Romans Graphiques

"Cristal 417", le véritable visage du "36 Quai des Orfèvres"

Par Charles-Louis Detournay le 23 septembre 2022                      Lien  
Derrière cet étrange titre se tapit ce qui s'annonce certainement comme l'un des polars de l'année : une magnifique immersion ultradocumentée au sein de la brigade criminelle de Paris. Coscénarisée par un commissaire du 36 et profitant d'un parfait équilibre entre narration et authenticité. Un titre à ne pas rater pour les férus d'autofiction policière !

2015. Après un stage l’année précédente, Pauline est recrutée à la Brigade criminelle de Paris. Cette jeune policière provinciale quitte donc Metz et débarque au prestigieux 36, quai des Orfèvres, à Paris. À 25 ans, elle découvre le travail propre aux homicides, les affaires en cours, les responsabilités qui semblent insurmontables, le prestige, les tâches ingrates, l’émulation, la solitude francilienne, etc. Bref, le métier d’enquêtrice avec ses hauts et ses bas.

Fraîchement débarquée, Pauline commence en bas de l’échelle. Dès qu’une enquête semble intéressante, c’est un de ses collègues plus expérimentés qui s’en occupent. Mais comme elle possède une bonne écriture, elle va régulièrement sur les scènes de crime afin de noter tout ce qu’elle voit et réaliser les comptes-rendus.

"Cristal 417", le véritable visage du "36 Quai des Orfèvres"

Sa première mission : déterrer une cold case. Une affaire qui traîne depuis six ans sans avancée notoire. Entre deux interventions, la grande part de son quotidien se consacre au tronc de cette femme trouvée dans un terrain vague. Elle reprend tout depuis le début, reprenant chaque trace, tentant de contacter toutes les administrations pour au moins mettre un nom sur ce cadavre : une aiguille au milieu de la botte de foin parisienne.

Confrontée à des crimes extraordinaires comme à la banalité du mal, entourée de ceux qu’elle considère comme l’élite de la police, la jeune recrue va devoir grandir vite, très vite.

Sur le coup, avec ce titre un peu sibyllin et cette couverture présentant une fliquette guère enthousiaste, on se demandait un peu ce qu’allait renfermer ce Cristal 417. En plus, on commence par la visite d’un appart à Paris... bref, on était un peu paumé. Un sentiment qui s’est vite effacé au fur et à mesure que la mayonnaise a pris.

Le propos de l’ouvrage n’a rien à voir avec les drogues (pas de Crystal), mais bien avec la fameuse Police Judiciaire (PJ) de Paris et son tout aussi réputé 36 quai des Orfèvres, du moins avant le déménagement. Tous des détails bien connus des auteurs : après dix pages, on sait déjà que le tandem de scénaristes est ultra-documenté et que l’on va passer un bon moment... Et quel bon moment !

En effet, Cristal 417 est certainement l’une des autofictions de l’année, à n’en pas douter. Premièrement, le personnage central de cette jeune policière de 25 ans est très bien travaillé : on comprend ses moments de doute, ses malaises, la mauvaise balance entre sa vie professionnelle et ce qui reste de sa vie privée. L’identification est parfaite, et permet même d’aborder des sujets comme le sexisme de manière détournée.

Deuxio, l’album dévoile les coulisses de la PJ tout en évitant le côté barbant, notamment grâce au fil rouge de l’héroïne. Les ramifications deviennent palpables, tout autant que les techniques de filatures ou les private jokes. Seul bémol : cette implication ultradocumentée nécessite d’utiliser les abréviations multiples et le langage codé des initiés, ce qui multiplie les renvois en bas de page et casse un peu le rythme de lecture. L’une ou l’autre page en pâtit réellement, mais heureusement le reste passe crème.

Tertio, les enquêtes s’emmêlent pour notre grand bonheur. Car dans ce genre de récit qui se veut réaliste, souvent la petite nouvelle déterre une cold case qui devient super-prenant. Ou alors une enquête tombe sur le département et ils s’en occupent tous à fond, comme s’ils tapaient précédemment le carton en attendant qu’un meurtrier vicieux leur donne une affaire à résoudre.

Dans ce cas, la réalité se met au diapason du récit, avec plusieurs enquêtes, qui trouvent bien entendu toutes leurs résolutions, afin de ne pas laisser le lecteur sur sa faim. La seule difficulté avec ce type de construction est la fin de l’aventure, car des solutions ont déjà été donnés à certains problèmes, une conclusion sans punch pourrait nuire à l’ensemble. Heureusement les auteurs s’en tirent avec beaucoup de réussite, en apportant un coup final des plus judicieux.

Restait à illustrer tout cela, ce qui s’annonçait également comme une belle épreuve. Malgré le format plus réduit et classique de ce type de roman graphique, chaque planche est assez dense, comprenant beaucoup de cases et encore plus de dialogues. Boris Golzio tire habilement son épingle du jeu avec un dessin à la fois très lisible, qui permet de lire l’album d’un bloc, et suffisamment réaliste pour impliquer le lecteur dans ce contexte des plus authentiques. Les couleurs très narratrices de Robin Millet participent pleinement à ce confort de lecture, se mettant également au service de la narration.

Bref, un album qui conjugue au mieux les talents d’une équipe soudée, surtout avec le commissaire-scénariste Henri Scala, et plus particulièrement Mark Eacersali qui avait déjà marqué le coup avec Tanarive et surtout avec GoSt 111, son premier roman graphique sorti en 2020, qui a remporté au FIBD le Fauve Polar SNCF. Un auteur à suivre et un album à ne pas rater pour ceux qui apprécient les immersions réalistes dans le cadre policier.

(par Charles-Louis Detournay)

Cet article reste la propriété de son auteur et ne peut être reproduit sans son autorisation.

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Code EAN : 9782344044001

Cristal 417 - Mark Eacersall, Henri Scala & Boris Golzio - Glénat
Paru le 14 Septembre 2022 - 120 pages - 19,50 €

Du même scénariste, lire également : Coup de cœur pour "Tananarive", de Sylvain Vallée et Mark Eacersall (Glénat)

Glénat ✍ Mark Eacersall ✍ Henri Scala ✏️ Boris Golzio 🎨 Robin Millet à partir de 13 ans Polar France
 
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