Un officier d’une colonie pénitentiaire explique à un voyageur le fonctionnement d’une machine infernale dont le principe consiste à graver la sentence dans la chair du condamné jusqu’à ce que mort s’ensuive...
L’atmosphère particulière des romans et nouvelles de Kafka a donné naissance à un adjectif, « kafkaïen », qui renvoie à quelque chose d’absurde et d’illogique, de confus et d’incompréhensible. Sylvain Ricard n’a donc pas choisi la facilité en proposant d’adapter Dans la colonie pénitentiaire...
Un voyageur, un soldat et un condamné se retrouvent plutôt spectateurs qu’acteurs face à un officier "à la profonde et naïve sincérité, à l’engagement sans faille et à la fidélité animale pour son défunt commandant". Le scénariste traite son histoire comme une pièce de théâtre. Le décor, un désert aride, recentre de suite le regard sur le centre de la scène où les acteurs s’agitent autour de cette machine de torture. Au dessin, Maël joue parfaitement des gros plans et utilise une multitude d’expressions subtiles pour mettre en scène le quasi-monologue de l’officier.
La machine, deuxième personnage principal de l’histoire, n’est montrée que par morceaux. Le dessinateur adopte le principe de Ridley Scott dans le premier Alien : suggérer plutôt que dévoiler. L’objet n’en devient que plus inquiétant dans ces lumières crues adoptées par Albertine Ralenti. La sensation d’oppression est là tout comme l’absurdité, le cynisme et la cruauté. Kafka aurait sans doute aimé cette adaptation.
(par Laurent Boileau)
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