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David Ratte ("Mamada") : "J’ai besoin d’être immergé dans le sujet."

Par Patrice Gentilhomme le 11 décembre 2013                      Lien  
Né d'un père guadeloupéen et d'une mère franc-comtoise, David Ratte construit une oeuvre dans laquelle il n'hésite pas aborder des thèmes proches de la polémique au travers du prisme de l'humour et de la fantaisie. Rencontre avec l'auteur de Mamada, son dernier opus, qui a pour toile de fond l'immigration et les rapports entre l'Afrique et l'Occident.

Le moins que l’on puisse dire c’est que cette nouvelle héroïne n’est pas très sympathique : tyrannique, râleuse, raciste…

Au départ Mamada n’est pas un personnage sympathique, en effet ! Mais elle va révéler des choses par la suite,… des choses positives. Je trouve ça plus émouvant, plus attachant. J’aime bien le principe de rédemption. C’est vrai que Jonas est un type qui évolue même s’il a du mal à le faire ; les qualités de cœur qui apparaissent à la fin du Voyage des Pères nous font oublier toutes les âneries qu’il avait dites avant. Quelques mots, quelques attitudes, et voilà ! J’aime bien ce genre d’histoire !

Êtes vous parti pour un diptyque ou sur une nouvelle série ?

Je compte décliner Mamada, ouvrir les choses sur trois ou quatre tomes maximum. En tout cas c’est un personnage que j’ai envie de faire voyager, d’emmener vers d’autres univers. J’ouvre des portes et on verra si je les utilise ou pas. C’est quelqu’un que j’ai envie de suivre sur le long terme.

David Ratte ("Mamada") : "J'ai besoin d'être immergé dans le sujet."
Toxic Planet, une approche de l’écologie iconoclaste et provocatrice.

Comment est née cette idée ?

Ce qui m’intéresse c’est de poser une critique de notre société à partir d’un personnage extérieur, l’amour d’un personnage grognon, atypique et aussi l’envie de faire quelque chose de contemporain. C’est aussi mon intérêt pour la culture africaine. Moi-même, je suis à moitié noir, même si ça ne se voit pas (rires) ; mon père est noir et ma mère blanche. La mentalité africaine m’intéresse beaucoup, elle est pleine de bon sens. Au hasard d’un reportage TV, j’ai pris conscience qu’il y avait quelque chose d’intéressant chez les Himbas. Ensuite, ça s’est développé petit à petit….

Êtes-vous déjà allé en Afrique ?

Non, je suis un voyageur paresseux (rires), j’ai peur en avion, en bateau c’est compliqué. J’ai donc fait des recherches sur le sujet, j’ai lu des bouquins... mais sans trop savoir ce que j’allais en faire. Puis, j’ai eu envie de faire cette histoire de super-héros, de personnages africains à propos des Himbas…Les choses se sont imbriquées comme ça !

Comment se passe la rédaction de vos scénarios ?

Ça se construit beaucoup au fur et à mesure. J’ai les grandes lignes, les étapes importantes par lesquelles je vais passer, mais souvent je ne sais pas comment je vais y aller ! J’ai du mal à écrire tout à l’avance ! J’ai besoin d’être imprégné, immergé dans le sujet et tant que je n’ai pas les premiers dessins, voire les premières planches, j’ai du mal à me mettre dedans. Quand j’ai des idées qui arrivent, ça avance à ce moment là.

Mamada permet à David Ratte d’aborder le thème des rapports Nord-Sud de manière très personnelle...

Tout en travaillant sur d’autres projets ?

Ça ne me gêne pas d’être sur plusieurs choses en même temps. En ce moment, par exemple, je suis sur quatre trucs différents. Tout ne se fait pas à la même vitesse, mais j’aime bien passer d’une chose à l’autre ! Je travaille sur un projet jeunesse que je suis en train de dessiner et une série que j’avais un peu laissée tomber depuis quelques temps, une parodie située dans le New York des années 1950 : des enquêtes à la Wells. J’ai aussi un one-shot en écriture. Pour en revenir à Yona, il y a une troisième saison de prévue, pas tout de suite, mais cela nous permettra de remonter le temps jusqu’à Noé et la période du déluge.

Évidemment, il y a forcément un projet qui prend le pas sur les autres mais j’aime bien avoir plusieurs choses en route. D’ailleurs la première planche de Mamada, je l’ai faite en plein milieu de Yona : j’avais besoin de lui donner corps. Puis je l’ai laissée en stand by pendant plusieurs mois. Cela m’a permis de mûrir le projet, de le faire évoluer.

Êtes vous parfois sur la corde raide avec certains sujets ?

Ah oui, totalement ! C’est le challenge : faire rire avec un sujet sans se moquer ! Par conviction personnelle, je suis persuadé qu’il faut aborder ces sujets, mais avec respect, même si on ne partage pas l’opinion des gens.

Le voyage des Pères : l’humour associé à une narration exigeante.

Vous aimez bien les sujets qui font débat. Peut-on rire de tout ?

J’aime bien aborder des sujets de fond comme l’écologie avec Toxic Planet, par exemple, ou l’immigration dans Mamada. Mon idée est toujours d’en faire quelque chose ou une histoire décalée. Je m’interdis certainement des choses, je pense qu’il y a une manière d’aborder un sujet.

Je ne cherche pas non plus à provoquer, ce sont tout simplement des sujets qui m’intéressent sur lesquels je me pose des questions et dont j’ai envie de parler.

Dans le one shot, je vais aborder le thème des violences conjugales, sujet difficile mais que je veux approcher de manière bienveillante. C’est un thème que j’avais envie de traiter à travers une histoire, à travers une vision religieuse. Pour l’occasion, et par curiosité, je me suis acheté un Coran pour voir ce qu’on en disait. Mon éditeur me fait confiance car il connait ma vision des choses, mon point de vue et ma manière d’aborder ces thèmes un peu ardus.

Votre éditeur, c’est Pierre Paquet, vous lui êtes très fidèle…

Oui c’est un éditeur qui me laisse libre dans mon travail, je ne pense pas que j’aurais pu faire Le Voyage des Pères ailleurs par exemple. Quand je l’ai proposé, je ne savais même pas ce que j’allais en faire. Pierre Paquet a accepté le projet sur cinq lignes de pitch et sur le titre. Je lui ai expliqué très brièvement, une histoire humoristique des apôtres sans tirer sur la religion.

À part trois albums chez Soleil, je n’ai jamais retrouvé ailleurs la même liberté que chez Paquet ; j’use de cette liberté, une liberté, disons-le, assez rare !

Propos recueillis par Patrice Gentilhomme

(par Patrice Gentilhomme)

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© Illustrations David Ratte – Editions Paquet 2013

 
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