Il y a quelque chose d’agaçant quand on ouvre un ouvrage comme celui-là. D’abord dans le ton, ex cathedra, un peu péremptoire du narratif qui se donne pour mission de vous expliquer comment on fait les choses, comme cela et pas autrement.
Ce n’est pourtant pas trop le cas pour ce volume principalement conçu par des auteurs anglo-saxons pour une audience de Charac Designers, c’est-à-dire ces gens qui créent les personnages pour les bibles graphiques des productions le plus souvent audiovisuelles. Ces dessinateurs sont souvent peu valorisés dans une industrie où une multitude d’intervenants contribuent à une production collaborative dont seuls les réalisateurs et les producteurs ont le dernier mot. Pourtant, des milliers d’artistes passent par ces étapes ultra-formatées de l’Entertainment qui engagent des dizaines de millions d’euros au profit d’actionnaires qui ont peur de l’ombre de leur investissement. Voilà pourquoi les stéréotypes se multiplient à l’envi : les grands yeux à la Walt Disney, les monstres et les "Meca" des mangas, les costauds huileux et testostéronés à l’excès du modèle US.
On en sort bien souvent, pour créer des choses « à soi », comme Guarnido avec Blacksad, par exemple, qui est passé par la case Disney. Mais on en garde toujours quelque chose dans son "ADN graphique" qui vous rattache à une famille, comme c’est le cas pour les tenants de la Ligne claire, les imitateurs de Franquin ou pour les dessinateurs issus du dessin de presse. Pas évident de « faire œuvre. »
Mode d’emploi
Mais si comme le suggérait André Gide, « L’art naît de contraintes, vit de lutte et meurt de liberté. » Il y a foule d’artistes qui se plient facilement à ces stéréotypes et arrivent même à dépasser le modèle, cela a été le cas pour Tex Avery, Edmond-François Calvo, Franquin ou Albert Uderzo qui, bien que nés sur les fonds baptismaux de Disney, ont fait une carrière personnelle qui a marqué l’histoire de leur art. Il faut donc regarder cet ouvrage comme un outil, un mode d’emploi à partir duquel le dessinateur créatif saura prendre ses distances. Ou non, selon les circonstances de la vie.
L’album est divisé en trois parties : « Pour commencer », où l’on étudie les figures, les gestes, les expressions, la couleur et le processus de stylisation ; « Projets de personnages », où divers caractères héroïques sont construits pas à pas par six dessinateurs différents ; et une galerie de personnages très différents, la section plus importante du livre, où une multitude de graphistes racontent comment ils ont bâti leurs sujets, de la première recherche souvent observée sur le vif à l’élaboration finale, parfois en interaction avec l’éditeur ou le réalisateur/producteur.
Si vous avez dans votre entourage un jeune qui s’essaye au dessin, cet ouvrage est un premier viatique plaisant et solide. Après tout, Albert Uderzo comme Yves Chaland avaient commencé à suivre les cours de dessin par correspondance ABC (« Si vous pouvez écrire, vous pouvez dessiner »...) avant de faire leur brillante carrière.
(par Didier Pasamonik (L’Agence BD))
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