du complotisme- s’est drapé d’un humour douteux pour accuser la Chine d’avoir propagé le covid-19 à dessein : «  un plan infaillible pour dominer le monde  ».

Pour cette diatribe que Donald Trump lui-même n’aurait pas osée, Weintraub a inversé les lettres « r » par « l » afin de se donner un pseudo accent asiatique qui ne fait plus rire que les adeptes de la supériorité raciale. De plus, il a illustré ses propos par un extrait d’une couverture d’un magazine de BD. Dans un décor chinois, on y distingue nettement, Cebolinha, un des personnages de du best-seller brésilien Turma da Mônica (La Bande de Mônica), l’univers de Mauricio de Sousa auquel les Brésiliens sont attachés depuis plus de 50 ans, une série-star présente en kiosque au travers d’une dizaine de magazines édités par Panini Brazil.

Covid-19 : une BD au coeur d'un incident diplomatique entre la Chine et la Brésil

Remarqué et conservé par certains internautes, le tweet a vite été effacé par son auteur, « sur les conseils d’un collègue » a-t-il déclaré. Certains murmurent que ce collègue serait le président du Brésil en personne. Car Bolsonaro tient à garder ses bonnes relations avec la Chine de Xi Jinping, premier partenaire commercial du pays, mais aussi premier fournisseur de matériel médical : gants, masques, ventilateurs, … (air connu). La bourde est d’autant plus embarrassante que deux semaines plus tôt, Bolsonaro venait tout juste d’employer les grands moyens pour calmer la colère des autorités chinoises après une déclaration fracassante de son propre fils.

Mauricio de Sousa
© MSP

Dans un premier temps Mauricio de Sousa a préféré ne pas réagir à l’incident. Le dessinateur, entrepreneur et directeur de studio, âgé de 84 ans est une star au Brésil. Ses personnages servent souvent de porte-voix à des campagnes de service public, mais n’affichent généralement pas de proximité avec des personnalités politiques. Qu’ils soient ici employés pour une basse manipulation paraît d’autant plus scandaleux que la couverture détournée, provient d’une édition de 2010 du magazine Saiba Mais (En savoir plus), ouvertement pédagogique et qui proposait aux enfants de mieux connaître la Chine.

La réponse est arrivée par le biais d’un communiqué de sa société au quotidien Fohla de Sao Paulo : « Mauricio de Sousa Produçoes entretient depuis de nombreuses, une relation d’amitié et d’admiration avec le peuple chinois […] ce numéro de Saiba Mais a pour but de montrer une partie de la riche histoire de la Chine aux lecteurs brésiliens. Car depuis 60 ans, Turma da Mônica chérit l’amitié entre tous les peuples. Et il en sera toujours ainsi. »

En 2004, « Turma da Mônica » était utilisé par la branche américaine de l’OMS dans une campagne de communication pour la vaccination.
En 2009, dans le mensuel pour ados « Tina », Mauricio de Sousa introduit Caio, son premier personnage ouvertement homosexuel.
De quoi agacer la présidence brésilienne actuelle.

Populiste et totalitaire comme son Président qui a voulu faire interdire, on s’en rappelle, le Guide du zizi sexuel de Zep & Hélène Bruller, le responsable national des écoles et universités a donc tenté d’amalgamer une figure populaire nationale dans un discours xénophobe, douteux, sans base scientifique.

Pauvre Brésil. L’incident rappelle que la culture et particulièrement la culture de masse doit rester un moyen de partage et non de division.

Voir en ligne : Notre interview de Mauricio de Sousa pour la sortie des albums Neymar Jr. en 2018

(par Laurent Melikian)

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3 Messages :
  • Vous êtes payé par l’ambassade de Chine pour écrire autant de conneries ? Oui le Brésil a un président populiste sauf que c’est une démocratie à la différence de la Chine, dictature immonde entièrement responsable de cette pandémie.

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    • Répondu par Laurent Melikian le 22 avril 2020 à  15:07 :

      Bonjour,
      Oui, le Brésil est une démocratie. En danger. Il ne vous a pas échappé pas qu’il y a tout juste deux jours son Président a demandé la suppression des droits constitutionnels. Heureusement que ce pays possède encore des remparts et une bande dessinée comme Monica qui permet de faire ciment au sein de sa société. Quant à nous croire aux ordres de Pékin, je vous invite à lire un récent article que nous avons publié sur une bd chinoise de propagande.
      Bien à vous

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      • Répondu le 24 avril 2020 à  06:27 :

        Il est vrai aussi que depuis l’arrivée de Bolsonaro, les favélas ont disparues et toute la misère qui va avec, que les plans de déforestation de l’Amazonie pour être remplacé par la culture du soja sont au point mort, que le respect des tribus indigènes n’a jamais été aussi grand, que l’influence des lobbies de l’agro-alimentaire sur son gouvernement n’existe plus, que la communauté LGBT est beaucoup mieux considéré... La Chine n’est peut-être pas un modèle de transparence, mais il faut toujours se méfier de ceux qui veulent faire le bonheur des autres en ayant de la religion plein la bouche, surtout lorsqu’ils sont proches de l’extrême-droite. Il suffit d’un rien pour que tout bascule au Brésil et comme en mars 1964, vous l’aurez votre dictature !

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