Provocateur Robert Crumb ? Au contraire, le « pape » des comix et de l’Underground, timide, voire emprunté, mais inspirant la sympathie, a fait une apparition presque éthérée, le mardi 4 mai, à l’occasion du vernissage de son exposition à Paris. Au point que ses fans européens ou d’outre-Atlantique qui s’étaient donnés le mot pour venir célébrer le père de Fritz the Cat ou Mr. Natural n’ont pas tous remarqué, dans un premier temps, son irruption. Ce dernier en a profité pour se faufiler vers le fond d’une galerie Martel bondée, où s’ensuivit une séance de dédicaces. Avant qu’il ne s’éclipse tout aussi discrètement qu’il était apparu, sans doute pour retrouver bientôt la tranquillité de Sauve, son refuge du sud de la France.
Un pionnier américain, à sa façon
Sa présence a également attiré ce soir-là plusieurs de ses confrères renommés du Vieux Continent, notamment Blutch, Nicolas de Crécy, Fred ou Alex Varenne.
Lorenzo Mattotti, l’œil brillant, est visiblement ravi de revoir celui qu’il considère comme l’un de ses inspirateurs importants. Il rappelle, en substance, que, pour lui, Robert Crumb a compté comme un pionnier essentiel qui a montré la voie aux créateurs du neuvième art vers la conquête d’un mode d’expression plus personnel, affranchi des anciennes standardisations.
Précédemment, à son propos, Lorenzo Mattotti précisait ainsi à notre micro : « Il m’a influencé beaucoup. Oui, évidemment, pour son idée de la bande dessinée, sa liberté, la possibilité de raconter ses cauchemars, son monde à soi. C’était une révolution totale dans les années 1960 ! Et je crois qu’il a influencé tous les auteurs de cette période. On voyait alors, qu’enfin, on pourrait utiliser la bande dessinée pour sa vie, raconter les choses de la vie. Avant, il n’y avait que les séries, les héros récurrents, l’aventure. C’est, certes, magnifique tout ça. Mais, il n’y avait pas cette idée que la vie quotidienne, notre vie, pouvait y entrer et s’insinuer dans ce cadre. En supplément, ça s’est accompagné de la musique rock, de toute la culture de l’image des années 1960, des films d’animation de l’époque… »
Un dessinateur qui connaît la musique
Les œuvres présentées ne constituent pas toutes des découvertes pour leurs amateurs, mais en voir certaines, même fréquemment reproduites, procure un plaisir indéniable. En outre, au lieu d’exploiter la thématique des choses du sexe, devenue habituelle concernant Robert Crumb, elles mettent en évidence ses affinités de longue date avec différentes formes de musique, la littérature (collaboration avec Charles Bukowski), ainsi que ses références cultivées à l’égard de la bande dessinée et son histoire.
Gageons que les prix atteints par de nombreux croquis ou portraits ayant eu pour supports des nappes en papier, lors de repas au restaurant, vont donner l’envie à plus d’un d’y inviter leur auteur ! Toutefois, en bon collectionneur, et pas seulement de quelque cinq mille vinyles 78 tours, il semble scrupuleusement les récupérer après les avoir exécutés sur le vif…
(par Florian Rubis)
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En médaillon : autoportrait du dessinateur © Robert Crumb & galerie Martel, 2007.
Exposition Robert Crumb, du 5 mai au 5 juin 2010, du mardi au samedi, de 14 h 30 à 19 h. Galerie Martel - 17, rue Martel 75010 Paris.
Plus de détails sur les œuvres exposées
Visiter le site officiel de Robert Crumb
La Genèse – Par Robert Crumb – Denoël - 228 pages, 29 euros
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